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Auguste Follet: «La centralisation affaiblit les syndicats»
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Auguste Follet: «La centralisation affaiblit les syndicats»
De nature discrète, cet homme à l’allure joviale officie au quatrième étage du Pearl House Building, à PortLouis, où son syndicat a élu domicile. Auguste Follet, 87 ans, se prépare à passer la main à son successeur, le syndicaliste Jean L’Omelette, dont le fils est médecin et chercheur.
C’est en 1972 que l’idée de former l’Organisation de l’unité des artisans (OUA) voit le jour, lorsqu’il travaille sur la propriété sucrière de Médine comme artisan. «Quelques amis syndicalistes et moi avions décidé de créer ce syndicat parce qu’il y avait de gros manquements au niveau des conditions de vie des travailleurs de l’industrie sucrière et que la General Workers Federation (GWF) avait eu des démêlés avec le gouvernement. Il y avait un vide syndical.» L’OUA devait décider en 1974 de déclencher une grève dans l’industrie sucrière, à la suite d’un award rendu public par un comité d’arbitrage qui avait remis en question les droits acquis des travailleurs.
Cette situation devait inciter le gouvernement à mettre en place un second comité d’arbitrage sous la responsabilité du ministère du Travail et des relations industrielles. Ce comité devait recommander que diverses catégories de travailleurs soient reconnues comme des artisans. Le vieux syndicaliste salue à ce chapitre la contribution d’Alex Rima, «qui maîtrisait les techniques de négociation».
Face aux grandes pointures de l’industrie sucrière, Auguste Follet arrive tout de même à les convaincre par rapport à la véracité de ses arguments. Il se souvient de sa lutte pour que les familles des artisans de l’industrie aient droit à une Lump Sum si un travailleur arrivait à mourir après deux ans de service. Auparavant, la famille devait attendre qu’il ait atteint 60 ans.
Cet heureux grand-père se souvient encore de sa lutte pour que les enfants des artisans aient droit à un moyen de transport pour aller à l’école, alors que ce privilège était réservé aux enfants de l’état-major de l’industrie. Autre succès : faire grimper le salaire mensuel des artisans à Rs 555 par mois en 1974, alors qu’au début des années 70, il était de Rs 175.
Auguste Follet indique aussi qu’auparavant, il existait même des travailleurs qui arrivaient jusqu’à l’âge de 60 ans sans pour autant être employé. «Nous avons réussi à nous battre pour qu’après deux années de service, un travailleur soit considéré comme un employé. Autre garantie : lorsqu’un travailleur tombait malade, il avait droit à un moyen de transport pour se rendre à l’hôpital. S’il n’y en avait pas, le travailleur chercherait alors un moyen de transport à ses frais, et se faisait rembourser.»
Aujourd’hui, dit-il, avec la centralisation de l’industrie sucrière et la fermeture de nombreuses sucreries, le rôle de l’OUA diminue d’année en année. «La centralisation affaiblit les syndicats», dit-il. De plus, «il ne reste plus que quelques membres du syndicat aujourd’hui. Je pense que d’ici l’année prochaine, l’OUA pourrait être dissoute.»
Il avance cependant qu’il essaiera malgré tout de maintenir ce syndicat «en vie» car les dispositions de la loi indiquent qu’un syndicat peut continuer à opérer avec un effectif de seulement 30 membres. Et de faire remarquer qu’actuellement il y a environ 2 000 artisans qui travaillent dans les garages et les sucreries à travers le pays et qui sont répartis dans trois syndicats. Résultat, les artisans sont éparpillés dans diverses centrales syndicales. Éparpillés, donc moins forts.
Quel regard jette-t-il sur le monde syndical à Maurice ? Il salue la Confédération des travailleurs du secteur privé, représentée par Reaz Chuttoo et Jane Ragoo, dont il apprécie le dévouement à la cause des travailleurs : «On peut ne pas être d’accord avec eux mais moi je sais qu’ils travaillent d’arrache-pied pour défendre les intérêts des travailleurs dans le secteur privé. Je reconnais aussi la contribution d’Atma Shanto, qui défend la cause des taximen et des employés d’hôtels.» Aussi, dans la fonction publique, il pense que la Government Service Employees Association et la Fédération des syndicats du service civil font «un excellent travail».
Toutefois, dit-il, les deux lois du travail, notamment l’Employment Rights Act et l’Employment Relations Act, contribuent à affaiblir les droits des travailleurs. Avec la dissolution de la Mauritius Sugar Producers Association, les syndicats de l’industrie sucrière ne savent pas trop comment négocier les conditions de travail de leurs membres sur une base nationale et ont perdu leur force de frappe. «Un général ne peut pas aller se battre sans qu’il y ait des soldats derrière lui. Le spectre des représailles est maintenant très répandu dans le monde du travail à Maurice», fait remarquer ce père de deux fils et deux filles, habitant la NHDC de La Vallée La Cure.
Ce qu’il retient de ses 33 ans de vie syndicale ? C’est d’avoir réussi à aider les travailleurs de l’industrie sucrière à retrouver leur dignité. La politique le tenterait-il ? «Les syndicalistes doivent surveiller les politiciens. Si on ne le fait pas, c’est eux qui vont nous surveiller», dit celui qui passe son temps libre à regarder les infos et les documentaires sur les chaînes de télé étrangères. Sans jamais oublier d’aider son épouse Solange dans les tâches ménagères !
Parcours:
- 1973 - Président de l’OUA 1982 - Assistant secrétaire de la Fédération panafricaine de l’alimentation et de la culture
- 1982 - Decoré du titre de Member of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean (MSK)
- 1985 - Membre de la Confédération syndicale latino-américaine
- 1999 - Conseiller technique de l’OUA
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