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Les petits et grands secrets de la galaxie Sobrinho

19 mars 2017, 22:00

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Les petits et grands secrets de la galaxie Sobrinho

Sa fortune et son carnet d’adresses ont de quoi faire pâlir les plus grands. Ses proches le disent «pointu et méticuleux», «exigeant et déterminé». Il a séduit les membres du gouvernement les uns après les autres. Certains le disent même prêt à «investir des milliards» à Maurice. Belle aubaine ? À voir. Car en creusant un peu, on s’aperçoit que tout n’est pas si net. Voici pourquoi le magnat de Luanda intrigue autant qu’il dérange.

Une fortune bien mystérieuse

Lisbonne, décembre 2014. Un peu plus d’un an après son licenciement de la Banco Espirito Santo Angola (BESA), l’ex-CEO est «cuisiné» par une commission d’enquête parlementaire. Sa mission : établir les responsabilités dans la chute de l’empire Espirito Santo, groupe pour lequel Sobrinho a travaillé pendant dix ans. Nous avons eu accès à l’intégralité de son audition, qui a duré près de sept heures. Fait intéressant, les parlementaires démontrent que son patrimoine ne correspond pas à ses revenus. Certes, pendant dix ans, son salaire de patron de banque est important (officiellement, 166 000 euros bruts mensuels, soit Rs 6,3 millions au taux de change actuel) mais ses investissements personnels vont bien au-delà. Comment Sobrinho les explique-t-il ? Voici, en substance, ce qu’il répond à la dizaine de députés qui lui font face :

Questions/Réponses

<p><strong>Pouvez-vous nous confirmer le montant de votre rémunération comme dirigeant de la BESA ?</strong></p>

<p>Je ne me souviens pas. Je peux chercher, mais là, je ne sais pas.</p>

<p><strong>Vous ne savez pas si vos revenus dépassaient les deux millions d&rsquo;euros par an ? </strong></p>

<p>En quoi est-ce pertinent ?</p>

<p><strong>C&rsquo;est tout à fait pertinent. Nous voulons savoir comment un directeur de banque, même si cette profession permet de bien gagner sa vie, a pu accumuler un tel patrimoine.</strong></p>

<p>Je ne répondrai pas à cette question, c&rsquo;est personnel. Mais je peux vous dire que je fais partie d&rsquo;une famille angolaise avec des biens. Je ne suis pas parti étudier au Portugal comme boursier, mes parents m&rsquo;ont acheté une maison, une voiture. J&rsquo;ai fait les investissements que j&rsquo;ai faits, cela ne regarde pas cette commission d&rsquo;enquête. Quand vous poserez la même question à tous ceux qui passeront devant vous, je vous répondrai avec plaisir.</p>

<p>Circulez, y&rsquo;a rien à voir&hellip; Ivan Collendavelloo, n&deg;2 du gouvernement, sert la même version : <em>&laquo;Il m&rsquo;a dit qu&rsquo;il sortait d&rsquo;une famille riche depuis trois générations&raquo;</em>. Le <em>&laquo;neveu&raquo;</em> (sobrinho, en portugais) serait donc bien né, point. D&rsquo;où ses réseaux fournis, ses holdings, ses médias, ses résidences de luxe, ses placements faramineux épinglés par les <em>&laquo;Panama Papers&raquo;</em>. Oui mais alors, d&rsquo;où vient cet héritage béni des dieux ? Ceux qui ont fouillé dans la lignée des Madaleno ont dû se contenter de vagues attaches avec les FAPLA, l&rsquo;ancienne branche armée du parti de Dos Santos, et de soit - disant connexions avec des nababs du pétrole, du gaz ou des diamants angolais. Rien de bien concret ni de démontré : le secret des Madaleno est bien gardé.&nbsp;<br />
	&nbsp;</p>

 

Les connexions «militaires» du frère

<div style="text-align: center;"><img alt="" height="450" src="/sites/lexpress/files/images/bouquin_0.jpg" width="325" /><br />
	&nbsp;</div>

<p>L&rsquo;épisode est raconté dans un livre (*). En 2014, alors que son empire s&rsquo;effondre, l&rsquo;ex-patron historique de Banco Espirito Santo (BES), Roberto Salgado, reçoit une visite qu&rsquo;il n&rsquo;est pas près&nbsp;d&rsquo;oublier : celle de Silvio Madaleno, l&rsquo;un des frères de Sobrinho. Entre les deux banquiers, rien ne va plus. Deux ans plus tôt, Salgado a licencié Sobrinho. Depuis, les deux hommes sont à couteaux tirés. La tension est d&rsquo;autant plus vive que Salgado vient d&rsquo;être mis en examen dans le cadre d&rsquo;une enquête de blanchiment de capitaux.</p>

<p>Une affaire explosive dans laquelle le nom de Sobrinho a circulé. Et si Salgado avait trop parlé ? Le clan Madaleno est sur les dents. Au point de venir menacer le patriarche du conglomérat qui vit retranché dans sa luxueuse forteresse de Cascais, sur la Riviera portugaise : <em>&laquo;Le frère est venu me dire qu&rsquo;il avait une armée en Angola, avec 4 000 hommes&raquo;</em>, révélera Salgado. Ce mot <em>&laquo;armée&raquo;</em> est-il à prendre au sens propre, ce qui validerait la thèse de connexions militaires ? Ou bien le frère faisait-il simplement référence aux gros bras de son officine de sécurité, à Luanda ? L&rsquo;histoire ne le dit pas. Mais une brochure de 2009 précise comme ça, l&rsquo;air de rien, que ladite société est leader sur le marché du <em>&laquo;cash in transit&raquo;</em> et &ndash; on vous le donne en mille &ndash; compte la BESA parmi ses plus gros clients.</p>

<p>(*) <em>&laquo;BES &ndash; Os Dias do Fim Revelados&raquo;</em> (<em>&laquo;BES &ndash; Les derniers jours dévoilés&raquo;</em>), d&rsquo;Alexandra Ferreira, éd. Chiado.</p>

 

Jason Bourne version tycoon

Insaisissable Sobrinho. Selon nos recoupements, il possède au moins trois passeports : angolais, portugais et britannique. Ces dernières années, il les a passées en Suisse, dans le canton de Vaud, connu pour être un «paradis de milliardaires». Plus troublant, il a fait modifier son patronyme auprès du registre anglais des compagnies. En janvier 2016, le directeur de Planet Earth Institute (PEI), Madaleno Sobrinho, est devenu Madalendo Sobrinho, puis de nouveau Madaleno. Bizarre…

Autre fait d’arme : alors qu’il était encore chairman de la BESA en Angola, et sur le point d’être débarqué, il a créé à Londres une société baptisée «BESA UK». Le tout, au nez et à la barbe de la direction d’Espirito Santo. Gonflé ! “When the source of the river is dry, people move”, dit un proverbe angolais, et la source angolaise était plus que dry… Il a été l’unique actionnaire de cette BESA bis jusqu’à sa dissolution, deux ans plus tard.

À Maurice, il aurait «l’intention d’investir des milliards, notamment dans le secteur de l’énergie», se frotte les mains d’avance le n°2 du gouvernement, Ivan Collendavelloo. Mais encore ? L’homme d’affaires serait chaud bouillant sur «le potentiel géothermique de l’île», souffle son entourage. En creusant un peu, on découvre que Sobrinho investit effectivement dans cette technologie consistant à exploiter la chaleur des poches d’eau chaude souterraines pour produire de l’électricité. L’une de ses sociétés, Cluff Geothermal, s’est même fait une belle réputation dans West London.

Créée par un jeune comte richissime et un magnat du pétrole septuagénaire, cette compagnie fore des puits d’un ou deux kilomètres sous la terre, là où clapote un spa naturel à 70 degrés. Elle en extrait la chaleur en utilisant une technique développée par le professeur Paul Younger, qui dirige aussi comité scientifique PEI. Les deux conseils d’administration ont d’ailleurs trois directeurs en commun. Insaisissable, on vous dit...

Les drôles de pratiques de Planet Earth


 

●  Un logo piraté

Paris, 12 février 2008. L’Année internationale de la planète Terre est lancée en grande pompe par le directeur général de l’Unesco. Objectif : redonner du lustre aux géosciences, en sérieux déclin auprès des jeunes.

Partout dans le monde, des colloques, des expositions et autres festivals dédiés à l’événement s’organisent, pendant deux ans. Le tout, sous un logo rassembleur qui «symbolise les compartiments cohérents du système Terre». Si cohérent que Planet Earth Institute, deux ans et demi plus tard, se l’appropriera dans un copié collé au millimètre près.

●  Pas encore né, déjà sponsorisé

Planet Earth Instituto Ltd est née à Londres le 29 octobre 2010, le Registrar of Companies for England and Wales fait foi. L’organisme est enregistré au nom de Mauricio Fernandes, l’actuel CEO portugais. Sobrinho, à l’époque, n’apparaît pas encore dans les registres. La banque qu’il dirige à 10 000 km de là, elle, est bien sûr le coup.

Petit hic, le timing : la BESA s’affichait comme le «principal partenaire» de l’institut un an avant sa création. Rien de répréhensible en soi si cela n’avait pas débouché sur un mélange des genres entre la banque et l’institut. La nomination, sur le board de PEI, de la directrice de communication de BESA a ajouté à la confusion (elle a démissionné des deux instances depuis). Une donation de 2 millions de livres sterling en a remis une couche. Le problème, c’est qu’à cette même période l’institution bancaire a «perdu» la trace de Rs 6 milliards d’euros de crédits, ce qui a coûté son poste au CEO Sobrinho. À titre de comparaison, cette somme représente deux fois le budget de l’État mauricien.

●  Philanthrope, surtout avec l’argent des autres

Pour subvenir aux besoins de l’institut qu’il a mis sur pied, le multimillionnaire «philanthrope» – comme Sobrinho aime à se présenter – n’est pas excessivement généreux. Si l’on se fie aux documents du Registrar, en cinq ans (2011-2015), il a mis la main à la poche une fois, peut-être deux. Difficile d’être formel quand les bilans financiers ne le sont pas.

Celui de 2013 ne consigne aucun «grant» du chairman de l’époque (Lord Boateng vient de lui succéder). Sauf que l’année suivante, sous la colonne 2013, apparaît un don de 251 000 livres sterling et des poussières (Rs 11 millions au taux de change actuel) attribué à Sobrinho. Oubli ou ajout ? En 2014, c’est plus clair, le gestionnaire a offert Rs 6 millions à l’institut. Les trois autres années, rien. À titre personnel, s’entend. Car les deux banques qu’il a successivement dirigées se sont montrées particulièrement charitables. Avec une mention spéciale à la BESA qui a aligné Rs 100 millions en deux ans.

 

Sollicités à plusieurs reprises, Alvaro Sobrinho et son responsable de communication n’ont pas donné suite à nos demandes.