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Trafic de drogue en prison: jusqu’à Rs 100 000 par mois «pour un gardien complice»

22 octobre 2016, 22:30

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Trafic de drogue en prison: jusqu’à Rs 100 000 par mois «pour un gardien complice»

«Zamé mo ti pou trouv biyé koumsa divan mwa.» Et c’est justement ce qui a poussé Serge (prénom modifié) à céder à la tentation. Gardien de prison, il accepte la proposition d’un caïd d’y transporter de la drogue… Epinglé, cet homme s’est confié à «l’express».

Dans le milieu carcéral, Serge n’est pas une exception. D’ailleurs, selon le commissaire des prisons, Vinod Appadoo, il y a des «dirty prison officers qui se laissent facilement intimider par les détenus». C’est ce qu’il a déclaré lors de son audition devant la commission d’enquête sur la drogue, mercredi.

Nous avons voulu en savoir plus. Une question d’emblée : ces officiers sont-ils des «gourman larzan» ? Pas forcément, dit Vinod Appadoo. Certains arrivent difficilement à joindre les deux bouts. «Un officier peut toucher un salaire de Rs 15 000 et il s’endette souvent pour construire une maison», explique-t-il. 

D’ailleurs, fait ressortir une personne qui connaît bien le milieu carcéral, «un gardien complice peut toucher jusqu’à Rs 100 000 par mois» en devenant passeur ou autre pour le compte des prisonniers.

Vinod Appadoo de poursuivre que lorsqu’un gardien de prison rencontre un «caïd», il se laisse facilement tenter. «Tous les officiers de la prison aiment parler avec les détenus pour faire passer le temps. Mais certains se laissent aller, jusqu’à accepter la proposition de ceux qui sont mafieux.»

Cela a notamment été le cas de Serge, qui est aujourd’hui âgé d’une soixantaine d’années. Se considère-t-il comme un «dirty prison officer» ? «Je me suis laissé appâter par de l’argent facile», répond cet habitant de Port-Louis, reconverti en mécanicien.

De raconter que «quand j’ai eu ce travail, ceux autour de moi étaient fiers. Mais je n’ai pas su le garder». Après trois années de service, il rencontre un des plus grands trafiquants détenus à Beau-Bassin. Ce dernier lui aurait proposé de faire entrer un colis à l’intérieur de la prison. «Il m’avait offert une grosse somme d’argent. J’ai accepté.»

Un plan est élaboré mais Serge est dénoncé par ses collègues à la dernière minute. Débute alors la galère. «Tout s’est écroulé autour de moi. Ceux qui m’ont dénoncé étaient aussi crapuleux que moi, mais ils n’étaient pas contents que ce trafiquant m’ait choisi pour ce travail.»

Le gardien de prison perd alors son emploi mais aussi l’estime de sa famille. «J’étais la bête noire. Certains membres de ma famille ne m’adressent plus la parole depuis…»

À entendre les divers témoignages, les officiers de prison sont souvent les marionnettes des détenus mafieux. «Ils récupèrent des colis qu’ils amènent à l’intérieur. Mais leur travail ne se limite pas à être passeur», confie, de son côté, Anand (prénom modifié). Condamné à 25 ans de prison, il a été libéré plus tôt pour bonne conduite. Anand fait ressortir qu’il a appris les rouages du trafic de drogue en prison. «J’ai beaucoup observé…»

Le tableau n’est pas pour autant tout noir. Parmi les gardiens de prison, il en existe qui font leur travail avec passion et conviction, souligne cet ex-détenu. Cela malgré les difficultés qu’ils rencontrent. «Ils sont rares. Ils ont le coeur sur la main mais ne tombent pas dans la bassesse. D’un autre côté, ceux qui amenn rol séver lamem ki pli manzé.»