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Prem Mahadeo:«Pravind Jugnauth est, mo pa pou dir drol, mais il n’est pas impulsif comme son père»
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Prem Mahadeo:«Pravind Jugnauth est, mo pa pou dir drol, mais il n’est pas impulsif comme son père»
Tel un revenant. Plus de dix ans après ses déboires dans deux institutions responsables du patrimoine, Prem Mahadeo, ancien directeur du National Heritage Trust Fund et de l’Aapravasi Ghat Trust Fund, a souhaité s’exprimer sur divers sujets d’actualité. S’il reste évasif quant à ses projets, il ne tarit pas d’éloges sur Pravind Jugnauth.
Pourquoi avez-vous sollicité une interview, plus de dix ans après avoir été licencié comme directeur du National Heritage Trust Fund (NHTF) et avoir démissionné comme directeur de l’Aapravasi Ghat Trust Fund (AGTF)?
Je vous ai appelée parce que je vois certaines choses qui se passent. Je pense qu’il faut mettre les points sur les i.
Quelles sont ces choses?
Elles sont liées à l’histoire de Maurice. Prenez, par exemple, les amendements à la Constitution qui sont intervenus récemment. Est-ce que les Mauriciens savent que c’est la cinquième Constitution de Maurice qui est là? Lors des récents débats, plusieurs personnes ont exprimé leur attachement à la Constitution comme si on ne pouvait pas toucher à ces choses-là. Comme si c’était les dix commandements. Ce n’est pas vrai.
Vous faites référence au Prosecution Commission Bill?
Non, je parle en général des amendements à la Constitution. Elle existe depuis un demi-siècle. Les réalités ont changé. Les lois sont dynamiques, il faut les réactualiser.
Vous portez quelle casquette quand vous prenez cette posture?
Aujourd’hui, je suis directeur de Lateral Holdings Ltd, une société qui gère plusieurs usines. Je suis un opérateur économique, quelqu’un qui observe ce qui se passe autour de lui, mais je ne peux oublier le côté culturel qui fait partie de moi. J’ai étudié l’histoire. Quand j’ai quitté le NHTF (NdlR : Prem Mahadeo a été licencié en 2004), c’était principalement à cause du dossier de demande d’inscription du Morne au patrimoine mondial de l’Unesco.
Il y a bien eu un accord avec votre employeur à ce moment-là?
J’ai été licencié brutalement.
Vous avez intenté deux procès, l’un pour licenciement abusif, l’autre pour humiliation.
Dans le premier cas, on est arrivé à un arrangement financier.
C’est toujours Rs 30 000 par mois, à vie?
You know more on me than I know on myself (sourire). Maintenant, c’est quelque chose comme Rs 50 000. Mais ce mois-ci (NdlR : décembre 2016), je n’ai rien reçu du ministère. Celui-ci n’a pas d’argent (rires).
C’est la première fois que vous n’êtes pas payé en plus de dix ans?
Oui, c’est la première fois. Quand des choses comme cela arrivent, ce ne sont pas les politiciens qui sont responsables. C’est une question de management. Par contre, vous ne savez pas pourquoi j’ai été brutalement licencié. La raison principale était mon objection à un projet de développement hôtelier d’une compagnie bien établie à Maurice dans la zone tampon du Morne. Le Premier ministre d’alors avait déjà annoncé que l’Aapravasi Ghat et le Morne seraient présentés à l’Unesco.
Lors d’une grande réunion formelle à la Committee room de l’Assemblée nationale, on a circulé un document qui disait que le NHTF n’avait aucune objection contre ce développement hôtelier. D’habitude, c’est le président du conseil d’administration qui se rendait à ces réunions. Mais ce jour-là, j’étais présent. Est-ce que je pouvais rester tranquille? Si je l’avais fait, ce projet hôtelier aurait été approuvé. Comme c’était dans la zone tampon, le Morne ne serait pas devenu patrimoine mondial, parce que Maurice n’aurait pas respecté les critères établis par l’Unesco. Et c’est moi qui aurait être blâmé. On aurait dit que le directeur du NHTF était présent à ce comité et qu'il n’avait rien dit.
Comment avez-vous exprimé vos objections?
J’ai demandé la parole et dit que si on allait de l’avant avec ce projet, cela allait compromettre l’inscription au patrimoine mondial. J’ai aussi dit que ce projet n’avait pas été examiné par le conseil d’administration du NHTF et qu’aussitôt fait, j’informerai le comité de ce qui avait été décidé. Il y a des choses qui se sont passées à ce moment-là. Je préfère ne pas les dire. Mais quand je suis rentré au bureau ce jour-là, le dossier de ce projet hôtelier était sur ma table avec une note disant: «Your immediate opinion on this project.»
Qui vous a donné cet ordre?
Le ministre des Arts et de la culture d’alors. Qu’est-ce que j’avais fait? En tant que directeur, je leur avais seulement dit que si le conseil d’administration ne s’était pas encore penché sur la question, je ne pouvais pas me prononcer. Si je n’avais pas fait cela, the whole of Mauritius would have fallen on me. On m’a accusé d’être contre le développement or, ce n’est pas mon opinion personnelle qui était requise. Je me suis exprimé en tant que technicien. À l’époque, il était question que les deux dossiers Aapravasi Ghat et le Morne soient présentés à l’Unesco en même temps. Alors, quoi faire?
Qu’avez-vous fait?
Comme je travaillais avec l’Unesco, j’étais en contact avec une experte, Elizabeth Wangari, responsable des dossiers de Maurice. Je lui ai dit que j’étais dans la foutaise. Elle m’a dit de ne pas m’en faire et de lui envoyer un rapport concernant les craintes que j’avais par rapport à ce projet de développement. C’est ce que j’ai fait. Elle a répondu en me donnant raison et j’ai envoyé ses commentaires au secrétaire permanent, car ce n’est pas au ministre que je devais rendre des comptes. On m’a dit que j’avais eu l’audace de remettre en question un tel projet.
Qui c’est «on»?
Top most. J’avais reçu les promoteurs de ce projet à deux reprises et j’avais soumis le compte rendu de ces réunions à qui de droit. Mais on n’en a pas tenu compte. À la réunion suivante du conseil d’administration, le président m’a annoncé que mes services n’étaient plus requis, avec effet immédiat. He led them by the nose. À l’époque, il conseillait les autorités sur les questions culturelles. J’ai demandé les raisons de ce licenciement parce que mon poste était permanent and pensionable. Mais j’ai dû m’en aller comme un criminel.
Vous avez vous aussi été conseiller culturel.
Oui, par la suite, j’ai été adviser on cultural matters auprès de Pravind Jugnauth, qui était ministre des Finances et vice-Premier ministre, de 2004 à 2005.
Avez-vous gardé des liens avec Pravind Jugnauth et le parti?
En ce qui concerne le parti, je ne suis pas un politicien actif. Mais en ce qui concerne les choses culturelles, ça, c’est autre chose. Pravind Jugnauth est, mo pa pou dir drol, mais il n’est pas impulsif comme son père. J’ai eu l’occasion de travailler sur plusieurs dossiers avec lui, dont celui du Ramayana Centre à Rose-Belle. Pravind Jugnauth n’est pas agressif. He is very soft spoken. Il est très systématique. Il prend son temps et ne se prononce pas tant qu’il n’est pas convaincu. Il a un style propre à lui. He is much more of a silent warrior. Tout cela, c’est du vécu. Surtout, il veut rester dans le cadre de la loi. Attention. Just scratch him and you will see the seriousness inside.
Est-ce que vous vous voyez redevenir l’un de ses conseillers?
Je n’y ai même pas pensé. Je me suis spécialisé dans la gestion des ressources humaines parce que j’étais tellement déçu après tout ce qui s’est passé au NHTF et à l’AGTF. Vous savez que c’est ma signature qui est à l’Unesco pour le dossier de l’Aapravasi Ghat? La mienne et celle de la ministre Leela Devi Dookun-Luchoomun. S’il n’y avait pas eu les efforts de la ministre et de Pravind Jugnauth, le dossier ne serait pas passé. Le dossier a été envoyé à la date limite fixée par l’Unesco. On a tardé parce que le dossier du Morne tardait trop et on devait envoyer pour les deux sites simultanément. À ce momentlà, Pravind Jugnauth a décidé que si celui de l’Aapravasi Ghat était déjà prêt, il fallait l’envoyer.
Même si ce n’est pas pour redevenir conseiller, vous vous voyez avec une nouvelle nomination?
Non. Là où je suis, je suis bien payé. (sourire) Quand l’appel à candidatures pour le poste de directeur du NHTF a été lancé, j’étais secrétaire de la ville à Port-Louis et on m’avait proposé d’aller à Quatre-Bornes. C’était mieux payé qu’au NHTF. Mais j’ai senti que mes services auraient été mieux appréciés dans le patrimoine qu’à la mairie où c’est seulement du management.
Vous souhaitez revenir dans le secteur culturel?
Je n’en suis jamais sorti. Il y a des gens, une fois qu’ils deviennent président d’un corps paraétatique, they feel that the organisation is their property.
Licencié au NHTF, vous avez ensuite démissionné de l’AGTF, est-ce que quelque part, ce n’est pas vous le problème?
Je vais mettre les points sur les i. Au NHTF, j’ai été injustement licencié. Je pense que quand le PM d’alors a su comment j’avais été traité, on m’a proposé le poste de conseiller auprès de Pravind Jugnauth, sur la base de mes compétences. Je suis devenu coordinator of the World Heritage Project Aapravasi Ghat. J’ai écrit le dossier de demande d’inscription. On m’a même proposé de revenir au NHTF.
Qu’avez-vous répondu?
J’étais blessé dans mon âme. Auprès du ministre des Finances, il n’y avait pas assez de choses à faire pour me permettre de m’exprimer pleinement. C’est pour cela que j’ai postulé par la suite pour le poste de directeur de l’AGTF et que je l’ai eu.
Un conseiller culturel auprès du ministre des Finances, que fait-il?
Vous avez par exemple un regard sur les financements accordés aux socioculturels.
Et aujourd’hui, qu’auriez-vous aimé faire dans le secteur culturel?
Je ne sais pas. C’est tellement vaste. Tout dépend de ce qu’il y aurait à faire. Je suis en train d’écrire quelque chose dont le titre est «Mauritius is becoming a crematorium for cultures».
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