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Réforme électorale: les Rodriguais déplorent l’absence de consultation

24 octobre 2016, 08:11

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Réforme électorale: les Rodriguais déplorent l’absence de consultation

Rodrigues gronde. C’est dans un climat très particulier que la délégation ministérielle, composée du Premier ministre adjoint, Xavier-Luc Duval, d’Ivan Collendavelloo et de Ravi Yerrigadoo, se rend chez nos voisins rodriguais pour discuter, ce lundi 24 octobre, de la réforme électorale avec leurs principaux leaders politiques. Les propositions faites par le comité Duval ont été approuvées par le Conseil des ministres vendredi mais il semble que bon nombre de Rodriguais ne voient pas cette réforme d’un bon œil.

Qu’en pensent les leaders politiques ? Johnson Roussety, leader du Front Patriotique Rodriguais (FPR), a tenu une conférence de presse dimanche 23 octobre pour demander l’abandon pur et simple de la réforme. «Les raisons avancées, telles que l’instabilité et la loi anti transfuge, ne sont pas valables», souligne-t-il. Il avance deux raisons majeures qui justifient sa demande pour la dissolution de l’Assemblée régionale. Notamment, un poste vacant au sein du Parlement rodriguais, suite au décès d’un membre élu (NdlR, il s’agit de feu Ismaël Valimamode, disparu le 7 septembre).

«Pa normal pa akseptab»

Seconde raison, qui découle de la première, est que le gouvernement régional n’a plus la majorité pour gouverner, ayant le même nombre de membres que la minorité. «Pa kapav sak fwa pou éna enn problem, ou bien kan bizin voté, lerla Chairperson bizin donn so casting vote. Li pa normal ek li pa akseptab», martèle Johnson Roussety. Il demande au Premier ministre, sir Anerood Jugnauth (SAJ), de «pa rant dan rol OPR, disoud sa lasanblé rezionalla ek fer eleksion avan Désam.» Il a aussi rappelé que tout changement au Rodrigues Regional Assembly Act (RRA Act) doit passer par l’Assemblée régionale. Au cas contraire, les instances internationales seront alertées et «nou pou desann dan lari.»

En effet, Johnson Roussety lance un appel ouvert à la résistance. Les membres du FPR protesteront pacifiquement ce lundi contre les méthodes du gouvernement mauricien, décidées «unilatéralement» par Port-Louis, avec, selon le leader du FPR, «la complicité de certains politiciens rodriguais.» «Enough is enough. Rodrigues pa enn koloni Maurice. Ki zot pran zot responsabilité», devait-il écrire sur sa page Facebook, hier.

Sollicité, Gaétan Jabeemissar, Minority Leader et membre du Mouvement Rodriguais (MR), estime que la réforme ne présente pas de grand changement avec le système actuel. «La proportionnelle existe toujours, et nous en sommes ravis. Par contre, Rodrigues étant un petit pays, nous avions demandé à ce que le seuil de la représentation proportionnelle passe à 15 %. 10 % des voix est vraiment peu», explique-il.

Lors de la rencontre avec les membres du comité Duval, il demandera des explications sur la diminution des sièges pour les élus de la proportionnelle. Gaëtan Jabeemissar s’interroge aussi sur la constitutionalité de la proposition sur le «transfugisme». Nicolas Von Mally, leader du MR, a fait savoir qu’il se prononcera après la rencontre d’aujourd’hui.

 

Sithanen : «Est-ce légitime de mettre les rodriguais devant le fait accompli ?»

<p>Rama Sithanen, expert en systèmes électoraux et qui a fait sa thèse de doctorat sur la réforme électorale, livre ses analyses sur les points saillants de cette réforme rodriguaise. Il met en avant les contradictions et les points qui auraient dû être revus.</p>

<p><em>&laquo;Toute réforme doit aspirer à plus de stabilité. C&rsquo;est pour cette raison que j&rsquo;ai voulu lancer le débat&raquo;, </em>explique-til d&rsquo;emblée. Si l&rsquo;ancien ministre des Finances trouve que la rétention de la formule de <em>First Past the Post </em>(FPTP) couplée avec la représentation proportionnelle (PR) est une bonne chose, il n&rsquo;est pas du même avis quant à la création de six sièges supplémentaires sous ce dernier régime ou encore, ce qui est prévu pour la représentation des femmes.</p>

<p>Pour l&rsquo;expert électoral, la rencontre avec les leaders politiques rodriguais aurait dû avoir lieu avant de faire les propositions et non après. &laquo;<em>La politique de </em>&lsquo;take it or leave it&rsquo; <em>ne peut certainement pas fonctionner. Les mettre devant un fait accompli pose un problème de légitimité&raquo;, </em>fait-il valoir. Il préconise de mettre toute réforme en attente car, à la veille des élections régionales, personne n&rsquo;aura le temps d&rsquo;en juger la portée.</p>

<p>Dans son analyse, Rama Sithanen explique comment les sièges supplémentaires mis à la disposition du parti qui a remporté les élections par le FPTP est un danger. &laquo;<em>Je comprends que nous parlons d&rsquo;un petit pays, mais lorsque cela nous convient, nous disons que nous avons un système Westminstérien et d&rsquo;autres fois, on parle de nos spécificités</em>&raquo;, avance-t-il. D&rsquo;ailleurs, il se demande aussi pourquoi, au lieu de la mise en place d&rsquo;un tel système, le comité ne s&rsquo;est pas penché sur l&rsquo;éventualité d&rsquo;un gouvernement de coalition. &laquo;<em>Il est vrai que nous avons plus une culture de confrontation que de négociation mais, à travers le monde, les coalitions ont toujours fonctionné</em>&raquo;, explique-t-il.</p>

<p>Il reconnaît toutefois qu&rsquo;un système de FPTP coexistant avecla proportionnelle n&rsquo;existe nulle part dans le monde, sauf à Rodrigues, mais que c&rsquo;est nécessaire pour la stabilité. &laquo;<em>De plus, le problème des sièges supplémentaires ne se posera pas si jamais un parti obtient plus de 50 % des voix</em>&raquo;, dit-il.</p>

 

Partielles ou pas ?

<p>Lors de son déplacement à Rodrigues en juillet dernier, SAJ avait annoncé les élections pour février 2017, soit cinq ans après celles du 5 février 2012. Il avait aussi déclaré que la réforme se fera avant. Mais le décès d&rsquo;Ismaël Valimamode, et la déclaration de son siège comme étant vacant, aurait-il quelque conséquence sur ces élections régionales? Selon le <em>Rodrigues Regional Assembly Act</em>, des élections partielles doivent avoir lieu dans une période de 90 jours à partir de la date où le siège est déclaré vacant. Sauf que cette loi stipule aussi que dans l&rsquo;éventualité que les élections régionales se tiendraient dans une période de six mois à partir de la date de cette vacance déclarée, les partielles peuvent ne pas avoir lieu.</p>

 

La colère du peuple

<p>&laquo;<em>L&rsquo;île</em> <em>Rodrigues est autonome, mais Maurice décide pour nous !&raquo; </em>Les Rodriguais ne décolèrent pas depuis l&rsquo;annonce que des amendements seront apportés au <em>Rodrigues Regional Assembly Act</em>. La frustration est telle que, sur les réseaux sociaux, nombre de Rodriguais appellent au boycott de la réunion consultative, qui se tiendra à partir de ce lundi.</p>

<p>La consultation aurait dû se faire au préalable et non l&rsquo;inverse, font ressortir les Rodriguais. <em>&laquo;Ils ont déjà pris les décisions à Maurice, sans même consulter la population rodriguaise. Pourquoi la rencontre de demain (</em>NdlR, aujourd&rsquo;hui<em>) ? C&rsquo;est une honte d&rsquo;agir ainsi envers le peuple. Qu&rsquo;est-ce que la rencontre va changer au final ?&raquo; </em>lâche, remonté, un internaute. <em>&laquo;Bann lasanblé nasional-la ki zot été sa ?&raquo; </em>fustige un autre <em>Facebooker</em>.</p>

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	<p>&laquo;Où sont les campagnes d&rsquo;explication pour les votants, pour mieux les éclairer ?&raquo;</p>
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<p>Certains se demandent même <em>&laquo;où sont les campagnes d&rsquo;explication pour les votants, pour mieux les éclairer&raquo;. </em>D&rsquo;autant plus qu&rsquo;une partie de la population n&rsquo;a pas encore pris note, voire bien compris, les amendements proposés. Dans la foulée, des questions se posent sur le rôle du <em>Rodrigues Council for Social Services</em> (RCSS). <em>&laquo;Le président aurait dû prendre les devants pour éclairer la population. Au lieu de ça, l&rsquo;ONG regroupe une masse importante de villageois autour du sport intervillage </em>(NdlR, la finale a eu lieu dimanche).&raquo;</p>

<p>Face à la façon de faire, des Rodriguais ont le sentiment que les discussions ont eu lieu au préalable. <em>&laquo;Zot inn koz kozé ant zot avan. Sé plis bann inioran ki pou dakor avek sa sistem-la.&raquo; </em>Qui plus est, ils ne comprennent pas l&rsquo;empressement avec lequel ces amendements seront apportés. <em>&laquo;C&rsquo;est mettre la charrue avant les boeufs. Pourquoi avant les élections ? Quelle est l&rsquo;urgence, ou plutôt qu&rsquo;est-ce que ça cache ?&raquo; </em>se demande un internaute.</p>

<p>Selon un fonctionnaire, la rencontre d&rsquo;aujourd&rsquo;hui avec Xavier-Luc Duval, Ivan Collendavello et l&rsquo;<em>Attorney General </em>est une perte de temps. <em>&laquo;Il faut boycotter cette rencontre, voire les élections. C&rsquo;est une mascarade !&raquo;</em></p>

 

A lire l'analyse de Rama Sithanen -  Rodrigues Regional Assembly: What's on the menu...