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Polémique au sommet: Álvaro Sobrinho déclenche une guerre politique complexe

4 mars 2017, 10:25

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Polémique au sommet: Álvaro Sobrinho déclenche une guerre politique complexe

 

Lors de la séance du Conseil des ministres vendredi, Pravind Jugnauth a demandé à Sudhir Sesungkur de lui faire un rapport complet sur l’affaire Sobrinho. Le même jour, à la soirée de gala du Mauritius Sport Council, le Premier ministre a refusé d’en parler. Mais à l'issue de son bureau politique, samedi 4 mars, le Premier ministre a indiqué qu'il n'y a eu aucune maldonne. Se penche-t-il ainsi dans le camp d’Anil Gayan – et donc de Roshi Bhadain – en estimant que la Financial Services Commission (FSC) a bien fait son travail? Sudhir Sesungkur, pour sa part, a jeté le blâme sur la FSC, Akilesh Deerpalsing et Roshi Bhadain. C’est dire la complexité politique de l’affaire Álvaro Sobrinho. Voici dans quelle situation se retrouvent tous les acteurs. Un peu de hauteur et on y voit plus clair.

Ivan Collendavelloo, ministre de l’Énergie et leader du ML

 Il n’a pas dit un mot jusqu’ici. Il faut donc se fier à ce qu’a déclaré Anil Gayan, le numéro deux du parti : «La FSC a bien fait son travail». Au ML, donc, on n’hésite pas à contredire l’actuel ministre de la Bonne gouvernance quitte à soutenir la position de l’ancien même si celui-ci s’appelle Roshi Bhadain avec qui Ivan Collendavelloo a déjà croisé le fer avec des qualificatifs comme «chihuahua» et «rottweiler» qui ont été échangés.

De toute façon, Ameenah Gurib-Fakim, c’est le choix du ML. Il ne pouvait pas en être autrement. Mais y a-t-il autre chose qui pousserait le ML à défendre le duo Fakim-Sobrinho ? Les mauvaises langues qui ont été très loquaces jusqu’ici peuvent-elles prouver ce qu’elles avancent ?

Roshi Bhadain, ex-ministre des Services financiers et leader du Reform Party (RP)

 C’est l’homme à abattre. Il vient de faire éclater l’affaire des biscuits et jure avoir plein de dossiers contre ce qu’il appelle le «gouvernma lakwizinn» dans le «cyber espace». Sudhir Sesungkur insinue que c’est lui qui a livré les licences d’Álvaro Sobrinho.

Roshi Bhadain dit avoir vu l’Angolais une fois à un événement organisé par la présidence, alors qu’il était ministre des Services financiers, mais dément l’avoir favorisé de quelconque manière et plaide en faveur d’une FSC indépendante. «C’est peut-être quelqu’un qui blanchit de l’argent, c’est peut-être un type honnête qui se fait attaquer par les médias, cela ne me concerne pas. Ni moi, ni mon conseiller Akilesh Deerpalsing ne nous ingérons dans le Licensing Committee de la FSC.»

Son principal atout : le communiqué de la FSC émis cette semaine dans lequel le régulateur dit avoir procédé à toutes les vérifications. Sa principale faiblesse : sa naïveté. Hier, il a couvert sir Anerood Jugnauth (SAJ) d’éloges en disant que «sous SAJ, pa ti pou éna sa bann malpropté la». Mais il a tendance à oublier que ce même SAJ a dit de lui: «Si mo gayn enn dosié kont li, mo koulout li.» Est-ce ce dossier-là que SAJ cherchait ?

Paul Bérenger, ex-leader de l’opposition et leader du MMM

Il est dans une position idéale au point où il est «soupçonné» d’être celui qui a fait fuiter cette info le week-end dernier.

Sudhir Sesungkur, ministre des Services financiers et membre du MSM

Ses accusations contre Roshi Bhadain et Akilesh Deerpalsing cette semaine lui ont valu l’artillerie lourde du Reform Party qui est allé jusqu’à l’accuser d’avoir détourné Rs 8 millions au détriment d’une compagnie d’audit ! Sudhir Sesungkur a clairement insinué qu’Akilesh Deerpalsing, proche de Roshi Bhadain et ex-consultant à la FSC, a été celui qui a fait des faveurs à Álvaro Sobrinho. En considérant que le point de départ de toute cette histoire c’est cette relation entre Ameenah Gurib-Fakim et Álvaro Sobrinho, Sudhir Sesungkur, avec une telle prise de position, laisse entendre que l’Angolais aurait bénéficié de la faveur de la présidente.

Sauf que la FSC et Anil Gayan l’ont démenti. Et l’express a révélé qu’il a une vieille dent contre la FSC.

 

Xavier-Luc Duval, ancien ministre du Tourisme, leader de l’opposition et du PMSD

Il aurait été dans une position plus clear-cut s’il n’avait pas offert à Roshi Bhadain une place sur le front bench de l’opposition. Hier, lors d’une conférence de presse, le leader du Parti mauricien social-démocrate (PMSD) a demandé à la présidente de s’expliquer «devant la population, en toute transparence» mais il se dit convaincu que Roshi Bhadain n’a rien à se reprocher. Une position assez ambiguë puisque les allégations lient Roshi Bhadain à la présidente de la République.

Ameenah Gurib-Fakim

Au cœur de toute l’affaire mais son intervention personnelle pour favoriser Álvaro Sobrinho n’a pas été démontrée. Elle a déjà essuyé une première salve de critiques de certains membres du gouvernement à cause de ses voyages. Mais elle y a survécu. Cette fois ce sera plus dur...

 

 

Communiqué de la FSC : les zones d’ombre

<p>Dans un <a href="https://www.lexpress.mu/article/301326/document-affaire-alvaro-sobrinho-fsc-met-points-sur-i" target="_blank">communiqué</a> publié le jeudi 2 mars, la <em>Financial Services Commission</em> (FSC) s&rsquo;explique quant aux licences octroyées au businessman angolais Álvaro Sobrinho. Elle indique qu&rsquo;à la lumière des nouvelles enquêtes ouvertes sur lui, les opérations de l&rsquo;ASA Group ont été gelées. Toutes les licences, dit-elle, ont été accordées après la soumission des <em>&laquo;criminal proceedings carried out against Mr. Sobrinho both in Angola and Portugal&raquo;</em>. Pourtant, même après ces clarifications, les questions restent entières quant à la justification de l&rsquo;octroi des licences.</p>

<p>Déjà, le communiqué de presse stipule que la toute première demande provenant d&rsquo;Álvaro Sobrinho a été faite le 18 août 2015. C&rsquo;est pour l&rsquo;AS African Asset Management Ltd, le PASET Fund et l&rsquo;ASA Fund que les demandes de licences sont effectuées. Cependant, ces licences sont octroyées 10 jours plus tard, soit le 28 août 2015. La FSC explique dans son communiqué qu&rsquo;à l&rsquo;étude du dossier et à la lumière d&rsquo;informations compromettantes, elle demande à la Management Company d&rsquo;effectuer un &laquo;enhanced due diligence&raquo;. Dix jours sont-ils assez pour effectuer cette enquête ?</p>

<p>Deuxièmement, même si les &laquo;criminal proceedings&raquo; de l&rsquo;Angola et du Portugal ont été mis à la disposition de la FSC, celle-ci ne rapporte que ceux de l&rsquo;Etat angolais. Elle n&rsquo;indique pas ce que révèlent les documents provenant du gouvernement portugais. Les charges du Portugal contre l&rsquo;Angolais avaient, en effet, déjà été abandonnées en avril 2015.</p>

<p>Or, quand en mars 2016 Álvaro Sobrinho fait des demandes de licences, l&rsquo;abandon des charges contre lui est remis en question. Et ce, depuis l&rsquo;arrestation d&rsquo;Orlando Figueira, procureur portugais, en février 2016, soupçonné d&rsquo;avoir accepté des pots-de-vin contre l&rsquo;abandon des charges. Est-ce que cela n&rsquo;est pas pris en considération par la FSC ? En sachant que les licences demandées par Álvaro Sobrinho en mars 2016 ont été octroyées huit jours plus tard, y a-t-il eu un nouveau due diligence ?</p>

<p>Ces questions ont été envoyées à la FSC hier. Cependant, l&rsquo;institution financière &laquo;<em>a préféré ne pas commenter l&rsquo;affaire pour le moment&raquo;.</em></p>

 

Réactions

Xavier-Luc Duval : «Il est possible que la présidente ait été dupée»

«Je ne sais pas qui a déclenché toute cette affaire, mais je pense qu’il faut qu’il y ait un seuil pour que la présidente ne descende en dessous.» C’est ce qu’a déclaré Xavier-Luc Duval en réponse à l’express qui l’a interrogé pour savoir si le gouvernement n’a pas orchestré toute cette affaire pour faire partir la présidente de la République. Le leader de l’opposition affirme qu’il doit y avoir des enquêtes pour protéger la présidente et le pays et même les ministres comme cela se fait à l’étranger. Il espère que la présidente n’était pas au courant de toute cette affaire, au cas contraire c’est très grave. Il est possible que «dimounn anbet li an tan ki nouvo prézidan. L’affaire Álvaro embarrasse Maurice au niveau international».Il ajoute que le National Security Service doit pouvoir faire des enquêtes sur les personnes qui gravitent autour des personnalités politiques au lieu de surveiller l’opposition.

 

Shakeel Mohamed : «Choquant que Sesungkur s’attaque à la FSC»

 «Je suis surpris par la réaction du ministre Sudhir Sesungkur contre la FSC. C’est comme si l’ancien ministre Roshi Bhadain n’avait pas fait partie du gouvernement», dit le chef de file du PTr au Parlement. «Le plus choquant», c’est que le ministre «s’attaque à la FSC», ce qui «remet en question l’intégrité» des services financiers.Il est normal que la FSC fasse le due diligence avant d’octroyer un Investment Banking Licence. «La réputation de Maurice en tant que centre financier est trop importante pour que la politique de bas étage vienne empiéter dessus. Il ne suffit pas à la présidente de demander une enquête sur les services concernés pour ne pas avoir à s’expliquer à la population.»

Rashid Imrith : «Ameenah Gurib-Fakim a manqué d’expérience»

 «La présidence n’est pas un poste facile», souligne le président de la Fédération des syndicats du secteur public. Ameenah Gurib-Fakim a manqué d’expérience et de conseils dans cette affaire. «Elle est certainement partie de bonnes intentions et il s’est servi d’elle. Si j’étais à sa place, j’aurais joué cartes sur table. J’aurais tout expliqué. C’est le meilleur moyen de faire face au public.»