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Les sang et un mots de Davina Ittoo

21 novembre 2016, 13:32

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Les sang et un mots de Davina Ittoo

 

Aux noces de «missié coulev» et de l’«adoratrice des lézards», c’est la dignité humaine qui trinque. Surya est réduite à n’être que des bras pour faire à manger et des cuisses où se glissent des hommes. La proscrite de Davina Ittoo, c’est Surya. Une jeune femme mariée contre sa volonté à un homme, qui deviendra son bourreau. La proscrite est la nouvelle qui a valu à Davina Ittoo de remporter le prix JeanFanchette 2015, ex-aequo avec Jean Lindsay Dookhit. La proscrite et deux autres nouvelles ont été lancées la semaine dernière.

«Le mariage est un marchandage des corps au prix d’une dot en deuil.» Sentence du narrateur omniscient de La proscrite. Une conscience qui aligne les allitérations, dans une poésie de la folie et de la mort. «Ce sari qui a la couleur de mes peurs (...) Le sari rouge avait déjà le goût des erreurs et des malheurs, des leurres et des heurts.» L’écriture de Davina Ittoo se construit dans l’accumulation des sens et des sons. Des phrases denses, qui prennent parfois des allures d’incantation.

À force d’abus, la raison de Surya bascule. Vendue par son ivrogne de mari à d’autres hommes, elle subit les pires outrages. Sa seule parade : le crachat. L’accumulation des mots vient aussi de là. Le trop plein refoulé de Surya, qui ne trouve de consolation qu’en elle-même, car ses parents sont morts et tout un village lui a tourné le dos. «Gardienne des reptiles, des insectes et des démunis, Surya était la proscrite du village, dotée du sceau inavouable de l’indécence.»

Question en filigrane du narrateur : qui est vraiment indécent ? Est-ce la femme bafouée, qui prend sa revanche en prenant la vie du mari ? Est-ce les autres personnages féminins, qui refusent de croire que les bourreaux de Surya, ce sont leurs maris ?

Dans cette nouvelle, l’horreur démarre dès le début de l’histoire. C’est le petit matin fatidique où Surya subit un viol collectif. Le petit matin où la raison de Surya bascule totalement. Une folie méticuleuse, une folie d’empoisonneuse. Qui fera de son pire ennemi, son allié : les bouteilles vides de l’ivrogne de mari.