Publicité

Yann Arthus-Bertrand: «Je trouve l’argent là où il est pour faire des films»

25 février 2017, 10:11

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Yann Arthus-Bertrand: «Je trouve l’argent là où il est pour faire des films»

Le célèbre photographe, réalisateur et écologiste français Yann Arthus- Bertrand était chez nous. À l’initiative de la Mauritius Commercial Bank (MCB), une projection gratuite de son film «Human» s’est tenue mercredi au cinéma Star, à Bagatelle. Yann Arthus-Bertrand nous parle de ce film et de son prochain intitulé «Woman», dont une partie du tournage s’effectue à Maurice. Nous l’avons rencontré mardi après-midi au MCB Centre, à Port-Louis.

Parlez-nous de votre visite chez nous.

J’ai été invité par les hôtels Lux* à faire une présentation de ce que je fais. Puis j’ai vu avec la Mauritius Commercial Bank (MCB) pour des projections du film Human à Maurice. Je travaille aussi sur un film intitulé Woman traitant de la femme et nous allons interviewer la présidente de Maurice. Il n’y a pas beaucoup de femmes présidentes dans le monde.

Est-ce que «Woman» serait la continuation de «Human»?

C’est la continuation. D’ailleurs cela va beaucoup ressembler à Human.

«Human», outre d’avoir été plébiscité, a aussi été critiqué, notamment pour ses interviews en continue et la durée, qui dans sa version cinéma dépasse les trois heures…

Nous avons réduit le film à 2 h 20. Nous avons fini par écouter les gens. Chose que j’avais du mal à faire. Mais le film est un succès dans le monde entier. Je suis très content. En France on était un peu froid, mais dans le monde entier on a des critiques incroyables.

Et «Woman», vous le disiez, sera présenté de la même manière?

On ne sait pas encore très bien comment cela sera, mais, en tout cas, les interviews sont là. Mais ce qu’on mettra des interviews, on ne le sait pas encore. On travaille sur différents projets dont des chants. De belles voix féminines à travers le monde.

«Human», maintenant «Woman» ; qu’est-ce qui vous pousse à choisir ces thèmes?

Je suis un activiste. J’essaie de donner un sens à ce que je fais. J’essaie de réaliser des films pour faire avancer les choses. Avec 6 milliards d’autres, qui était un travail d’interviews de gens dans le monde entier, j’avais envie de montrer le coeur des gens. Je suis un photographe activiste un peu écologiste, j’en avais marre de parler de la fonte des glaces et de la déforestation. Je n’ai pas l’impression qu’on avance beaucoup. J’ai vraiment voulu faire autre chose, c’est pour cela que j’ai fait Human. C’est un film que j’aime beaucoup. Je pense que c’est ce que j’ai fait de meilleur. J’ai travaillé dessus pendant près de trois ans. J’ai besoin de temps pour travailler sur un projet. C’est compliqué, il ne faut pas se tromper sur la façon de montrer les choses.

Dans «Human», on voit des combattants et des condamnés à perpétuité, entre autres. Comment avez-vous choisi ces personnes?

Il y a beaucoup de hasard et beaucoup de préparation. On parle avec des ONG et des associations qui nous dirigent vers des gens qui ont des problèmes, des gens qui ont des choses à dire. D’un côté cela peut être le chauffeur de taxi qui nous emmène et de l’autre la femme de chambre de l’hôtel. Ce qui est étonnant, c’est que pour Woman, c’est encore plus fort ; un grand nombre de femmes veulent parler devant la caméra. Des femmes qui savaient que je venais ici m’ont écrit. On reçoit beaucoup de mail.

Pour «Woman» vous faites combien d’interviews de femmes à Maurice?

On en fait une vingtaine. Nous prévoyons des interviews dans 30 à 40 pays. Ces interviews sont menées par des femmes. On a quatre ou cinq réalisatrices. Les thèmes traités sont l’argent, la sexualité, la pauvreté… Les questions, c’est comme aller chez un psy. On parle longtemps. Les interviewées sont appelées à répondre à 40 questions. Ces interviews sont très longues, elles durent entre 1 heure et 1 h 30. J’aimerais bien être prêt pour Cannes 2019. Même si on a pris un peu de retard, on a cherché des financements, cela va se faire.

Est-ce que «Woman» sera également appelé à être en diffusion libre sur YouTube?

Cela sera plus «cinéma». Mais on n’en est vraiment qu’au début, donc on ne sait pas encore très bien comment cela se fera. Je voudrais vraiment qu’on soit au cinéma parce que je m’aperçois que c’est bien d’être sur YouTube, mais que le cinéma a une caisse de résonance bien plus supérieure. On a besoin de ce système de cinéma qui fait connaître les films et aller à Cannes. C’est ce qu’on n’a pas fait pour Human et je crois que c’est une erreur. Pour Woman on est déjà en train de traiter avec Canal +.

Nous avons tendance à penser que l’humanité est en perdition. Quel est votre avis?

On voit bien que le monde est compliqué… Le changement climatique,  l’épuisement des ressources, la pauvreté… Tout cela montre bien qu’on va vers un monde difficile. Je crois que la clé c’est d’être moins cynique. Mais je n’ai pas la solution.

Dans vos films, est-ce que vous ne faites pas un peu de sensationnalisme?

Oui, dès que je trouve des choses fortes, j’aurais tendance à les inclure, c’est vrai. Je suis comme ça, (réflexion) mais bon, je ne fais pas non plus des films très sensationnalistes. J’essaie de dire la vérité en tout cas.

Est-ce difficile de trouver des financements pour ce genre de film?

C’est toujours difficile de trouver des financements, surtout que nous faisons des films libres de droit et qui ne rapportent pas d’argent. Ce sont des films financés par des fondations, mais je dois reconnaître que pour Woman on a l’intérêt de beaucoup de gens. Je pense qu’on a trouvé les financements. Je touche le bois. (Il mêle le geste à la parole)

Vos détracteurs disent que vous êtes un écologiste qui s’est associé aux multinationales…

Voyons où nous sommes. Nous sommes à la MCB, la première banque de Maurice. Je suis d’avis qu’il n’y a pas d’un côté les gentils et de l’autre les méchants, il y a des cons partout. Il y en a autant dans les ONG que dans les partis politiques. Les partis politiques en France, notamment les partis écolos, sont lamentables. Moi, je trouve l’argent là où il est pour faire des films que j’aime. Je ne prends pas d’argent des impôts. Je gagne bien ma vie, mais moyennement. Je n’ai pas besoin d’être riche. Je n’ai pas de complexe avec cela. Quand je vois que les Bettencourt, qui sont parmi les gens les plus riches au monde, sont capables de donner de l’argent pour un film comme Human, je les respecte.

Même si Bettencourt veut aussi dire L’Oréal et Nestlé?

Mais L’Oréal ne produit pas d’armes ou de pesticides. Je ne vais pas m’associer à Monsanto par exemple. Il y a des gens avec qui je ne m’associe pas, mais avec Bettencourt cela ne me dérange pas. Ce ne sont pas des gens qui font du mal. On est toujours à critiquer tout le monde, le pétrole et tout. Mais nous mettons tous du pétrole dans notre voiture. Il y a un côté faux cul, c’est toujours la faute des autres ; nous on n’est responsable de rien. Je pense que le capitalisme détruit la planète mais je me sers du capital pour faire des films. De toute façon, le cinéma c’est un gros truc de capitaliste, ce ne sont pas que des gens qui y mettent de l’argent, ce n’est pas une ONG. Le cinéma est une énorme entreprise commerciale. Moi je le fais à ma façon.

Vous nous avez parlé de l’humanité, fait découvrir des images vues du ciel et également d’autres sous la mer. Que reste-t-il à Yann Arthus-Bertrand à nous montrer?

(Rires) À 70 ans, il me reste à vieillir correctement avec mes petits-enfants, mais j’adore le métier que je fais et les aériens. Je suis arrivé au bout des aériens et ces interviews m’intéressent énormément. Je pense qu’on peut faire beaucoup de choses en écoutant les gens. On est loin d’avoir fini ce travail. Il y a aussi un projet de film sur moi avec d’autres producteurs, mais pour l’instant je me concentre sur Woman.

Human : une belle leçon de vie

<p>Projeté mercredi soir au cinéma Star à Bagatelle, &laquo;Human&raquo; a plongé ceux présents au coeur de l&rsquo;humanité. Le temps d&rsquo;une centaine d&rsquo;interviews, on passe en revue les divers sentiments qui animent l&rsquo;être humain. La joie, la tristesse, l&rsquo;amour, la peur, la mort et la violence&hellip; Impossible de rester insensible à ces histoires d&rsquo;Hommes chavirés.</p>

<p>De l&rsquo;homme dont l&rsquo;enfant a été tué, à celui qui rêvait d&rsquo;avoir un fils et qui se retrouve avec un enfant handicapé ou encore&nbsp;cette femme qui, depuis son enfance, a été maltraitée et repoussée&hellip; Dans ces histoires de femmes et d&rsquo;hommes d&rsquo;ailleurs, chacun se retrouve avec ses espoirs et ses faiblesses. Quel que soit le pays où nous habitons, quelle que soit notre culture, nous sommes tous liés.</p>

<p>Qu&rsquo;est-ce qui poussent les Hommes à se faire la guerre? Pourquoi la pauvreté existe-t-elle? Ces questions demeurent toutefois entières. Telle une vague, le temps nous pousse vers notre destinée, souvent incertaine, mais une chose est sûre: seul l&rsquo;amour donne à l&rsquo;Homme la force de continuer sa route. Tout comme ces interviews, points forts du film, les prises aériennes nous transportent. Les paysages, qui souvent nous paraissent irréels, nous content aussi une histoire, qui n&rsquo;est pas sans liens avec le parcours des Hommes.</p>

<p>Mercredi soir, ceux qui étaient à Bagatelle ont eu droit à la version courte de &laquo;Human&raquo;, soit 2h20 de projection. Mais version courte ou longue, ce film est à voir avec le coeur.</p>