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Roselyne Renel: La belle revanche d’une mère célibataire

24 décembre 2016, 13:28

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Roselyne Renel: La belle revanche d’une mère célibataire

À 16 ans, cette Mauricienne avait dû arrêter sa scolarité, étant enceinte. Elle est maintenant un des hauts cadres de la Standard Chartered Bank en Angleterre. Elle était de passage dans son pays natal pour promouvoir un programme éducatif appelé Goal.

Il n’y a pas de fatalité dans la vie. Il n’y a que des opportunités qu’il faut saisir au vol, sous peine de laisser passer sa chance. C’est ce qu’a fait la Mauricienne Roselyne Renel, Global Head Enterprise Risk Management, Chief Risk Officer Europe & Americas à la Standard Chartered Bank, à Londres. Cette mère célibataire, qui a pris une belle revanche sur la vie, est aujourd’hui la marraine d’un projet d’éducation global pour les jeunes filles déscolarisées, appelé Goal. «Mon histoire aurait pu être différente si on ne m’avait pas donné une chance à des moments clés de ma vie.»

Roselyne Renel était à Maurice récemment pour la signature d’un accord entre le ministère de l’Éducation et la Standard Chartered pour l’application de Goal dans les collèges du privé et de l’État en 2017. L’attrait du programme pour elle est qu’il offre une chance aux adolescentes de milieux défavorisés de s’exprimer et se développer, tout en leur offrant l’opportunité de devenir économiquement indépendantes.

Elle a beau évoluer dans les hautes sphères de la finance, côtoyer d’importants banquiers et financiers, elle n’a pas pour autant oublié ses racines, ni son histoire, qui font d’elle une source d’inspiration pour les jeunes filles qu’elle rencontre dans le cadre de Goal. Ceux qui l’ont connue à l’école ou qui l’ont fréquentée lorsqu’elle vivait encore sur la propriété de Riche-en-Eau, où son père était agronome, noteront qu’elle a conservé sa simplicité et son caractère bien trempé. «Depuis enfant, j’ai toujours eu une personnalité déterminée», reconnaît-elle.

Elle n’a que 12 ans lorsque ses parents divorcent. Elle se retrouve avec sa mère Josselyne, qui est maîtresse d’école, et elles migrent à Curepipe. Avec recul, elle réalise qu’elle a fait voir de toutes les couleurs à sa mère. «Je n’en faisais qu’à ma tête et maman ne savait plus quoi faire de moi.»

Elle est par ailleurs bonne élève et bonne athlète. Des dispositions qui s’affirment lorsqu’elle est acceptée au Lorette de Quatre-Bornes. La directrice, Sister Ann Mullan, l’appelle «My little poison» tant elle est dissipée par moments. Mais Roselyne Renel sait aussi se faire apprécier. À 16 ans, alors qu’elle va entamer sa Form V, elle tombe enceinte. La directrice fait tout pour qu’elle ne soit pas déscolarisée, allant jusqu’à plaider sa cause devant le conseil de l’école. La religieuse essuie un refus.

«Lorsque j’ai dû arrêter l’école, Sister Ann m’a donné un Leaving Certificate dans lequel elle disait que j’étais completely single-minded, têtue, but very loyal, very focused. Cette lettre m’a beaucoup aidée pour la suite.» À cela s’ajoute l’insistance de M. Abbas, son enseignant de comptabilité, pour qu’elle suive un cours de comptabilité auprès de la London Chamber of Commerce et prenne part à l’examen. C’est ce qu’elle fait après avoir mis au monde son fils.

Nouveau départ à Londres

À l’époque, les mères célibataires étaient encore plus stigmatisées qu’aujourd’hui, mais Roselyne Renel n’en a cure. Elle ne pense qu’à assurer l’avenir de son fils. Elle prend un emploi administratif dans une usine textile mais sait que son avenir est ailleurs. Émigrer devient son idée fixe. Une amie installée à Londres l’aide à partir en Angleterre avec son fils.

Roselyne Renel a alors tout juste 18 ans. Voulant maîtriser parfaitement l’anglais oral, elle lit énormément les journaux et les magazines et se rend compte qu’il y a une vie trépidante à la City. C’est là qu’elle veut être. Les exhortations du Premier ministre de l’époque, Margaret Thatcher, à l’effet que si l’on travaille dur, on réussira, sont en écho à ses propres convictions.

Elle décide de passer par une agence de recrutement pour arriver à ses fins. Le hic est qu’elle n’a pas de diplôme de fin d’études. La responsable de l’agence la recrute comme son assistante et lui promet de lui mettre le pied à l’étrier une fois qu’elle sera rodée. C’est ce qu’elle fait lorsqu’elle apprend que le Chief Economist de Manufacturers Hanover Trust Company cherche une assistante. Elle y envoie Roselyne Renel pour passer l’entretien. Cette dernière y est recrutée, et vise déjà haut en arrivant dans cette entreprise qui l’impressionne.

La Mauricienne s’intéresse aux analyses écrites par son chef et pose des questions. «J’étais comme une éponge, j’absorbais tout car je savais que je voulais apprendre pour aller plus loin et avancer professionnellement.» La chance joue une fois de plus en sa faveur. Ayant noté que son assistante a soif d’apprendre, le Chief Economist lui propose d’intégrer le programme interne destiné aux diplômés des universités d’élite, qui font le tour des départements de la banque, retenant, au final, les services des meilleurs candidats.

Roselyne Renel saute à pieds joints sur l’occasion car elle sait qu’elle n’a rien à perdre. «C’était très dur de travailler et d’étudier simultanément. Je me suis accrochée. Au final, j’ai réussi ce Credit Graduate Programme qui est toujours utilisé par le racheteur de Manufacturers Hanover Trust Company, JPMorgan Chase.»

Elle est retenue comme analyste dans le département de Credit Risk. Et c’est en allant sur le Trading Floor qu’elle rencontre son futur mari. Ils comptent 27 ans de vie commune et des jumeaux de 17 ans. Après un passage chez Lehman Brothers, elle rejoint Banker’s Trust, une banque américaine, en tant que Risk Analyst. Elle s’y plaît car «outre leurs produits novateurs et la structure des capital markets, la culture américaine fait que l’employeur ne s’intéresse qu’aux capacités de travail et de résultat de l’employé, et non pas d’où il vient».

Projet d’accord de bourse

En 1998, elle se joint à la Deutsche Bank. C’est un bond majeur dans sa carrière. Son patron, qui sent sa motivation à progresser, lui donne des opportunités d’aller encore plus loin. À 33 ans, Roselyne Renel devient Managing Director au Risk Department. «Lorsqu’on occupe ce poste, il faut maîtriser les rouages de tous les départements. Je me suis immergée totalement et suis devenue one of the senior executive women de la banque. Can you imagine, me, coming from Mauritius with nothing?» Elle siège aussi sur le conseil d’administration de la filiale de la Deutsche Bank à Maurice.

N’oubliant pas son vécu, elle initie un projet d’accord de bourse pour les étudiants méritants auprès de la London School of Economics. Et fait en sorte que dix de ces bourses soient réservées aux étudiants issus de milieux défavorisés. Ayant pris goût aux défis, Roselyne Renel, qui a besoin de stimuli dans sa carrière, accepte une proposition de la Standard Bank (South Africa), qui la recrute comme Chief Risk Officer de l’Investment Banking Division, et elle est basée à Londres. Elle réplique l’initiative de créer un programme de bourse d’études universitaires avec la London School of Economics, destiné aux étudiants africains dans le besoin. Elle siège également sur le board de la filiale mauricienne.

C’est un chasseur de tête qui l’invite à rejoindre la Standard Chartered, banque britannique. Elle est recrutée comme Group Chief Credit Officer en 2014. Elle occupe une fonction qui implique un niveau de responsabilités accrues nécessitant des interactions avec les régulateurs et le Top Management de la banque. «J’aime mon travail, l’environnement où j’évolue est stimulant et j’aspire à aller encore plus loin. Et ce dont je suis particulièrement fière, c’est de faire partie d’une entreprise qui a dans sa culture et ses valeurs de give back to society.»

Lorsqu’elle s’installe dans les bureaux de la Standard Chartered à Londres, une de ses collègues lui parle de Goal. Elle est tout de suite séduite par le programme et ses enjeux éducatifs, qui sont notamment d’apprendre aux filles de 12 à 18 ans à être mieux armées pour faire face aux difficultés, tout en leur procurant des informations sur leur développement personnel, leur santé, leurs droits et les possibilités de carrière.

Roselyne Renel accepte immédiatement d’en devenir la marraine. «Goal is about giving a chance to girls. At one point in time, somebody took a chance on me. For me, to give back through education is very important. Grâce à Goal, nous pouvons empower les filles dans les pays où elles n’ont pas cette opportunité. Ce faisant, elles peuvent contribuer à l’économie, au développement de leurs familles, de leurs communautés et de leur pays, ce qui crée un cercle vertueux où tout le monde est gagnant.»

Goal intègre le cycle secondaire mauricien en 2017

<p style="text-align:center">Lancé en 2006 en Inde, Goal est actif dans 17 pays dont Maurice depuis 2014. Des organisations non gouvernementales (ONG) et des représentants de différents ministères ont été formés à ce programme d&rsquo;éducation pour les adolescentes, en particulier à sa méthodologie incluant le sport et le jeu comme méthodes d&rsquo;enseignement. Deux ONG, SAFIRE et CEDEM, appliquent Goal auprès de leurs bénéficiaires. Les évaluations continues des adhérentes ont montré de réels progrès chez elles : capacité d&rsquo;expression améliorée, créativité, interactions sociales&hellip; Voulant autonomiser les filles des sections préprofessionnelles, le ministère de l&rsquo;Éducation a délégué 40 enseignants d&rsquo;éducation physique pour suivre la formation en vue d&rsquo;appliquer Goal dans les collèges, sur une base pilote. Ce programme sera suivi par 2 500 filles de 20 établissements dès 2017. En 2018, il sera établi au niveau national car appliqué à toutes les classes du secondaire. Comme quoi, ce programme informel a su démontrer sa valeur ajoutée et a gagné l&rsquo;encadrement formel à Maurice.</p>