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Nooreza Joomun: pistas salééé griyééé

14 janvier 2017, 12:30

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Nooreza Joomun: pistas salééé griyééé

Elle ne porte pas de bijou. Sur son visage, par contre, des perles de sueur. Pas étonnant quand on travaille dans une «rôtissoire». Mais ce n’est pas la chaleur infernale ou le four qui tourne à plein gaz qui éteindront la flamme de Nooreza pour son métier de marsan pistas. Sous son petit coin de tente, à la Gare du Nord, la dame de 47 ans essaie de se faire une place au soleil, contre vents et marées. Sa devise: garder le moral même quand «ou travers dan siklonn».

Des ouragans, cette femme, qui a la peau dure, en a pourtant traversé plusieurs. Il y a 14 mois, elle perdait son mari. Alors, pour survivre, pour ses enfants, elle continue à griller ses pistaches, à tour de bras, du lundi au samedi, de 9 heures à 16h30.

La karay de «pistas salééé griyééé», elle est tombée dedans il y a 15 ans. «Papa ti pé fer sa travay-la.» Alors, elle a enfilé le tablier. Tout comme l’a fait Noozra, sa cadette, âgée de 18 ans, qui a repris le flambeau. «Li ed mwa, nou travay ansam.»

Il y a quelques mois encore, mère et fille s’installaient à divers endroits de la capitale pour vendre leurs pistaches. Mais depuis que la loi a forcé les marchands ambulants à prendre racine, elles doivent se contenter de leur emplacement, où elles ont d’autres commerçants et les autobus comme voisins. «Lavant inn bien tonbé. Avan ti pé vann 50 liv pistas, aster zis 20 liv.»

Doit-on comprendre que Nooreza travaille pour des cacahuètes? «Nou bizin débat, oblizé.» Ses cornets attachés avec des élastiques, elle les revend à Rs 25, Rs 50, Rs 75, dépendant de la taille. «Kan tir kapital, mo gagn enn Rs 600 par zour.» Soit quelque Rs 15 000 mensuellement.

Mais pour cela, Nooreza doit avoir l’œil à tout. Ses précieuses et goûteuses arachides, la Portlousienne les achète auprès d’un Monsieur «ki vinn livré lakaz». Pour obtenir le résultat escompté, il faut commencer par bouillir l’eau pendant 15 minutes, poursuit la petite dame, tout en remuant son écumoire. L’on rajoute ensuite du colorant alimentaire pour la couleur rougeâtre, avant de plonger les pistaches dedans. «Bizin tir li vit-vit», à l’aide d’une araignée – sorte de gros pasté – avant de les balancer dans un sac. «Lerla griy li anplas aveck disab kinn fini lavé.» Des dizaines et des dizaines de tours et de retours plus tard, les pistass sont prêtes à faire frétiller les palais.

Sinon, quand elle ne travaille pas, Nooreza se paie-t-elle quelques séances de cinéma? «Non, nou al lamer, enn ti promné. Mo kontan pass létan avek mo gran garson 24 an, kinn fini marié-la, avek Noozra é avek mo dernié, ki éna 6 an.»

Ses plans pour l’avenir? Continuer à vendre des pistaches, à garder le sourire, à passer du temps avec les siens. Et continuer à tracer sa route, histoire de progresser. Parce que l’effort, pour elle, ne compte pas pour du beurre (de cacahuète).