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Présidentielle US: Maurice doit-elle craindre l’élection de Donald Trump ?
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Présidentielle US: Maurice doit-elle craindre l’élection de Donald Trump ?
Surprenante. Inimaginable. Probable. L’élection du républicain Donald Trump comme le prochain locataire de la Maison Blanche a été accueillie comme une douche froide par les Mauriciens. Plus particulièrement par les spécialistes financiers et les observateurs économiques.
Si certains prônent plus ou moins le statu quo dans les relations commerciales entre les États-Unis et Maurice, d’autres craignent des changements majeurs susceptibles d’influer négativement sur le partenariat entre les deux pays. Notamment l’Africa Growth & Opportunity Act (AGOA). D’ailleurs, dans son message de félicitations à Donald Trump, le Premier ministre, sir Anerood Jugnauth, n’a pas manqué de souligner que c’est cet accord qui a renforcé les liens entre les deux pays. Un plaidoyer déjà ?
«Trump a tenu une rhétorique de campagne qui peut alarmer certains États, dont Maurice. En proposant d’abolir tous les traités commerciaux que les États-Unis ont signés, nous avons toutes les raisons d’être inquiets, vu que Maurice est signataire de l’Africa Growth & Opportunity Act», explique Rajiv Servansingh, directeur de compagnie et observateur économique.
L’AGOA permet aux produits de textile et d’habillement locaux d’être écoulés sur le marché américain sans quota et taxe depuis 2001, mais «si Trump décide de rayer d’un trait de plume l’AGOA, c’est toute l’industrie du textile qui sera fortement fragilisée. Mais j’espère qu’il saura faire la différence entre les récriminations d’une campagne présidentielle et la responsabilité liée à la réalité du pouvoir à la Maison Blanche», ajoute Rajiv Servansingh.
Ambassadeur à Washington de 2007 à 2009, Kailash Ruhee ne croit pas que Donald Trump ira aussi loin. «Trump sera appelé à opérer dans des paramètres de certaines institutions. Or, vu que celles-ci sont traditionnellement fortes aux ÉtatsUnis, il n’aura pas la partie facile pour décider comme bon lui semble. Dans le passé, nous avons vu comment des institutions américaines ont paralysé le bureau de la présidence.»
Une opinion que partage Maurice Vigier de La Tour, fervent lobbyiste de l’AGOA au moment de sa promulgation au début des années 2000. Il souligne que Donald Trump n’a jamais fait le procès de l’AGOA durant la campagne présidentielle, contrairement à des critiques émises contre le North Amercan Free Trade Agreement et le Trans-Pacific Partnership, un autre accord commercial avec les pays du Trans Pacific. En visite à Maurice, Paul Ryberg, lobbyiste de Maurice à Washington, soutient pour sa part qu’il est «trop tôt pour se prononcer» quant au sort de l’AGOA. «L’AGOA a été reconduit pour une période de 10 ans se terminant en 2025 par Barack Obama.» Jusqu’à nouvel ordre, dit Paul Ryberg, l’incertitude va perdurer.
Il ajoute cependant que s’il devait se baser sur la posture adoptée par Donald Trump durant sa campagne électorale par rapport aux accords commerciaux, la remise en cause de l’AGOA ne devrait pas être d’actualité. Mais «attendons voir». Il souligne que c’est surtout l’Accord de libre-échange nord-américain entre le Canada, les États-Unis et le Mexique qui était la cible de Donald Trump.
AGOA: pas de craintes dans le camp de l’exportation
<p>Dans le secteur de l’exportation, l’on estime également que cette élection ne devrait pas affecter les liens commerciaux que partage Maurice avec le pays de l’Oncle Sam. C’est ce que font ressortir les associations commerciales à Maurice. L’AGOA a été renouvelé en 2015 et ce pour 10 ans, rappelle Lilowtee Rajmun, la directrice de la Mauritius Exports Association (MEXA). Quid de la stratégie protectionniste du nouveau président vis-à-vis du marché américain ? «Donald Trump n’a pas fait référence à l’AGOA durant la campagne, et ce, bien qu’il se soit exprimé ouvertement contre le Trans- Pacific Partnership», avance la directrice de la MEXA. L’AGOA devrait donc rester intact durant les neuf prochaines années, est-elle d’avis. Au contraire, puisque le nouveau président élu s’est prononcé contre d’autres traités commerciaux, des clients américains pourraient même se recentrer sur l’Afrique, et, par extension, cibler Maurice.</p>
Quand l’Or et le Brent profitent de la baisse du dollar
<p>Avec la baisse du dollar suivant l’incertitude liée à l’élection de Donald Trump, deux des principales composantes du marché de commodités, nommément l’or et le Brent, ont mécaniquement pris l’ascenseur. Le cours de l’or a gagné 1,15 % pour passer à USD 1 289,10 l’once. Quant à l’or noir, il est descendu à USD 44,40 à 5 heures du matin hier, après que Donald Trump a pris une sérieuse option sur sa rivale démocrate, Hillary Clinton. Kiran Juwaheer, Managing Director de Vivo Energy, ne prévoit pas de chute libre du cours du Brent avec le changement de locataire à la Maison Blanche.</p>
Trump ne rassure pas l’establishment financier
<p>Des analystes soutiennent que la réaction du marché face à l’élection de Donald Trump montre que ce dernier est loin de rassurer l’establishment financier. «Il est normal que le marché réagisse ainsi avec la baisse du dollar et de l’écroulement de plusieurs places financières. Le candidat républicain est venu surprendre le marché avec son élection. Il y aura une période d’incertitude avant que les places financières ne regagnent leur stabilité. Il faudra attendre son discours inaugural qui définira les grands axes de sa politique économique», analyse l’économiste Azad Jeetun.</p>
<p>Une première victime de l’élection de Donald Trump est le dollar, qui a reculé fortement à l’ouverture du marché hier matin. Le billet vert a fortement baissé vis-à-vis des principales devises étrangères. Il est tombé de 102 yens contre plus de 105 yens mardi. Idem face à l’euro qui est passé de 1,12 dollar contre 1,10 le jour de l’élection.</p>
<p>Même si certains analystes estiment que les bourses internationales vont reprendre assez vite, d’autres, à l’instar de Rajiv Servansingh, affirment qu’il y aura une période de transition car c’est en janvier 2017 que le nouveau président s’installera officiellement. «<em>Entre-temps, on ne sait pas si le marché réagira positivement à partir des déclarations qu’il pourrait faire pour rassurer les principales places financières</em>.»</p>
<p>Le secrétaire général de la Chambre de commerce et d’industrie de Maurice, Raju Jaddoo, est d’avis que cette baisse risque d’affecter le pays sur le court terme du moins. «<em>Le problème, c’est que cela vient s’ajouter à l’incertitude du Brexit. Maurice se retrouve donc avec des problèmes liés à la volatilité du taux de change sur deux de ses principaux marchés d’exportations à seulement quelques mois d’intervalle</em>», explique Raju Jaddoo. La baisse du dollar devrait donc avoir un impact négatif sur nos recettes d’exportations dans le court terme, ajoute-t-il.</p>
Réactions
SAJ : «Notre partenariat consolidé grâce à l’AGOA»
Dans un message de félicitations envoyé à Donald Trump, le Premier ministre, sir Anerood Jugnauth, parle de l’Africa Growth and Opportunity Act. «Our partnership has also been strengthened through the Africa Growth and Opportunity Act, a landmark legislation that has given a new boost to the US-Africa trade relations», écrit-il.
Le Premier ministre soutient que durant des années, Maurice et les États-Unis ont joui d’une relation privilégiée basée sur des liens historiques et l’engagement des deux pays à partager des valeurs telles que la démocratie, les droits humains, la bonne gouvernance et le «rule of law».
Pravind Jugnauth, ministre des Finances : «La voix du peuple est souveraine»
«Je félicite le président et je sais que c’est contre toute attente que Donald Trump a remporté les élections. C’est une élection surprise mais comme je dis souvent, la voix du peuple est souveraine. Les Américains ont choisi Trump et je souhaite que les relations extérieures de ce pays s’améliorent avec le reste du monde, dont Maurice. Au sujet des Chagos, le gouvernement compte aborder toute la question une fois la nouvelle administration installée.»
Navin Ramgoolam, ancien Premier ministre : «Un État démocratique»
«SSR disait que les élections sont une boîte de Pandore, c’est quand la boîte s’est ouverte qu’on connaît les résultats. Ceux-ci étaient inattendus, comme cela avait été le cas pour moi en 2014. C’est la tendance en ce moment à travers le monde. Je félicite le nouveau président mais je suis triste pour Hillary Clinton, car je connais les Clinton personnellement. Mais les résultats sont là, ce qui démontre que l’Amérique est un état démocratique.»
Vishnu Lutchmeenaraidoo, ministre des Affaires étrangères : «La démocratie a prévalu»
«Je voudrais féliciter Donald Trump, le président élu des États-Unis d’Amérique. Nous avons suivi avec beaucoup d’intérêt les élections présidentielles américaines, qui ont d’ailleurs mobilisé l’attention du monde entier, compte tenu du rôle prépondérant que jouent les États-Unis à travers le monde. La démocratie a prévalu. Les relations entre Maurice et les États-Unis sont excellentes et se sont raffermies au fil des années. La pérennité de nos relations État à État est ancrée dans notre histoire et dépasse les considérations partisanes. Les États-Unis sont un partenaire de développement important pour Maurice et pour le continent africain. Nous espérons travailler ensemble avec la nouvelle administration des États- Unis pour consolider notre coopération tant au niveau bilatéral que dans des forums multilatéraux.»
Olivier Bancoult, du Groupe Réfugiés Chagos : «Il faut donner sa chance à Trump»
«Il faut donner à Trump sa chance de faire bouger les choses, de faire ce que Barack Obama n’a pu faire en huit ans. Comme tout le monde, j’ai été surpris des résultats des élections mais les Américains ont voté pour Trump. Tout ce que nous devons faire, c’est espérer qu’il ait la volonté politique de faire avancer le dossier Chagos.»
Ashok Subron, de Rezistans ek Alternativ : «La faillite de la social-démocratie»
«C’est la même dynamique exprimée en Angleterre qui s’est répétée aux États-Unis : la globalisation du capitalisme génère la contradiction très dangereuse qui encourage la montée des forces populistes, nationalistes et l’extrême-droite dans plusieurs pays du monde. Ces résultats démontrent la faillite de la social-démocratie. Ce qui s’est passé aux États-Unis ressemble à ce qui s’est passé avec la crise de 1929 et la Seconde Guerre mondiale. C’est aussi un vote refus à Clinton.»
Alan Ganoo, leader du Mouvement patriotique : «Il faut attendre…»
«Si c’était vrai que les sondages donnaient à Hillary Clinton un avantage sur son concurrent à quelques jours de l’élection, il était prévisible que le duel allait être chaudement disputé. Je souhaite qu’avec la nouvelle administration, les relations entre Maurice et les États-Unis restent toujours cordiales. Il faut toutefois attendre l’annonce de grands axes de développement préconisés par Donald Trump pour dire si Maurice pourrait être affecté avec ce changement.»
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