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Vol chez le CP: «Justice à deux vitesses», clame la mère du voleur de litchis

6 décembre 2016, 13:46

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Vol chez le CP: «Justice à deux vitesses», clame la mère du voleur de litchis

 

Le vol des litchis chez le commissaire de police serait-il pour quelque chose dans la rapidité de la condamnation d’Yvon Rose? «Mo pa konpran sa bann prosédir lakour-la», dit sa mère.

Yvon Antoine Rose a été arrêté, condamné et incarcéré le même jour. Le cas de cet homme de 42 ans suscite de nombreuses questions, mais aussi la colère, chez ses proches.

Sa mère, Marie Lise Hippolyte, 64 ans, ne comprend pas comment la police a pu boucler son enquête vendredi 2 décembre au matin et envoyer son fils en prison pour six mois, après une décision de la cour de Moka, dans l’après-midi. Le fait qu’il ait volé des litchis chez le commissaire de police y serait-il pour quelque chose ? Elle martèle : «Il y a une justice à deux vitesses dans ce pays.»

C’est dimanche 4 décembre que Marie Lise Hippolyte a été informée que son fils a été incarcéré. «Deux policiers se sont arrêtés devant ma maison et m’ont informée qu’Yvon a été arrêté et condamné vendredi. Ils ne m’ont pas donné plus de détails», s’insurge-telle. Où ? Elle n’en a aucune idée. «Comment je vais faire pour lui apporter ses vêtements ?»

La mère d’Yvon Antoine Rose déplore cette attitude des autorités car si elle avait été mise au courant de l’interpellation de son fils bien avant, elle aurait entamé des démarches pour retenir les services d’un homme de loi. «Ki mo kapav fer aster ? Li fini kondané. Mo pa konpran sa bann prosédir lakour-la.»

«Pas un enfant de cœur»

C’est vendredi matin qu’elle a vu son fils pour la dernière fois. Elle se rendait dans une plantation de St-Pierre où elle travaille comme laboureur. En rentrant, elle ne s’était pas inquiétée de l’absence de son fils. «Il a un penchant pour la bouteille. Parfois, il ne rentre pas à la maison le soir.»

Elle concède que l’accusé n’est pas un enfant de cœur et il a déjà été condamné dans le passé pour vol et possession de drogue. Cependant, elle avance que ses condamnations ne sont jamais intervenues le jour même de son arrestation. La sexagénaire ajoute que comme son fils n’est pas éduqué. «Pa koné ki linn dir dan so dépozision.»

Yvon Antoine Rose a été appréhendé dans la cour du commissaire de police à Moka vendredi alors qu’il cueillait des litchis. Le quadragénaire a été conduit au poste de police de Moka avec les pièces à conviction : 200 litchis. Au cours de son interrogatoire, il a avoué son forfait et a été traduit devant le tribunal de Moka où une charge formelle de vol a été retenue contre lui. Étant donné qu’il a des anté- cédents judiciaires, la justice lui a infligé une peine de six mois de prison.

Des avocats ont des avis partagés

Des membres de la profession légale soulignent que le fait qu’Yvon Antoine Rose ait été condamné le jour même de son arrestation n’est pas illégal si les procédures ont été respectées. Un magistrat a décidé de lui infliger une peine après qu’il a plaidé coupable. Au cas contraire, il y aurait eu des débats en cour. Cela dit, des avocats ne sont pas sur la même longueur d’onde concernant ce cas

Me Neelkanth Dulloo est d’avis qu’une condamnation qui survient le même jour que l’arrestation est une pratique tout à fait normale. «Le prévenu a été pris en flagrant délit. Il y a des preuves. Un policier en sentinelle l’a arrêté et il a avoué. Rien n’est anormal dans cette procédure. Cela peut paraître exceptionnel. Toutefois, il y a des dispositions légales à ce sujet. Ce qui est dommage en revanche, c’est que l’accusé ait été condamné pour un vol de litchis», fait ressortir l’avocat.

En effet, le code pénal mauricien permet de condamner le prévenu sans passer par une accusation provisoire. Selon l’article 311, un repris de justice comme cet habitant de Ste-Catherine peut être condamné à la servitude pénale après une récidive. «Tout individu déjà condamné correctionnellement pour un vol en récidive, qui commettrait ultérieurement un délit de même nature, sera considéré comme coupable d’un crime et sera condamné pour servitude pénale.» La servitude pénale régie par l’article 11 du code pénal fixe la peine de prison entre trois ans et 30 ans. Toutefois, dans ce cas, le magistrat a utilisé sa discrétion pour infliger une peine moins sévère.

Par contre, Me Deepak Rutnah trouve extraordinaire la manière dont les choses se sont passées. «Nous connaissons tous le litige autour de la charge provisoire. Cette fois, un accusé arrêté par la police a été condamné le même jour. On se demande si ses droits ont été respectés selon les principes de la Constitution. On se demande si une enquête a bien été menée.»

L’avocat se demande comment l’accusé a pu être condamné le même jour. «S’il y a eu des confessions, comment ont-elles été obtenues ? Surtout est-ce qu’il y a eu des consultations avec le bureau du Directeur des poursuites publiques ? Est-ce qu’il y a eu un pre-hearing ? Autant de questions. Nous voyons bien que cette affaire a été vite traitée. On voit clairement qu’il y a une justice à plusieurs vitesses à Maurice», souligne Me Deepak Rutnah.

L’express a contacté le commissaire de police, Mario Nobin, pour un commentaire au sujet du vol chez lui. Il n’a pas souhaité faire de déclaration.