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Raouf Gulbul: «Il y aura des débats intéressants en cour sur la passation de pouvoir»

26 février 2017, 11:08

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Raouf Gulbul: «Il y aura des débats intéressants en cour sur la passation de pouvoir»

Me Gulbul, faisiez-vous partie des conseils légaux qui ont étudié l’aspect juridique de la récente passation de pouvoir entre sir Anerood Jugnauth et Pravind Jugnauth ?

Normalement, avant d’arriver à cette passation de pouvoir intervenue le 23 janvier, il a fallu s’assurer que tout se fasse conformément à la Constitution. Toutes les procédures ont dû être suivies et les différents articles de la Constitution ont été passés en revue avant d’en arriver là.

Mais faisiez-vous partie de ceux qui ont étudié les différents articles de la Constitution ?

Je ne peux pas vous divulguer cette information. Je suis avocat et en tant que tel, il ne faut pas s’attendre à ce que je vienne vous dire ce que j’ai fait avant ce grand changement du 23 janvier.

Vous êtes tout de même membre du bureau politique du MSM. Cette question vous a sans doute été posée au cours d’une des réunions du politburo qui ont précédé la passation de pouvoir, non ?

Oui. Mais comme convenu, je répondrai surtout sur l’aspect juridique de cette passation de pouvoir. Je ne parlerai pas en tant que politicien.

«The office of the Prime Minister becomes vacant where he ceases to be a member of the Assembly otherwise than by reason of a dissolution of Parliament.»

Allons directement à la question que se posent de nombreux Mauriciens. Cette passation de pouvoir est-elle légale ?

Bien sûr. Je réponds en tant que légiste et non en tant que membre du MSM. Je vous donne mon opinion. On évoque l’article 60 (3) de la Constitution qui se lit comme suit : «The office of the Prime Minister becomes vacant where he ceases to be a member of the Assembly otherwise than by reason of a dissolution of Parliament.» Les contestataires s’appuient sur cet article comme un des arguments de contestation. Selon moi, sir Anerood Jugnauth n’a pas enfreint cet article de la Constitution.

Mais là, vous entrez dans des débats techniques liés à la Constitution que seule la cour pourra trancher, n’est-ce pas ?

Oui, je suis d’accord. J’ai précisé que je vous donnais juste mon opinion. Toutefois, une chose est sûre. Rien dans la Constitution ne fait référence à cette passation de pouvoir. Donc, c’est la raison pour laquelle je suis persuadé que ce qui s’est passé concernant le changement de Premier ministre est tout à fait légal.

Mais d’autres hommes de loi ne sont pas de votre avis. Ils sont persuadés qu’il y a là une entorse à la Constitution…

En tout cas, il y aura des débats de haute facture et très intéressants en cour. Attendons plutôt. Maurice étant un État de droit, chacun a droit à son opinion.

Serez-vous un des avocats de la défense ?

(Rires) Je l’espère bien. Je ne fais pas de lobby pour prendre une affaire. Attendons voir.

Mais vous êtes un membre du MSM…

Comme je vous l’ai déjà dit, ne confondez pas mon travail d’avocat avec la politique. Je suis un homme de principes. On parle uniquement de l’aspect juridique de cette passation de pouvoir. Il ne devrait pas y avoir d’esprit de partisannerie quand on aborde de tels sujets. Et si je défends le gouvernement, je le ferai en tant que légiste et non en tant que partisan du MSM.

«Notre Constitution aura 50 ans l’an prochain. C’est bien qu’il y ait des débats.»

Il y a, en ce moment, beaucoup de débats sur la Constitution.

Notre Constitution aura 50 ans l’année prochaine. C’est bien qu’il y ait des débats. Et que ceux qui veulent des changements aillent de l’avant…

Mais revenons au thème du jour. Si, de votre point de vue, la passation de pouvoir est légale, est-elle pour autant morale ?

J’étais candidat aux dernières élections. Il était compris, entre les trois partenaires de l’alliance, que si, pour une raison ou une autre, sir Anerood Jugnauth devait quitter le poste du Premier ministre, c’est Pravind Jugnauth qui devrait assumer ce poste. Ce n’était certes écrit nulle part, mais tous le savaient. Pas question aujourd’hui de dire le contraire.

Pourtant, le Parti mauricien social-démocrate (PMSD), qui était un des partenaires de l’alliance Lepep, soutient que cela n’avait pas été discuté avant les élections…

Encore une fois, je ne parlerai pas de politique. Mais c’est sûr que si le PMSD était encore au pouvoir, il n’aurait rien trouvé à redire à ce sujet.

Ne pensez-vous pas que sir Anerood Jugnauth a fait une entorse à la Constitution quand il a dit, il y a plus de quatre mois, puis deux jours avant sa démission, que c’est son fils qui allait devenir Premier ministre ?

Non, je ne crois pas que ce soit une entorse à la Constitution. Si sir Anerood Jugnauth a cité le nom de Pravind Jugnauth, c’est sûr qu’il a voulu dire que c’est lui qui est le leader du parti majoritaire au Parlement.

De facto, c’est Pravind Jugnauth qui devait lui succéder. Tout le monde le savait.

Quid de l’affaire MedPoint ? Ne s’agit-il pas d’une épée de Damoclès au-dessus de la tête de Pravind Jugnauth ?

Soyons clairs à ce sujet. En ce qui concerne l’affaire MedPoint, Pravind Jugnauth a été acquitté par la Cour suprême. Il est ensuite redevenu ministre et a, par la suite, prêté serment comme Premier ministre. Il a été blanchi de toutes les charges qui pesaient sur lui. La Cour suprême a renversé le jugement de la cour intermédiaire. Et rien n’entache l’honneur du Premier ministre. Certes, le DPP (NdlR, Directeur des poursuites publiques) a réclamé la permission de la Cour suprême pour contester l’acquittement de Pravind Jugnauth devant le Privy Council. Il en a tout à fait le droit.

Et si le DPP obtient cette permission, Pravind Jugnauth ne devrait-il pas avoir la décence de «step down» jusqu’au jugement du «Privy Council» ?

Pourquoi ? Je ne comprends pas ce raisonnement. Il sera toujours innocent et un homme libre jusqu’au jugement du Privy Council.

Pravind Jugnauth saura-t-il relever le défi qui l’attend ?

Pravind Jugnauth a trois ans pour appliquer la vision de ce gouvernement. Je crois que tous les Mauriciens auraient aimé vivre dans un pays plus prospère où chacun est en paix. Donnez-lui cette chance. D’ici trois ans, la population pourra juger sa performance en tant que Premier ministre.

Un mot sur Roshi Bhadain, que vous avez souvent côtoyé lors des réunions du bureau politique du MSM ?

Il a choisi de quitter le parti et il est libre de son choix.

Et ses sorties contre la famille Jugnauth ?

Vous m’entraînez une fois de plus sur le terrain politique, mais je refuse de dire quoi que ce soit contre lui.