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L’effroyable journal intime d’une femme battue
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L’effroyable journal intime d’une femme battue
La Journée mondiale pour l’élimination de la violence faite aux femmes a été observée, vendredi 25 novembre. Un fléau qui est d’actualité aujourd’hui encore. Des histoires incroyables mais vraies, qui mettent un coup de pied dans les tabous, il y en a des milliers à Maurice. Parmi elles, celle de Sita. Qui a croisé la route d’un amoureux tellement «fou» qu’il a essayé de lui arracher les yeux à l’aide d’une fourchette.
Le début
Elle a croisé Sunil (prénom modifié) à un mariage. Elle avait 18 ans, lui 21. Il a eu le coup de foudre, pas elle. Son intuition ou son instinct de survie, réalise Sita après-coup, lui chuchotait que cet homme n’était pas fait pour elle.
Toutefois, à cette époque, il y a un quart de siècle, c’est la famille qui décidait. D’autant plus que la sienne était très pauvre. «Mama ti éna boukou zanfan. Li ti anvi maryé mwa.» Alors, un jour, après la traditionnelle «dékha dékhi», il lui a passé la bague au doigt. Un doigt qu’il allait tordre à maintes reprises, plus tard.
«Des claques pour une blouse trop échancrée, des coups de poing pour avoir osé parler à un homme, des cheveux arrachés parce qu’elle rentrait tard du boulot»
Le vrai visage
Il a suffi de quelques semaines pour que Sunil, l’ange, dévoile sa face de «démon», lâche Sita, l’air dégoûtée. Il travaillait «dan tablisman» mais ne ramenait pas d’argent à la maison, préférant passer du temps au casino.
Sita, elle, faisait le ménage à droite et à gauche pour subvenir aux besoins de sa famille. Sunil, lui, «ti pé gard madam an déor».
Cela ne l’empêchait pas d’être jaloux comme un pou. Des claques pour une blouse trop échancrée, des coups de poing pour avoir osé parler à un homme, des cheveux arrachés parce qu’elle rentrait tard du boulot ; Sita les a tous connus.
Les enfants
La première fille est arrivée dix mois après le mariage. La deuxième juste derrière et la troisième cinq ans plus tard. Du bonheur ? Non. Sunil voulait des fils.
D’ailleurs, il battait également ses enfants, confie Sita en triturant son alliance. «Pa koné kifer mo pa tir sa. Inn abitié ar li.»
Elle s’est aussi habituée aux coups bas, aux coups tout court. Les bleus viraient au vert, au rouge, au violacé. Un véritable arc-en-ciel sur la peau, ricane la quadragénaire, souriante. «Oui, j’ai réussi à garder toutes mes dents.»
«Linn atas mwa lor enn sez avek lakord bef»
Le jour fatidique
C’était encore pour une histoire de jalousie. «Linn atas mwa lor enn sez avek lakord bef. Mo belmer ti pé swingn vas.» Là, Sunil s’est mis à la menacer à l’aide d’un couteau. À cogner comme un malade. Il a attrapé une fourchette, avec l’intention de lui arracher les yeux.
Ce jour-là, Sita a vu la mort de près. C’est ce qui l’a aidée à s’éloigner de son tortionnaire. Elle a tout quitté. Tous les meubles, les verres, les cuillers qu’elle avait achetés avec son argent si durement gagné. Elle a seulement pris ses enfants.
L’éloignement
10 000 gifles, 50 protection orders et une décision ferme plus tard, Sita demandait le divorce. Que Sunil refusait de lui accorder. Le divorce était prononcé automatiquement après cinq ans. Elle est retournée chez sa mère. Elle a essayé de se reconstruire, de refaire sa vie. Mais Sunil n’était jamais loin.
Le rapprochement
Il a fait de la prison pour une affaire de drogue. À son retour, il a essayé de reconquérir celle qu’il «aimait» de tout son cœur, la mère de ses enfants. Il jurait qu’il avait changé.
Elle l’a cru. Surtout que sa famille à elle n’avait de cesse de lui pourrir la vie, de la rejeter. «Pou mo mama, enn fam kinn maryé, mem si linn divorsé, bizin res ek papa so zanfan.»
«Sita faisait ainsi l’expérience du viol conjugal à répétition. Jusqu’à ce qu’elle tombe enceinte.»
De fil en aiguille, de mots doux en promesses en l’air, Sita est retournée chez le distributeur d’uppercuts. Qui était devenu sodomite, semble-t-il, depuis son séjour derrière les barreaux.
«Mo pou montré twa ki bannla inn fer mwa laba», répétait-il sans cesse. Sita faisait ainsi l’expérience du viol conjugal à répétition. Jusqu’à ce qu’elle tombe enceinte.
Le petit
Il y a sept ans, naissait le petit dernier. Sunil faisait la fête des jours durant. Il avait enfin ce fils dont il voulait tant. Il invitait ses proches. «Zot ti pé manzé bwar kouma kapitalis.» Et puis, il y a eu les attouchements sur le garçonnet.
«Li ti pé zwé ek so sex, pa kouma enn papa zwé ek so zanfan.» Les mains lestes et baladeuses de Sunil ne se fatiguaient guère avec le temps.
Il y a deux mois et demi, elles se sont même transformées en cymbales. Essayant, littéralement, de lui exploser les tympans. «Linn tap mwa dé koté mo zorey.» C’était, encore une fois, la goutte de trop.
«Elle a porté plainte, une énième fois, contre lui»
Nouvel essai
Sita et son petit se trouvent actuellement au centre de SOS Femmes. Ses filles ? L’une est partie travailler sur un bateau de croisière, en promettant d’aider sa maman financièrement à son retour. L’aînée s’est mariée et héberge la benjamine.
Sunil ? Sita ne veut plus en entendre parler. «Linn asé kouyonn mwa. Linn gat mo lavi ek lavi mo bann zanfan. Mo pa anvi trouv so lagel mem.» Y a-t-il des risques qu’elle se laisse encore une fois «amadouée» ? Le non est un cri du cœur.
L’avenir quand même
Ce qu’elle souhaite par-dessus tout, désormais, c’est trouver un travail. Et une maison, où son «bébé» pourra grandir en paix. Où il n’aura pas à se cacher sous un drap pendant que son papa tabasse sa maman.
La mère de Sita, aujourd’hui décédée, lui a laissé quelques milliers de roupies en héritage. Suffisamment pour oser rêver à un appartement de la NHDC.
Afin de mener à bien ses projets, il faudra «ki li aret fatig mwa sa boug-la», martèle-t-elle. Pour avoir la paix, elle a porté plainte, une énième fois, contre lui.
Ce qu’elle voudrait aussi, ce sont des nouvelles lois plus sévères contre tous les Sunil de la Terre. D’ici là, Sita prend son mal en patience. Et s’accroche à la vie.
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