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Prema Narain: «Peut-être qu’il y a des gens qui n’aiment pas Mme Soornack»

18 octobre 2016, 22:25

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Prema Narain: «Peut-être qu’il y a des gens qui n’aiment pas Mme Soornack»

Elle est la directrice adjointe d’Airway Coffee mais aussi la petite sœur de Nandanee Soornack. Dans un entretien exclusif accordé à «l’express», Prema Narain livre ses inquiétudes quant au sort des employés du restaurant. Elle confie aussi que sa sœur, gérante d’Airway Coffee n’a pas cessé de se battre pour eux. Mais elle a refusé de se prononcer sur la vie de sa sœur en Italie ou sur les liens de la femme d’affaires avec Navin Ramgoolam. L'une des conditions à la réalisation de cet interview...

On dit que vous êtes la plus douce des six sœurs Soornack. C’est vrai ?

(Rires) Ah bon ! C’est peut-être parce que je suis à l’écoute et que j’essaie d’être proche des employés.

Avez-vous l’impression que ce qui arrive à Airway Coffee aujourd’hui est le résultat d’une trop grande proximité avec le pouvoir ?

Je ne veux pas pointer du doigt qui que ce soit. Ni les autorités, ni ATOL. Si on me demandait ce que je veux, je dirais : que l’on soit autorisé à continuer les opérations à l’aéroport et que tous les employés conservent leurs emplois.

Je ne sais pas d’où tout cela vient. Peut-être qu’il y a des gens qui n’aiment pas Mme Soornack. Il ou elle ne veut pas voir Mme Soornack là-bas. Je vous dis simplement que les employés ne sont pas fautifs. Je voudrais qu’il y ait une solution pour eux.

Quel est le sentiment de Nandanee Soornack face à cette situation qui touche ses employés ?

Elle s’est toujours battue pour eux. Elle est toujours à l’écoute. Elle essaie de faire son maximum pour sauver leur emploi. Elle ne cherche pas son propre intérêt.

Pensez-vous que les employés comprennent qu’elle soit partie en Italie au moment de la crise ?

Je ne peux pas vous répondre là-dessus.

Elle parle aux employés ?

Pas souvent. Mais si les employés demandent à lui parler, nous faisons une demande et elle parle. Mais elle a ses représentants ici. Elle sait qu’on est là et elle nous fait confiance.

Un mot sur son état d’esprit ?

Elle est forte. Parfois c’est plus dur. Mais elle a toujours été une battante.

Que faisiez-vous avant d’atterrir à Airway Coffee ?

J’étais dans le domaine pharmaceutique.

C’est à la demande de votre sœur que vous avez rejoint son business ?

Elle me l’a demandé et j’ai vu que c’était bien. J’y suis allée. J’ai pensé pouvoir l’aider.

Cela fait combien de temps que vous êtes chez Airway Coffee ?

Je n’aime pas dire que je gère Airway Coffee. Je suis là-bas depuis mars 2013 et depuis, j’essaie de m’occuper un peu de tous les départements. J’ai un pied dans la production et dans l’opération, mais il y a aussi les responsables de différents départements pour cela.

Quel est votre titre ?

J’ai débuté comme Production Manager. Puis je suis devenue Operation Manager et là, j’occupe les fonctions d’Assistant General Manager d’Airway Coffee.

«Airway Coffee n’est pas un business familial. »

Avez-vous d’autres sœurs dans ce business ?

Oui, j’en ai deux autres. Si nous n’avons plus le droit de travailler, c’est quatre personnes de la même famille qui se retrouveront à ne plus travailler. Sans compter les employés dont le conjoint travaille également au restaurant. Je dois ajouter qu’Airway Coffee n’est pas un business familial. Il appartient à Mme Soornack et aucune des sœurs n’est actionnaire dans l’entreprise ou partenaire d’affaires. Nous sommes des employées.

Vous aussi vous l’appelez Mme Soornack…

(Rires) Non, quand je m’adresse à vous, je l’appelle comme ça.

C’est le business qui a permis à votre famille de sortir d’un milieu très modeste pour atteindre un certain confort. C’est aussi le business qui vous a valu une pluie de critiques. Comment votre famille a-t-elle vécu ces moments ?

Tout le monde n’a pas les mêmes pensées ou les mêmes opinions. Si certaines personnes trouvent qu’elles ont raison, nous n’allons pas les contredire. Notre but n’est pas de faire cela. Ma mère a souffert terriblement. Ce n’est pas facile. Quatre de ses filles vont perdre leur emploi. Mon père est décédé l’an dernier et il a beaucoup souffert de tout cela. Il entendait à la radio ce que les gens disaient. C’était dur pour lui. Il voulait voir sa fille avant de mourir… il n’a pas pu le faire. Ma maman est très forte. On est là. Elle fait confiance à Dieu.

On peut dire que vous avez pris vos responsabilités dans un moment de crise. Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour vous ?

J’ai pris mes fonctions à Airway Coffee avant la crise. J’ai commencé avec l’ouverture du nouveau terminal, en août 2013. Ce n’était pas la crise à ce moment-là. Il y avait énormément de travail. Mais c’était très intéressant. Tout le monde travaillait ensemble.

Comment avez-vous fait pour gérer la période de 2014 à maintenant ?

Franchement, ce n’est pas facile. Avec le soutien de toute l’équipe, l’opération, l’administration, le personnel, on a pu gérer. Le plus dur, c’était lorsque les fournisseurs avaient cessé de nous fournir à crédit. C’était le plus gros problème. Ce n’était pas évident d’expliquer aux employés ce qui se passait. De leur faire comprendre la situation.

Vos fournisseurs ont décidé du jour au lendemain de vous lâcher ?

Dès qu’ils ont appris qu’Airway Coffee faisait face à des difficultés, ils ont cessé de nous fournir. Ils nous ont dit qu’ils arrêteraient de le faire parce qu’ils ne pouvaient être sûrs qu’on allait les payer. Du coup, on leur a demandé de nous livrer et on a été dans l’obligation de régler à la livraison. Nous avons diminué les commandes.

Qu’est-ce qui a conduit à la chute d’Airway Coffee, selon vous ?

D’abord, il faut comprendre que le projet d’Airway Coffee a nécessité un gros investissement. On a construit le quartier général à Beau-Vallon. C’est le bâtiment que nous louons de Business Parks of Mauritius Ltd. Nous l’avons fait pour offrir le meilleur service à notre clientèle. Nous avions contracté des emprunts. Mais nous l’avons fait parce que, initialement, nous avions un contrat de dix ans à l’aéroport. Nous avions fait provision pour recouvrer les investissements sur dix ans.

Mensuellement, que représentent les dépenses d’Airway Coffee ?

Nous avons des coûts fixes, les salaires, le remboursement des prêts, les taxes. Et les recettes ne suivent pas. Sans compter que nous avons des basses saisons et des saisons de pointe. Mais nous devons assurer quand même.

Une indication du montant de vos dépenses…

Je ne peux pas vous le dire. Disons que plus de la moitié des recettes vont directement au paiement des coûts fixes.

Faites-vous des profits ?

Je ne peux pas vous dire cela. Tout ce que je peux vous dire, c’est que nos dépenses sont énormes et que, malgré la crise, le personnel a été payé, à chaque fois. Cela comprend le boni de fin d’année.

Justement, qu’est-ce qui va se passer pour les salaires d’octobre, à présent que vous n’êtes plus autorisés à opérer à l’aéroport ?

Oui, nous allons payer les 150 employés pour ce mois-ci. Et puis, nous n’opérons plus à l’intérieur de l’aéroport, mais nous sommes toujours présents à l’étage, là où le grand public a accès. On a essayé d’expliquer aux salariés que ce ne sont que les opérations d’Airway Coffee qui assurent une rentrée d’argent chaque mois.

C’est le restaurant de l’intérieur qui marchait le mieux…

C’était le cœur des opérations. Le main business était là-bas. C’est ce qu’on nous a pris.

Vous opérez toujours le restaurant de l’étage, malgré l’ordre d’éviction ?

Oui, nous n’avons pas le droit d’opérer. Je vous explique. Au niveau 1, nous avons besoin d’un Pass pour entrer et il a expiré le 30 septembre. Il n’a pas été renouvelé. Tandis qu’en haut, c’est différent, on n’en a pas besoin.

Mais c’est le même contrat pour les deux restaurants de l’aéroport qui a été résilié…

Oui, le même, mais on opère toujours pour le moment. On a trouvé un arrangement avec les employés pour qu’ils viennent plus nombreux dans le shift du matin et du soir. Certains ont pris leurs congés. Cette situation va durer aussi longtemps qu’on attendra le verdict de la Cour.

Justement, le liquidateur dit ne pas pouvoir disposer des actifs de la firme parce qu’il n’est qu’un «Provisional Liquidator». Du coup, comment comptez-vous faire ?

Il a demandé à un juge de lui donner des directives pour connaître la marche à suivre. Parce qu’il n’a pas les mêmes pouvoirs qu’un liquidateur. On ne peut qu’attendre le verdict de la Cour. On ne peut rien faire avant cela. L’avenir de tous les employés est suspendu à ce que dira le juge.

Parlez-nous des débuts d’Airway Coffee…

Airway Coffee existe depuis 2009. Nous avions, à l’époque, un petit bureau à Plaine-Magnien où il y avait la production et l’administration. Il n’y avait pas un aussi grand terminal avec plusieurs zones. Mais le travail était très bien. Nous avons ensuite décidé de nous agrandir. Et là tout est tombé à l’eau.

Votre famille n’a qu’Airway Coffee comme business ?

Les seules ressources que l’on a, c’est Airway Coffee. À côté, on faisait des outdoor caterings. Mais là, à cause de la réputation que l’on nous a collée, on n’a même plus cela. Les clients fuient. C’est chagrinant parce que de notre côté, on a tout fait pour sauver le business et le travail de ces 150 personnes. On s’est battu.

C’est quoi le «mood» des employés ?

Ils sont découragés. Ils attendent le jugement de la Cour. Certains ont cinq ans de service. D’autres sont les seuls à travailler dans leur famille. Le plus triste c’est que les travailleurs ne sont pas fautifs. Ils ont besoin de travailler. Nous, au niveau d’Airway Coffee, on n’a rien à nous reprocher sur l’hygiène, les certificats. Nos fournisseurs sont les meilleurs, notre production est assurée par des professionnels.

Comment comptez-vous régler vos dettes auprès d’ATOL et d’AML ?

Si Mme Soornack peut trouver un client potentiel pour vendre ses actions et que le client est prêt à payer ATOL, je ne crois pas qu’il y aura un problème. En mai, lorsque la Cour a décidé de nommer un liquidateur provisoire, l’argent que nous avions rassemblé pour payer nos dettes a été pris par la banque. Nous avons tout recommencé à zéro.

Est-ce qu’il y a des démarches en cours pour trouver ce client ?

Oui, oui.

Mais personne ne veut acheter ?

Si. Il y a des gens qui le sont. Mais tout dépendra des négociations avec ATOL. Le client s’y intéresse à condition que le contrat reste et que les employés puissent continuer à travailler.

Donc, sans le contrat, personne ne veut d’Airway Coffee…

Écoutez, si ATOL veut avoir son argent et si un client veut le payer et reprendre le business, pour- quoi ne pas accepter ?

Vous avez l’impression que ce n’est pas ça le vrai problème…

Non, je ne veux pas en dire plus. Tout dépendra des négociations avec ATOL. Je pense qu’ils attendent également que la Cour se prononce. C’est elle qui va décider. Je ne dis pas qu’ATOL n’est pas en train de faire ce qu’il faut ; je veux juste savoir ce que les employés doivent faire entre-temps.

Votre famille est-elle prête à laisser Airway Coffee à quelqu’un d’autre ?

Ce n’est pas facile, non. Mais si en faisant cela, on peut sauver les employés, nous sommes prêts à le faire. C’est le cas pour Mme Soornack aussi. Elle a travaillé dur pour Airway Coffee, elle a aidé ses employés. Au départ, en se lançant dans cette entreprise, c’était pour créer de l’emploi. Même si c’est difficile, s’il faut le faire, elle le fera.