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Drogue : la police sur la piste d’un cartel de l’Ouest

7 janvier 2017, 10:00

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Drogue : la police sur la piste d’un cartel de l’Ouest

L’Ouest du pays a toujours été ciblé par la police depuis le démantèlement du réseau de drogue de Gro Derek en 2012. Or, «faute de preuves, nous n’avions pu appréhender tous les protagonistes impliqués dans cette affaire», révèle une source proche du dossier. Mais les Casernes centrales sont bien déterminées à mettre la main sur le cerveau de ce trafic cette fois-ci. Car selon elles, bien que Rudolf Dereck Jean Jacques, dit Gro Derek, soit un gros dealer, il n’est pas à la tête du réseau. Et l’arrestation du bailleur de fonds Kamlesh Radha, 27 ans, est une opportunité en or pour les limiers d’avancer dans leur enquête et d’attraper un «gros requin».

Le suspect, un habitant de Vacoas, a collaboré avec la police et a indiqué avoir versé environ Rs 500 000 pour l’importation de deux kilos d’héroïne de Madagascar, valant Rs 35 millions, en utilisant le défunt constable Arvind Hurreechurn comme passeur. Il aurait reçu jusqu’à dix fois la somme investie si l’affaire avait abouti.

Le bailleur de fonds a aussi identifié Ashish Dayal, arrêté cette semaine, comme un élément clé dans ce trafic de drogue. Or, l’Anti Drug & Smugling Unit (ADSU) estime que ce dernier n’a pas les moyens financiers nécessaires pour se procurer deux kilos de drogue de l’étranger. D’ailleurs, l’Independent Commission Against Corruption a émis des attachment orders sur son patrimoine financier, qu’il ne peut utiliser sans un ordre de la cour.

De ce fait, selon les hommes du Deputy Commissioner of Police Choolun Bhojoo, Ashish Dayal aurait joué le rôle de l’intermédiaire pour présenter Kamlesh Radha à ses contacts. De plus, ils sont convaincus que d’autres bailleurs de fonds ont participé au financement de ce colis de drogue. Ces derniers sont, ainsi, les premières cibles des Casernes centrales qui s’attaqueront, par la suite, aux intermédiaires du réseau. Notre source policière explique que «chaque baron de drogue a un territoire bien défini pour écouler sa marchandise. Et les deux kilos d’héroïne saisis étaient destinés à la région Ouest du pays».

Ashish Dayal, de son côté, a nié toute implication dans un réseau de drogue lors de son interrogatoire durant la semaine. «Mo péna narnié a fer ek ladrog aster», a-t-il déclaré. Mais la police a en sa possession des informations qui indiquent le contraire et estime que le suspect est le «lieutenant d’un gros caïd».

Le suspect a éveillé les soupçons après avoir déménagé de sa maison à la Mobile Wing de la Special Mobile Force à Vacoas, où il vivait avec sa famille, il y a deux ans. Il était toujours accompagné de deux policiers armés lors de ses déplacements car il est un témoin clé dans un procès de drogue. «Privilège» auquel Ashish Dayal a fini par renoncer. Mais des éléments du Field Intelligence Office avaient pour mission de le suivre discrètement afin d’assurer sa sécurité. C’est alors que la police a réalisé qu’il parcourait beaucoup l’Ouest du pays, où il rencontrait plusieurs individus, dont Kamlesh Radha.

Ashish Dayal serait ensuite entré en contact avec le policier Edgard Henry Joly, également arrêté cette semaine, basé au quartier général de l’ADSU à Port-Louis. Cela, pour lui demander de trouver des individus prêts à travailler pour lui. L’habitant de Goodlands a alors fait la liaison entre Ashish Dayal et un dénommé Westley Jasmin Corret. Ce dernier aurait ainsi «recruté» Arvind Hurreechurn pour Rs 200 000. Le défunt constable avait promis de tout révéler aux enquêteurs, juste avant d’être retrouvé mort dans sa cellule au Moka Detention Centre dans la nuit du 29 octobre l’année dernière.

Ashish Dayal peut-il toujours être un «star witness» ?

Arrêté en 2012 avec sept kilos de drogue dans un bungalow à Péreybère, Ashish Dayal a communiqué le nom de Gro Derek comme étant le commanditaire du colis. Il a alors accepté de collaborer avec l’ADSU et est devenu le témoin clé dans le procès intenté à Gro Derek pour trafic de drogue. En contrepartie, il obtiendrait une immunité du bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP). Mais son arrestation, cette semaine, a tout remis en question. «Comment peut-il déposer en tant que témoin dans une affaire de drogue de 2012 alors qu’il a, à nouveau, été arrêté en 2017 pour une affaire similaire ? La défense peut arguer qu’il n’est pas un genuine witness», estime un avocat. Ce sera au bureau du DPP d’en décider en se basant sur les informations obtenues de la police.

Chaque baron a son territoire

Selon nos informations, chaque baron opérerait dans un territoire limité. «Un baron n’écoule pas sa marchandise dans le territoire d’un autre», fait comprendre un policier. Par exemple, le réseau «Nerf» menait ses activités uniquement à Port-Louis : Plaine-Verte, Vallée-Pitot, Ste-Croix, entre autres, alors que le réseau «Veeren» était actif à Rose-Hill, Pointe-aux-Sables et Baie-du-Tombeau. Quant au réseau de l’Ouest, il couvre Flic-en-Flac, Petite-Rivière et les littoraux. «Les drogues diffèrent également selon les régions. À Port-Louis, le plus grand nombre de suspects sont arrêtés avec du cannabis et de la drogue de synthèse. L’héroïne n’est pas aussi accessible à tous, un gramme valant Rs 15 000.»

Ally Lazer : «J’ai dénoncé des brebis galeuses dans la police»

Le président de l’Association des travailleurs sociaux de Maurice, Ally Lazer, a déclaré qu’il avait dénoncé des brebis galeuses au sein de la police il y a longtemps. «Comme je suis sur le terrain au quotidien, je peux vous dire que ce ne sont pas les ‘ti dimounn’ qui sont impliqués dans le trafic de drogue à Maurice», a-t-il souligné. D’ajouter que la corruption et la protection occulte sont les plus grands obstacles dans la lutte contre la drogue.