Publicité

Gérard Louis, artiste-producteur: «J’ai décidé de ne plus produire d’albums»

23 janvier 2017, 14:57

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Gérard Louis, artiste-producteur: «J’ai décidé de ne plus produire d’albums»

Le spectacle «La Reine des Neiges», la semaine dernière, c’est Gérard Louis qui l’a produit, à Maurice. En avril prochain, il fera venir Kids United. Roch Voisine, Frédéric François : c’est toujours lui. Gérard Louis, un producteur qui monte ? Mais voilà qu’il confie qu’en novembre 2016, il avait décidé de tout arrêter. Et qu’il va chambouler sa façon de travailler.

Qu’est-ce qui a attiré le producteur que vous êtes vers le spectacle musical pour enfants, La Reine des Neiges ?

Ce n’est pas évident de déplacer une troupe de 17 personnes d’Europe. Je l’ai fait d’abord parce que je suis un artiste. J’ai eu l’occasion d’aller à Eurodisney il y a 10 ans. Quand mon partenaire de la Réunion, KL Bass Prod m’a proposé de produire le spectacle à Maurice, j’ai dit oui.

C’est la première fois que vous produisez un spectacle musical pour enfants. Est-ce une progression dans votre carrière de producteur ?

Non, ce n’est pas parce que j’ai fait La Reine des Neiges que c’est une étape. L’art c’est l’art. J’aurais fait un spectacle de Gérard Louis ou d’un autre artiste mauricien ou de l’océan Indien, li ti pou parey mem. Demain, quand je referais un spectacle local, cela ne voudra pas dire que j’aurais régressé. C’est l’opportunité qui compte.

Vous avez produit Roch Voisine, Frédéric François, Platine Tour. Vous êtes tourné vers l’international parce que les productions locales ne sont pas suffisamment rentables ?

Si je n’avais pas eu l’occasion de voyager, peut-être que cela ne m’aurait pas autant tenu à coeur. Bliyé piblik morisien, kifer mo fami pa kapav trouv sa bann artis la ? Kitfwa éna dimounn pou dir sa li pé fer zess, li pé fer bizness. Mais en tant qu’artiste, j’ai envie de montrer ce que j’ai vu à ma famille parce qu’elle n’a pas eu la chance de faire les mêmes voyages que moi.

Le premier public, c’est la famille ?

Non, c’est un exemple. Parfois, je fais des spectacles et ma famille n’y assiste pas.

Cela vous donne un pincement au coeur ?

Quand vous avez quelque chose en abondance... Ceci dit, la famille voit l’artiste en répétition ou chez moi.

Vous vous êtes tourné vers les artistes étrangers parce qu’il n’y a pas assez de débouchés avec les artistes locaux ?

Non. Ma priorité reste les artistes locaux. L’année dernière, j’ai fait Frédéric François et deux concerts locaux. L’année d’avant c’était un concert de Roch Voisine et deux ou trois artistes locaux. Je peux dire que depuis que je me suis lancé dans ce type de productions, d’autres ont suivi.

La concurrence est rude dans le secteur ?

Sincèrement, pour moi, ce n’est pas de la concurrence. Mais le trop nuit. Il y a trop de spectacles qui s’enchaînent, les producteurs ne prennent pas le temps de se parler, de konkokté ansam.

Vous auriez aimé faire un regroupement des producteurs ?

C’est mon but. On doit tous utiliser les mêmes médias, démarrer les campagnes de promotion, parfois pratiquement à la même période. L’un de nous en pâtit.

Vous avez pris contact avec vos confrères ?

Il y en a beaucoup, avan pa ti éna ditou. Maintenant que je le fait, tout le monde le fait. J’aurais aimé que l’on fasse un calendrier de productions. Nou tom dakor. Je ne suis pas le maître des producteurs, je ne suis pas le boss, mais la majorité des producteurs, quand cela leur chante, ils m’appellent pour me demander si je fais quelque chose à la même période qu’eux. On me respecte.

Quelle place avez-vous dans le secteur ?

Je suis en retrait. Je passe mon temps là où vous me voyez (NdlR : dans son salon à Albion, assis sur le canapé mauve, à côté d’une guitare). Je n’ai pas de bureau. Lor mo latet éna stidio (NdlR : le studio est à l’étage). Mo res kré. Mes cours de musique, c’est de l’autre côté (NdlR : dans la salle à manger).

Vous donnez des cours de guitare ?

J’ai une dizaine d’élèves qui ont entre sept et 65 ans. J’aurais pu en avoir plus, mais j’ai un emploi du temps chargé. Il y a aussi beaucoup de musiciens, des arrangeurs, des producteurs qui me demandent conseil.

Et vous dites que vous êtes en retrait ?

S’ils m’appellent moi, ils appellent peut-être d’autres. Quand un producteur se tourne vers moi, je lui donne priorité. Ce qui est malheureux, quand des dates coïncident, d’autres producteurs auraient pu décaler leur spectacle, mais ils ne le font pas. C’est pareil avec la vente des CD.

Tout le monde dit que le CD est mort

Le CD est mort mais je suis vivant.

La solution c’est le téléchargement légal ?

En tant qu’artiste expérimenté – mais je ne le suis pas plus que Marclaine Antoine –, on prendra n’importe quel support, la vente ne redémarrera pas. Il faut surtout une loi sans pitié pour le consommateur de musique obtenue illégalement. Kaptir li.

Vous ne parlez pas des pirates ?

Finn fatigué koz marsan pirat.

«Ce sont les consommateurs qui encouragent les pirates.»

On connaît les incidents du 30 décembre 2015, quand des artistes sont descendus dans la rue prendre en chasse de marchands de CD piratés. Il y avait des craintes que cela se répète en décembre dernier.

Ti pou éna ankor. Si avec des camarades on n’avait pas calmé les choses. J’ai alerté l’Anti-Piracy Unit en passant par la Rights Management Society, le 29 ou le 30 décembre. Les pirates ont changé de technique, ils opèrent la nuit. Il y a eu des descentes de police, mais quand nous sommes retournés sur les lieux, il y avait toujours des marchands pirates. C’est là que certains artistes ont commencé à s’énerver. Apré la polis finn fer travay la. C’est pour cela que je dis qu’il faut s’attaquer aux consommateurs. Les pirates paient Rs 10 000 de caution et puis recommencent. Qu’est-ce qui les encouragent ? Ce sont les consommateurs de musique illégale.

 Le CD est mort, mais vous en produisez toujours ?

Un artiste fait un album. Je pèse mes mots, un artiste. Éna boukou deklar artis.

Quelle est votre définition de l’artiste ?

Soit il est né artiste, soit il apprend, prend des cours ou apprend sur le tas. Non pa nou levé zordi, nous regardons ce que X ou Y a fait, nou dir nou kapav fer parey. Nous prenons un ordinateur, nou kasé ranzé. Malheureusement, les radios ne se rendent pas compte que ce n’est pas de l’art. Sa dimounn la dir trwa ti mo deplasé, il copie des riddims qui existent sur internet. Les radios en font un tube. Dernié ler, sa dimounn la pass pou enn artis. Cette personne a le culot de demander pourquoi estce que c’est X qui représente Maurice ? Il veut qu’on le considère à pied d’égalité avec celui qui a 10 ans, 20 ans de carrière. Un artiste c’est dans l’âme. Il est jugé sur son professionnalisme. Il n’est pas en retard aux répétitions parce que sa chanson a marché. À l’étranger, si la répétition est à 10 heures et que vous êtes en retard, le producteur déduit cela du cachet de l’artiste.

Vous avez déjà essayé ce système ?

J’ai tâté le pouls. Zot an foupamal. Et puis le cachet n’est pas à la hauteur. Ki pou koupé ?

Revenons au CD qui est mort

Même si le CD est mort, l’artiste doit continuer à se produire en live. Toutlong so lavi, li pa kapav kontignn sant Kayambo, kayambo. Mo mem monn plin. Komié tan pou alé ar sa ?

Et vous, vous êtes obligé de le produire ?

Je ne l’ai encore dit à personne. J’ai pris une décision. Je ne produirais plus d’album, je ne ferais qu’un titre qui sera médiatisé.

Un single ?

Non, il ne sera sur aucun support. À quoi ça sert de faire 10 titres pour que les radios n’en diffusent qu’un seul ? Si cela marche, c’est là que l’album suit. Même là, je ne suis pas sûr, parce qu’il sera piraté encore une fois. Par contre, la chanson phare sera chantée en plein air, partout. J’ai fait trois albums l’année dernière. Pour celui de Flashback, j’ai dépensé plus que sur l’album de Sandra Mayotte.

Combien ?

Je ne vous dirais pas le prix, calculez la différence. Je fais un album en dix-15 jours. Eux, sont jeunes, je les ai laissés libres. Donc en termes d’heures, cela a coûté plus. Qu’importe que j’ai dépensé plus ou moins, il y a une compilation de trois CD piratés, des séga de l’année 2016, où il y a six ou sept titres de Sandra Mayotte, deux de Flashback, deux d’Ino Nakeed et Marie Josée Couronne.

Vous l’avez achetée cette compilation piratée ?

Nou éna nou bann dimounn. Nous faisons cela pour avoir des preuves.

 Le précédent ministre des Arts et de la culture est parti…

(Il lève les bras au ciel en signe de remerciement) Li ti bizin sorti dan sa plas la mem li. Toute la communauté des artistes est d’accord là-dessus. Attention, je ne dis pas que Xavier-Luc Duval devait quitter le gouvernement.

 Avez-vous rencontré celui qui l’a remplacé pour faire part de vos doléances ?

Vu la mauvaise expérience que j’ai eue avec Dan Baboo, je ne suis pas allé vers Pradeep Roopun. Sa fausse conseillère m’avait dit, «eh aret kritik mo minis». Elle m’avait promis qu’il allait me rencontrer. Cela ne s’est jamais fait. Ki mo pou al dir minis Roopun aster la ? Tout est dans les dossiers, non ?

C’est une autre association d’artistes qui a été privilégiée ?

Sa mem dimounn ki pa kréatif la, finn apandan dan likou minister. Avec certains fonctionnaires, ils ont amadoué le ministre qui était aveugle et ce que vous venez de me dire est arrivé. Pa kapav tou kou artis res plinyé mem. Il faut croire qu’il y a un problème au ministère. C’est pour cela que j’ai dit que la seule personne qui pouvait changer les choses c’était Xavier-Luc Duval.

 Il n’est plus là aujourd’hui.

C’est au High powered committee de faire son travail. L’artiste lui-même doit changer.