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Fourniture d’eau 24/7: les raisons d’un flop
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Fourniture d’eau 24/7: les raisons d’un flop
Plus de 200 mm de pluie dans une région en l’espace de 24 heures cette semaine avec la tempête tropicale Carlos. Y a-t-il de quoi se réjouir? Pas vraiment. Selon nombre d’experts, dont Subiraj Sok Appadu, ancien directeur de la station météorologique nationale, une grande partie de cette eau s’est évaporée ou s’est perdue en mer en passant par des ruisseaux souterrains. 100 millions de mètres cubes d’eau perdus annuellement sans être exploités, selon Prem Saddul, ancien Chairman de la Central Water Authority (CWA).
«L’approvisionnement de nos réservoirs est assuré jusqu’à la fin de mars», relève pour sa part une source au ministère de l’Énergie et des services publics. Néanmoins, afin d’assurer une bonne gestion de l’eau potable, des régimes de coupures seront «maintenus» jusqu’à nouvel ordre. Autant dire que l’eau 24/7, promesse du ministre Ivan Collendavelloo, ce n’est pas pour demain. Où faisons-nous fausse route? Voici quelques réflexions d’experts.
Un problème de stockage
Malgré les pluies diluviennes, le niveau général des réservoirs de l’île est toujours en dessous de la moyenne, avec 59,2% (au 8 février 2017) en moyenne contre 63,8% l’année dernière. Selon l’hydrologue Farook Mowlabucus, également ex-employé de la Water Resources Unit, le stockage d’eau du pays est inadéquat. Ce problème, soutient-il, a été au centre des discussions des différentes parties engagées sur ce dossier… depuis 1977. Quarante ans plus tard, aucune évolution concrète.
Pour lui, il faut que la CWA se réinvente en fonction des données réactualisées. «Le régime de pluviométrie a changé. La demande a beaucoup évolué depuis les années 90, à l’époque où la construction de barrages supplémentaires avait été recommandée. À quoi sert-il de construire de nouveaux barrages si plus de la moitié de cette eau se disperse au final?»
Un réseau de distribution inefficace
Environ 60% de l’eau potable, de l’aveu même du ministre Ivan Collendavelloo, est perdue en raison des tuyaux défectueux. Des fuites qui prennent des proportions beaucoup plus importantes quand la pression devient plus forte après une période de forte pluviosité, comme à présent.
Si plusieurs projets sont actuellement menés par la CWA pour remplacer des tuyaux à travers l’île, Sébastien Martial, hydrogéologue, affiche le scepticisme. «Le problème va au-delà des tuyaux défectueux. Il faut repenser la distribution, revoir les trajets des réservoirs jusqu’au robinet. Ce n’est pas possible de procéder avec la même configuration que celle datant de l’époque des Anglais. J’ai participé à plus de cinq ateliers de travail où, à chaque fois, les mêmes recommandations ont été faites, sauf que, dans la pratique, on bute», regrette-t-il. Pour Farook Mowlabucus, de nouvelles études sont nécessaires afin de revoir le schéma de distribution.
Une question de tarif «trop abordable»
L’accès sans restriction à l’eau restera un mirage tant qu’il n’y aura pas de hausse de tarifs, insiste le ministre Collendavelloo. Sébastien Martial et Farook Mowlabucus sont également d’avis qu’une hausse des prix permettra une meilleure gestion. «L’eau est beaucoup trop abordable», soutient l’hydrologue. Pour Sébastien Martial, cette augmentation des tarifs mènera à une prise de conscience et, par conséquent, entraînera une baisse de la consommation.
Toutefois, il faudra une réelle volonté politique pour cette mesure impopulaire. «Tout dépend de la volonté d’Ivan Collendavelloo», dira l’hydrogéologue. Et de prendre l’exemple d’Israël qui bénéficie d’une pluviométrie inférieure à Maurice mais qui parvient à fournir de l’eau potable 24/7.
La polémique : la CWA ne satisfait-elle pas la demande ?
Selon les relevés de Statistics Mauritius, la quantité d’eau potable distribuée aux consommateurs piétine depuis plusieurs années déjà – en moyenne 97 mm3 par an de 2009 à 2015. Pourtant, la production a augmenté durant la même période (203- 254 mm3).
Ce chiffre interpelle Farook Mowlabucus. «La distribution aurait dû augmenter annuellement avec notamment le nombre grandissant de touristes», fait-il valoir. Selon un ancien responsable de la CWA, qui a souhaité parler sous le couvert de l’anonymat, le fait que cette distribution stagne démontre que l’organisme «ne progresse pas et peine à satisfaire la demande des consommateurs».
Un avis que l’on ne partage pas au ministère de l’Énergie et des services publics. «La consommation de l’eau s’est stabilisée ces dernières années», soutient une source au sein de ce ministère.
Elle s’appuie surtout sur le fait que la population de Maurice n’augmente pas comme avant. Qui plus est, «la demande du côté des industries telles que le textile ou encore la canne à sucre, jadis de gros consommateurs d’eau, a nettement diminué».
Quid du nombre croissant de touristes couplé à la construction d’hôtels et d’appartements? Notre interlocuteur est catégorique: aucune incidence sur la demande non plus car plusieurs hôtels choisissent d’installer leur propre station de traitement afin de ne pas se fier au réseau de la CWA.
Pourquoi pas des châteaux d’eau ?
Quelle solution ? Subiraj Sok Appadu cite l’exemple de Port-Louis. Le surplus d’eau dans la capitale passe à travers des canaux tels que la montagne des Signaux, Tranquebar ou encore Vallée-Pitot pour se retrouver en mer. Port-Louis ne compte pas non plus de réservoir. «Il n’y a pas de stockage d’eau. Nous aurions pu construire des châteaux d’eau. Ce n’est pas simple d’en construire, mais chacun peut conserver environ 10 000 litres d’eau. Ce genre d’infrastructures pourra empêcher les inondations.»
Un château d’eau est généralement une tour qui a pour but de stocker l’eau potable. Subiraj Sok Appadu souligne que Maurice a calqué son développement sur celui d’autres pays ayant une plus grande superficie que la nôtre mais aussi davantage de ressources. «Nous avons dépensé beaucoup d’argent en termes de développement mais peu d’études approfondies sur la gestion de l’eau. Comme le disait sir Gaëtan Duval, nous avons des ‘tireurs de plan’ et pas suffisamment d’architectes.»
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