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Inspecteur Assaad Rujub: rester du bon côté de la loi

20 novembre 2016, 15:34

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Inspecteur Assaad Rujub: rester du bon côté de la loi

Depuis 2012, l’inspecteur Assaad Rujub, de l’ADSU, surfe la vague, ayant coffré de gros trafiquants de drogue. Ce qui lui a valu le titre d’Homme de l’Année de l’express. Il vient de réussir son LLB. Portrait.

C’est un quadragénaire heureux et imberbe – «je ne me laisse pousser la barbe que durant le Ramadan», explique-t-il – qui reçoit ses visiteurs dans les bureaux de la Flying Squad aux Casernes centrales. Il est affecté à l’unité de prévention de l’Anti- Drug and Smuggling Unit depuis 2015. Mais Assaad Rujub n’y est sans doute plus pour très longtemps car après sa réussite à l’examen du barreau – cours à distance de l’université de Londres, administrés par le Council for Vocational and Legal Education à l’université de Maurice –, il a demandé à faire son pupillage au bureau du Directeur des poursuites publiques. Car son objectif est de devenir avocat de la poursuite, pour le compte du parquet.

Plusieurs options s’offrent à lui. Si sa demande est acceptée, il peut prendre un congé sans – ou avec – solde de la police. Mais si elle ne l’est pas, il se peut qu’il démissionne et aille faire son pupillage chez une pointure du barreau avant de se mettre à son compte et d’exercer comme avocat de la défense.

S’il doit démissionner, ne le regrettera-t-il pas ? «Un peu, mais j’aime relever de nouveaux défis. Je suis tombé amoureux du droit lorsque j’ai étudié en vue d’obtenir mon Bachelor of Science en Police Studies entre 2001 et 2005.» Il ajoute que les objectifs que l’on se fixe généralement varient avec le temps. «Mon but actuel est de porter ma toge d’avocat.»

Or, le but initial de cet aîné de deux enfants, dont le père Goolab, était vendeur de tissu et la mère Nazmoune, femme au foyer faisant de la couture pour lui payer ses leçons particulières, était d’intégrer les forces de l’ordre. Tout comme son oncle paternel, Issa. Si bien qu’après ses études secondaires au Prof. Hassan Raffa State Secondary School (SSS) et au SSS de Terre-Rouge, il a pris un petit boulot au magasin Kinoo, tout en postulant pour entrer dans la police. «J’étais attiré par l’uniforme bleu, l’autorité que cela représentait, la nécessité de faire respecter la loi et servir le pays».

Il est admis au sein de la police presque un an après ses résultats, pour un salaire inférieur à celui perçu au magasin Kinoo. Après sept mois à la PoliceTraining School, il est envoyé à la Special Mobile Force. Lui, rêve de porter l’uniforme bleu et d’être en contact avec le public. Au bout de trois ans, il est muté au poste de police à l’entrée de l’Hôtel du gouvernement où il reste trois ans avant d’être envoyé à l’ADSU. Il est alors comme un poisson dans l’eau car il est à même de traiter avec les membres du public et les contrevenants. De constable, ilmdécide de passer les examens afin d’obtenir des promotions. C’est ainsi qu’il est nommé sergent en 2005 puis inspecteur en 2009.

En 2012, on le nomme responsable de l’équipe de l’ASDU à Plaine-Verte et cette responsabilisation aboutit à l’arrestation du trafiquant Gros Derek. Un cas qui fut, dit-il, facile car «nous avons eu la coopération de tout le monde. Vous savez, presque tout le monde, a envie de combattre la drogue, hormis les trafiquants». Il n’a eu aucun problème avec les drogués qu’il a arrêtés jusqu’ici car «ils se savent dans l’illégalité et comme je respecte leurs droits humains, à leur tour, ils me respectent pour cela».

Tou ladrog se ladrog. apré, trwakar drogué ki monn areté inn komans fum kanabis avan piké.

L’inspecteur Rujub ne croit pas que les gros trafiquants jouissent de protection occulte. «De toutes les façons, comme le dit Lord Denning : ‘Be you ever so high, no one is above the law’.» Il n’a reçu jusqu’ici que des menaces par personnes interposées. «Je n’y ai pas cru.»

Appelé à évoquer une des opérations les plus musclées et risquées, il déclare que «telman monn fer opérasion riské ki linn vinn normal. Apre, kitfwa mo ti ankor ena sa adrénalinn pou laksion dans mo mem», dit-il en avouant avoir eu des états d’âme au tout début de sa carrière, surtout la première fois qu’il a mis un drogué sous les verrous. «A lepok, nou pa ti pe larg lor parol. Aswar ler mo al dormi, monn dimann moi kouma sa dimounn la pou dormi dans selul. Avek létan, sa finn vinn enn zafer normal.»

N’est-il pas fatigué de ne coffrer que des petits poissons et pas les gros requins ? «Le chiffre entre les petits dealers arrêtés et les gros trafiquants coffrés peut paraître disproportionné mais c’est parce qu’il y a davantage de petits poissons qui circulent. Mais nous faisons beaucoup d’arrestations. De toutes les façons, la drogue est un phénomène présent dans le monde entier. À la police, nous devons dire que c’est sous contrôle. Mais les trafiquants ont une longueur d’avance sur nous tant en termes de moyens que d’argent. Nous devons y faire face malgré la bureaucratie et le manque de moyens. Cela dit, ces derniers temps, nous avons reçu des équipements sophistiqués pour traquer les trafiquants.»

De nombreux pays dépénalisent l’utilisation du cannabis, le considérant comme un moindre mal par rapport aux drogues dures. «Tou ladrog se ladrog. Apre, trwakar drogué ki monn areté inn komans fum kanabis avan piké. Si Maurice décide d’appliquer le même régime que ces pays, je devrais obéir car il me faut me ranger du côté de la loi. Mais je ne suis pas sûr du bienfondé d’une telle décision. Le pays fera certes des économies d’un côté mais de l’autre, son budget de santé augmentera exponentiellement.» Et puis, ajoute-t-il, «aucun parent n’aurait voulu que son enfant voyage dans un autobus ou un avion piloté par une personne ayant fumé du cannabis ki diminie ou letan reaksion».

S’il refuse de se prononcer sur le «suicide» du policier-trafiquant Arvind Hureechurn, disant qu’il n’a pas suivi l’affaire, il refuse de généraliser et de mettre tous les membres de la police dans le même panier. «Mo lamé éna sink lédwa et sakenn diféran. Dans tous les corps de métier, il y a des brebis galeuses. Cela me fatigue de voir des policiers commettre des délits mé si enn polisier inn fer seki pa bon, li bizin fer fas à so bann konsekans. Si enn polisie pa pou lalwa, li hor lalwa.»

Son épouse Bilkiss, comptable, leurs deux enfants, Shaista, 12 ans et Raees, sept ans, de même que sa mère sont ravis qu’il ait réussi son Bachelor of Laws. Surtout qu’il leur a imposé des sacrifices pour étudier. «Le lendemain de mon mariage, je prenais part à mon examen de BSC. Et tous mes congés pris jusqu’ici ont été des congés pour réviser. La famille a été sacrifiée. Mais ce sacrifice a été payant», ajoute-t-il, impatient d’être fixé sur son sort.