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Hôpital de Moka : «Rantré kaylouss sorti aveg»

16 octobre 2016, 21:00

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Hôpital de Moka : «Rantré kaylouss sorti aveg»

Vous ne l’avez peut-être pas vu passer. Mais mercredi, on a célébré la Journée mondiale pour la vue. Un prétexte tout trouvé pour aller voir comment vont les choses du côté de l’hôpital de Moka. Les problèmes sont-ils toujours aussi nombreux que les patients ? Est-ce qu’on voit le bout du tunnel pour ce qui est des soins ? Voyons voir.

Vendredi matin. Premier coup d’oeil. Les voitures, les lunettes de soleil et les yeux bandés sont au rendez-vous. Constat de visu : la salle d’attente est remplie comme un oeuf. Les (im) patients prennent leur mal en patience. Difficile de ne pas tourner de l’oeil quand on attend durant des heures.

«Klinik kout ser, samem mo oblizé vinn fer tretman isi pou katarak», confie Prem. Pour qui «rien n.a changé. Ou vinn isi 8 er ou sap la 8 er di swar». Nemrita, elle, a dû attendre plus d’un an avant de pouvoir se faire opérer de la cataracte. «Ils me renvoyaient à chaque fois, en me disant que j’avais un problème au cœur, le jour où je devais subir l’opération. On m’a trimballée dans d’autres hôpitaux pour vérifier mais je n’avais rien, au final.» Résultats ophtalmologiques : elle a perdu l’usage de son œil gauche.

Ça heurte les oreilles, pique les yeux ; sur les radios privées, sur les réseaux sociaux, les critiques pleuvent contre l’établissement hospitalier. Elles émanent certes de personnes âgées mais aussi de jeunes. «Une fois, j’y ai emmené mon épouse pour une consultation, elle avait les yeux rouges. Le médecin lui a dit qu’il ne savait pas ce que c’était. Linn dir li kapav linn vinn lopital linn trap infeksyon…» ironise Chakeel P., en roulant les yeux.

Jean Parle (nom modifié), lui, a bien failli arracher les yeux au médecin qui l’a examiné. «Il a simplement allumé sa torche et a conclu en 15 secondes que c’était une ‘infection’.» Heureusement, poursuit notre témoin oculaire, un interne, plus zélé et méticuleux, a fini par détecter un zona, une maladie infectieuse qui peut rendre aveugle si elle n’est pas traitée à temps.

Les (més)aventures qu’elle a vécues à Moka, Shireen en a quelques-unes à raconter. Comme la fois où le médecin lui a dit qu’il allait l’opérer de la cataracte «immédiatement, sur place» parce qu’on avait oublié de lui envoyer «sa lettre». «J’ai refusé, on m’a donné une autre date. Sa zour-la, inn met mwa dormi dan koulwar lor sivyer parski pa ti éna plas». Axelle, elle, a bien failli y laisser son oeil, ayant eu affaire à une conjonctivite tenace : «Moka-la pa fasil. Ou rantré kaylouss ou sorti aveg. Pena medsinn parfwa. Ou rappel kit i arivé ek pikir Avastin ?» Pour ceux qui ne s’en rappellent pas, en 2014, des personnes avaient perdu la vue après qu’on leur a injecté de l’Avastin.

Pour en revenir à aux autres mécontents, il y en a des centaines et des centaines, renchérit un homme de loi qui a l’œil quand il s’agit de cas de négligence médicale. «J’ai défendu plusieurs patients et la plupart, soit une trentaine, ont obtenu gain de cause en cour. Ils ont eu droit à des dédommagements.»

Et le personnel soignant dans tout ça ? Détrompez-vous, il ne porte pas d’œillères. Mais a aussi les mains liées, si l’on en croit cette infirmière, qui compte six ans de service au sein de l’hôpital de Moka. «Nou débordé. Départman outpatient pas kozé. Piblik fristré akoz bizin atann tro lontan, zot vinn sovaz. Toulézour bizin gagn zouré 10 fwa par zour», déploret- elle. «On promet plein de choses mais on ne fait rien. Les choses n’ont pas changé.»

Ce qui retarde la machine déjà brinquebalante, ajoute l’infirmière, c’est la numérisation des fichiers. «Bizin met nom pasian lor ordinater, sa extra tardé.» Sans parler des dossiers qui disparaissent sans laisser de traces, le temps d’attente lors de l’étape de «dilatation» ou encore la pagaille généralisée dans la salle d’attente. N’a-t-elle vraiment vu aucune amélioration ces derniers temps ? Si, au niveau du département chirurgie, affirmet- elle. «Avan, bann séki oper katarak ti bizin atann plis ki trwa mwa. Aster ziss enn-dé mwa…» Et d’ajouter : «Bann otorité aveg. Bizin fer kitsoz.»

Les optimistes diront attendons voir. Les sceptiques que c’est tout vu.