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Percy Yip Tong: ces préoccupantes «poches de milliardaires»

5 janvier 2017, 16:13

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Percy Yip Tong: ces préoccupantes «poches de milliardaires»

À l’arrivée de la nouvelle année, nous n’aspirons qu’à une chose: respirer. Pour nous ressourcer en beauté, rien ne vaut un retour aux sources en bonne compagnie. Pendant cette première semaine de 2017, nous sillonnons les régions avec une personnalité qui y habite. Histoire de lui demander où elle va et ce qu’elle fait pour savourer un bol d’air frais.

Vous en connaissez beaucoup des gens satisfaits de leur sort? Des gens qui disent spontanément que là où ils habitent, c’est «un petit paradis»? Percy Yip Tong en fait partie. Personnage atypique, fort en gueule, qui a su durer dans l’univers impitoyable de la musique.

Avec lui, si vous ne suivez pas le rythme, vous êtes vite submergé par le flot de paroles. Une fois les déferlantes passées, Percy Yip Tong finit par confier: «Je voyage six mois par an. Quand je suis là, à Tamarin, je ne sors pas. Mes amis me voient dans les médias, jamais en vrai. C’est pour cela que quand je rencontre des gens, mo koz boukou.»

Tempérament expressif qui n’a rien contre le contemplatif. Percy Yip Tong en a vu de toutes les couleurs. Son coin de paradis – une maison pied dans l’eau aménagée avec goût à Tamarin – c’est «là-bas que Kaya a écrit plusieurs de ses morceaux. Laba linn gagn enn bann kriz. Laba li ti pé piké. J’ai quitté Kaya sans dire un mot. Le silence accuse. Je l’ai quitté parce qu’il était tombé là-dedans. Je l’ai quitté juste au moment où il a commencé à décoller. C’est pour cela qu’aujourd’hui, je suis en faveur de la méthadone pour le combat contre la drogue. S’il y avait eu la méthadone à l’époque, peut-être que Kaya aurait été encore là.»

Faut croire que dans la vie de Percy Yip Tong, Kaya c’est comme la marée. Son histoire ne finit pas de monter. Et de descendre en creux, comme à la baie de Tamarin. Dans les années 1968-69, le campement de la famille Yip Tong (son père était magistrat) était là où se trouve l’hôtel Tamarin aujourd’hui. À l’époque, se souvient Percy Yip Tong, qui a grandi à Quatre-Bornes, il n’y avait pas d’électricité.

«J’ai connu la baie de Tamarin avant qu’il y ait le moindre développement. Bientôt, il y aura les Acacias, 100 villas de luxe. Je suis déprimé. Je ne peux empêcher le développement.» Ce qui le console, ce sont les immuables du coin: l’embouchure de la rivière qui se jette dans la baie, la montagne des Trois-Mamelles et le Rempart.

Son parcours idéal : traverser l’embouchure, marcher jusqu’aux rochers à l’autre bout de la plage et se retrouver comme dans une forêt, tout seul. «Ce que j’aime avec la côte ouest, c’est qu’il y a encore des petits coins où je peux me retrouver seul, pour récupérer. Les hommes bouffent mon énergie, la Nature me la redonne. Quand je regarde l’homme, je ne peux pas croire en Dieu. Mais quand je regarde la Nature, je suis sûr que Dieu existe.»

Leker kontan

Entre la Nature «qui change tout le temps», les vagues «ou ti a krwar ou Hawaï» et les dauphins qui sont là «dépi mo ti baba», tout est là pour «fer leker kontan». Mais le citoyen Yip Tong est de ceux qui se font du souci pour l’avenir. Rappelez-vous, un peu pour rire, un peu par défi et beaucoup par envie, il s’était présenté aux dernières élections générales. «C’est la circonscription la plus peuplée et la plus pauvre. Quand j’organise un meeting, je dois rallier des gens de résidence Kennedy à Surinam», ironise-t-il.

Dans «sa» circonscription, le «mam» doit l’avouer: «Sans les bateaux qui emmènent les gens voir les dauphins, le village de Tamarin ne se serait pas développé. Pareil avec le kite surf et les guesthouses. C’est le ying et le yang. Moi, je croyais que les dauphins auraient cessé de venir.» Ils sont toujours là, comme Percy Yip Tong, le producteur. Lui qui tant de fois a entendu dire: «Tu n’es pas musicien, ki to koné twa?»

De Tamarin, il existe des points de vue qui permettent de balayer la côte du regard jusqu’au Morne.

«Avec les groupes mauriciens, il y a toujours des problèmes. Il y a un manque de reconnaissance. Zot pa ékouté.» S’il préfère de loin travailler avec des groupes africains, après Menwar, Patyatann et Lespri Ravann, il s’occupe désormais des tournées de Linzy Bacbotte et de Mauravann. «Linzy est inconnue dans toute l’Europe. Là-bas, tout le monde me demande Menwar, alors qu’ici Linzy est une star et pas Menwar.»

Et Percy Yip Tong, qu’est-ce qu’il demande ? Parmi ses «combats»: l’ouverture d’un by-pass. Une bretelle qui «existe déjà, il suffit de l’aménager». Effectivement, il nous guidera le long de cette large route qui longe les cannes. Elle permet d’éviter Tamarin et de sortir à Trois-Bras, en passant au ras d’un «gated community».

«Avec Tamarina, les villas Acacia et la smart city des Jhuboo, c’est une moyenne de 1 000 voitures additionnelles qu’il y aura dans la région dans les dix prochaines années. Même à l’entrée des Gorges de Rivière-Noire, il y a plein de maisons en construction. Sans compter que la route actuelle est la seule route pour aller vers Case-Noyale, Baie-du-Cap. Il y a un seul pont. Quand deux bus ou deux camions se croisent, c’est chacun son tour. Il y a déjà des embouteillages le matin et le soir. C’est mon cauchemar qui devient réalité.»

Le citoyen Yip Tong fait le compte : cinq hôtels encore à venir dans la région, un morcellement écologique de luxe avec le Domaine de Palmyre, avec 316 villas en construction, d’autres morcellements en phase d’agrandissement. «Est-ce qu’on a pensé au problème d’approvisionnement d’eau? Si on a le Produit intérieur brut le plus élevé d’Afrique, c’est grâce au développement. Avec les poches de milliardaires qu’on a, on pourrait éradiquer les poches de pauvreté.»