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Shariff Jeewon, 53 ans: l’homme des glaces

31 décembre 2016, 18:38

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Shariff Jeewon, 53 ans: l’homme des glaces

Sa barbe est aussi touffue qu’un flamboyant en fleur. Au milieu de ce buisson bien taillé, un sourire franc. Sa casquette, vissée comme un écrou sur le sommet de son crâne, brouille les pistes. Difficile de lui donner un âge précis. «I am fifty-three», lâche le farceur, qui manie les langues aussi bien que la cuillère avec laquelle il «façonne» ses sorbets. Normal, quand on a 35 ans de métier derrière soi. Réactions à chaud.

Le bidon en fer-blanc, Shariff Jeewon est tombé dedans quand il était enfant. Il s’émeut en pensant au bon vieux temps, les souvenirs ne le laissent pas de marbre. «Dada, papa tou ti pé vann sorbé. Monn pran la rélev», confie notre homme, toujours en arborant ce sourire qui brise la glace. Des sorbé dilé, il en vend une centaine par jour. «Avan ti pé kout Re 1. Aster ant Rs 10 ek Rs 25.»

Le porte-monnaie rencontre-t-il un iceberg à la fin du mois ? Il n’y a pas de quoi se plaindre, admet le marchand de glace. «Mo fer enn lavant Rs 500-Rs 600 par zour.» De quoi faire vivre sa famille et gâter de temps en temps ses quatre petits-enfants, âgés de deux à sept ans. Même si pour cela, il faut pédaler le tricycle toute la journée, sept jours sur sept, parcourir des dizaines de kilomètres à Quatre-Bornes. «Partou mo été, everywhere. Kan éna lékol, mo al laba ousi.»

La recette d’un sorbet à succès ? «Par zour, mo bat sink liv dilé. Ladan, met carnation, pistas, zanana, disik, lavani, koko, enn ta zafer kapav azouté pou gou-la vinn topo.» Mais ce qui fidélise la clientèle alors que la concurrence est rude, c’est aussi la tchatche de cet iceman chaleureux. «Kliyan kontan met dialog. Nou koz aktialité ki pé arivé dan péi tousala.»

«Il taquine le ballon»

Quand il n’est pas en train de bosser ou de faire un brin de causette, Shariff taquine le ballon, histoire de garder la ligne, style Omar Sharif version Made in Maurice. Ou sinon, parce qu’il a un bon coup de fourchette, il a le nez et la barbe plongés dans un bon gros plat de briani. «Mo enn bon manzer, nannié pa sapé ar mwa.»

Puisqu’on en est à la rougaille, passons du coq à l’âne, du cornet au cup. La relève du marchand de glace est-elle assurée ? Qui reprendra la selle de son trois-roues ? Ses fils peut-être. «Zot éna 28 ek 29 an. Enn fer plonbié ek poz marb, lotla-la fer élektrik. Mé kapav apré zot pou anvi met lamé dan sorbé.»

En même temps, Shariff n’est pas pressé de raccrocher le tablier. Difficile d’imaginer sa vie, dit-il, sans ses cornets, sans sa routine, sans ses balades, sans ses clients, sans les enfants, les petits comme les grands. Qui lui courent après quand ils entendent sa fée clochette. «Mo pou fer mo travay osi lontan ki mo kapav.»

Une bonne nouvelle pour ceux qui ont parfois besoin de réchauffer l’âme avec quelques boules de glace.