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Amreen Booneeadee, mère courage: «Mes bébés n’ont jamais connu Noël»

25 décembre 2016, 18:00

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Amreen Booneeadee, mère courage: «Mes bébés n’ont jamais connu Noël»

La plupart des Mauriciens se sont réveillés ce dimanche matin, 25 décembre, avec tout plein de cadeaux sous le sapin. Les enfants d’Amreen Booneeadee, eux, n’ont pas eu cette chance. Le père Noël a oublié cette maman de 27 ans, ainsi que ses petits, âgés de 3, 4 et 6 ans, qui habitent à Camp-Fouquereaux. Qu’importe. En guise de présent, les trois garçons reçoivent tous les jours de l’amour et une belle leçon de courage. Dispensée par leur maman.

Elle est passée où la déco de Noël ?

Ça fait longtemps que nous ne croyons plus au père Noël. Le 25 décembre est un jour comme les autres pour mes trois enfants et moi. Nous ne ferons rien de spécial. Je vais essayer de leur trouver quelque chose à manger. Et puis, nous penserons à ce que nous mangerons demain. Ensuite, nous irons nous coucher.

Vous ne ferez vraiment rien de spécial ?

Non, comme tous les autres Noëls et réveillons de Nouvel An. Il en est de même pour les anniversaires ou toutes les autres fêtes. Mes bébés n’ont jamais connu tout ça. Je ne travaille pas et je ne peux pas travailler jusqu’à ce que mon petit dernier soit scolarisé, l’année prochaine. Même malade, je vais devoir m’y résoudre. Il y a le marchand de légumes et le boutiquier du coin qui nous aident. Nous mangerons ce qu’ils nous offriront ce jour-là, mais rien de plus. Kapav enn ti légim, enn ti grain sek. J’essaie de faire de mon mieux pour varier les repas, pour la santé de mes bébés. Mais vous imaginez bien que cela n’est pas simple.

On imagine surtout que cela doit être dur pour les enfants.

Heureusement qu’ils n’ont pas école, sinon ce serait encore plus dur pour eux. Moi encore ça va. Mes trois petits, âgés de 3, 4 et 6 ans, n’ont jamais connu de Noël ni d’anniversaire depuis leur naissance, je vous le répète. Zamé inn gagn linz, zamé inn kapav asté zouzou pou zot. D’ailleurs, il se peut que nous fêtions Nöel dans le noir cette année (NdlR, l’entretien a été réalisé vendredi). Cela fait plus de deux mois que je n’ai pas payé la facture d’électricité. L’esprit de la fête, pour moi, se résume au stress. Mes enfants vont parfois dormir plus tard et je passe du temps avec eux en cette période. C’est tout ce que je peux faire, leur offrir mon amour.

Mais vous devez quand même toucher une pension, vu votre situation ?

Pension ? J’y avais droit auparavant, mais elle a été supprimée. J’ai fait une demande pour ladite pension parce que je suis malade, j’attends une décision du board médical. Quant aux enfants, je ne touche pas d’allocation pour eux. On m’a dit qu’il faut un papier pour prouver que mon mari est en prison pour que j’obtienne une aide. À chaque fois, il faut déposer un nouveau papier ici, là-bas, on me trimballe de bureau en bureau. Et le ticket d’autobus coûte cher. De toute façon, même si j’avais eu une pension, la priorité aurait été la rentrée plutôt que les cadeaux de Noël.

Ah ? Votre mari est en prison ?

Oui, et c’est tant mieux ! Il passe en cour le 3 janvier. Et même si mes enfants ne passent pas des fêtes comme les autres, ils ne verront pas leur mère se faire battre. Ils ne verront pas un drogué et un alcoolique qui les violente à la maison. J’ai vraiment peur qu’il revienne. Ce n’est pas la première fois qu’il atterrit en prison et à chaque fois, il trouve quelqu’un pour payer sa caution.

Il vous battait ainsi que les enfants ? Vous avez prévenu les autorités ?

Comme à chaque fois. Les derniers coups remontent à la semaine dernière. Pendant que les autres faisaient leur shopping de Noël, moi, j’encaissais les coups de poing. Tout ça parce que je lui ai dit qu’il ne doit pas se montrer violent envers les enfants. Il nous a mis à la porte, nous a poursuivis dans la rue. Le calvaire a duré plus de trois heures, le temps que la police arrive. Du côté de la Child Development Unit, on m’a expliqué qu’on ne pourrait pas prendre mes enfants en charge cette fois-ci. Ils viendront la prochaine fois, m’ont-ils dit… J’ai même sollicité la Family Support Unit pour avoir une place dans un abri, histoire que mes enfants soient en sécurité en cette période festive. Ils m’ont demandé d’appeler le 150 et de trouver le numéro d’un shelter pas loin de chez moi. J’attends toujours.

Qu’en est-il de vos proches ? Vous n’avez personne vers qui vous tourner ?

Non. J’ai un proche qui est parenté à mon mari mais qui est alcoolique comme lui. En 2013, il a même fait main basse sur mes bijoux. Il a enfoncé la porte de la maison plusieurs fois. Mes parents, eux, habitent à côté et donc, il peut venir n’importe quand. D’ailleurs, il est déjà venu nous agresser à coups de sabre là-bas. Les fêtes, encore une fois, se résumeront à la peur au ventre. Pour en revenir à mon mari, s’il sort de prison le 3 janvier, je ne sais pas ce que je ferai. Pendant que les autres enfants prépareront leur rentrée, les miens panseront sûrement leurs blessures…