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Journée mondiale: Viksha Anthony, une femme trans qui s’assume totalement
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Journée mondiale: Viksha Anthony, une femme trans qui s’assume totalement
Elle en a assez que les transgenres se plaignent de ne pas être reconnues en tant que telles. À l’occasion de la Journée mondiale de la visibilité transgenre, ce vendredi 31 mars, Viksha Anthony, femme trans de 24 ans, se positionne en modèle. Elle nous reçoit dans les locaux de Canal+ContactOverseas, à Ébène, où elle exerce comme experte en back office. Rien dans le physique, ni dans sa voix, ne trahit son genre biologique. Or, elle est née Vanesen, cadet des trois fils Anthony.
Aussi loin qu’elle s’en souvienne, à chaque fois qu’elle regardait son petit corps nu dans le miroir, elle se disait que cet appendice entre ses jambes est une difformité. «Je devais avoir environ deux ans. Je ne voulais pas faire pipi debout comme le font les hommes mais m’asseoir sur la banquette comme les femmes.» À l’époque, Vanesen ne comprend pas son intérêt envers tout ce qui est féminin, comme porter une écharpe ou les vêtements de sa mère. À 11 ans, lorsqu’il pense à son avenir, il est pris d’angoisse. Il grandit en étant introverti et très efféminé. «Je jouais en permanence le rôle de l’hétéro, mais personne ne savait quel drame se jouait à l’intérieur de moi et à quel point j’étais mal et confus.»
Pour tenter d’y voir plus clair, il flirte même avec des filles et est surpris qu’elles soient attirées par lui. «Cela ne collait pas. Je crois que les filles étaient attirées par moi parce que je prenais soin de moi et me parfumais. Mais ce qu’elles attendaient d’un garçon, c’était qu’il prodigue de l’amour, des attentions, qu’il les protège. Je ne pouvais leur offrir cela car c’était justement ce que je recherchais pour moi.»
Comme la famille n’avait pas les moyens de s’acheter d’ordinateur à la maison et ne peut consulter l’Internet pour s’informer, il se dit qu’il est peut-être gay et flirte avec un garçon. Mais ça ne colle pas non plus. «Je ne me sentais pas normal avec lui. Il me traitait comme un homme et pas comme la femme que je suis. Cela a été le moment le plus dur de ma vie car j’étais non seulement déçu mais désemparé. Et les idées les plus noires me traversaient l’esprit.»
«C’était comme une renaissance pour moi…»
À 15 ans, il réfléchit longuement sur ce qui pourrait le rendre heureux. Il se dit que pour se faire respecter et rendre sa famille fière de lui, il doit d’abord exceller dans les études. Et effectivement, il s’y donne à fond. Ses résultats le reflètent. Son père achète un ordinateur et il décide de surfer sur le Net en quête de réponses. Lorsqu’il tombe sur un article sur la transsexualité, il se dit qu’il détient peut-être la solution. «C’était comme une renaissance pour moi. Je découvre qu’il est possible de changer de genre et de devenir une fille. Mais que cela se fait par étapes et que le processus est long.»
Il continue à naviguer en consultant les liens locaux et constate que les transgenres sont quasiment toutes esthéticiennes, fleuristes ou coiffeurs. «Je me suis dit pourquoi se contenter de peu quand on peut aller le plus loin possible. La perfection est alors devenue ma motivation.» Il termine sa Form VI et un mois après l’obtention de ses résultats finaux, il trouve un emploi chez un opérateur de télécommunications. Il n’y fait pas long feu.
Libéré
Tout de suite après, il est recruté par Canal+ContactOverseas où il s’y plaît. Lorsque sa mère décède subitement il y a deux ans, il quitte la maison le jour même et se réfugie chez sa grand-tante qui est d’origine européenne, ouverte d’esprit et qui l’encourage à assumer ce qu’il est. Il loue un appartement et commence à s’habiller en femme et à se maquiller. Il se sent alors totalement libéré.
Pour ceux qui confondent homosexualité et transsexualité, Viksha explique la différence. L’homosexuel, dit-il, est une personne qui accepte son sexe biologique mais qui est attiré par des personnes du même sexe que lui. Il milite pour que ses droits soient respectés et pour qu’il puisse vivre normalement en couple avec la personne de son choix. Le transgenre est une personne qui rejette dès le départ son sexe biologique. «Dès l’enfance, il va se comporter comme le sexe opposé et ce sera très apparent. Il se sent emprisonné dans un corps qui ne cadre pas avec son genre.»
Le combat du transgenre est de faire comprendre qu’il a un problème de genre et qu’au fond, il est une femme ou un homme. «La différence est apparente dès l’enfance dans le cas du transgenre. Pourquoi les parents et la société l’acceptent de l’enfant et pas lorsqu’il a grandi ? Ensuite, suis-je moins une femme parce que je ne peux concevoir d’enfant ? Alors que la femme stérile reste toujours une femme aux yeux de la société. Pourquoi deux poids et deux mesures ?»
Il meuble ses deux mois de deuil et décide de passer par la première étape de sa transformation qui est de consulter un psychologue. L’objectif est de s’assurer qu’il est vraiment un transgenre femme car une fois la métamorphose enclenchée, il n’y a pas de retour en arrière possible. Sa confirmation obtenue, le psychologue le réfère à un endocrinologue pour une deuxième étape très longue qui est celle de la prise d’hormones pour que son corps fasse une transition féminine comme cela se fait à la puberté.
L’étape finale, qui est onéreuse, est la vaginoplastie, l’intervention chirurgicale consistant à lui faire changer de sexe. «Mon objectif est de la réaliser avant mes 30 ans et en Australie suivant les conseils d’une tante qui est dans le milieu hospitalier. En attendant, je dois économiser davantage.» Lorsqu’elle reprend le travail, Viksha est métamorphosée en femme. Elle est surprise car l’acceptation de ses collègues est totale. On lui demande même pourquoi elle ne s’est pas transformée plus tôt. Bientôt son frère la contacte pour l’inviter au réveillon familial. Elle tâte le terrain en disant qu’elle est un transgenre femme et cela ne pose aucun problème ni à ses frères et encore moins à son père. «Je crois que mon père avait fait le deuil de son garçon depuis longtemps. Quand j’étais dans mon ancien corps, nous communiquions peu. Maintenant que je suis moi, nous avons de longues conversations. J’arrive à être la fille que j’ai toujours voulu être avec lui. Et je crois que pour lui, je suis la fille qu’il a toujours voulu avoir, même s’il ne l’exprime pas.»
Au niveau affectif, elle a connu un premier amour avec un garçon qui l’acceptait en tant que fille, mais cela n’a pas marché. «C’était comme une relation d’adolescente avec sa palette de sentiments et ses affres.» Depuis deux ans, elle sort avec un garçon de son âge qui l’accepte totalement. «C’est la consécration. Avec lui, je suis à l’aise à 100 % et je suis plus femme que jamais. J’’ai trouvé l’amour, l’affection, la sécurité, toutes ces choses que recherchent les femmes chez un homme. Digne d’un livre de la collection Arlequin. Oui, j’ai trouvé la perle rare», dit-elle avec fierté.
Elle déclare oublier même qu’elle est une femme trans. Jusqu’à ce que l’hypocrisie de la société la lui rappelle. «Lorsque je vais verser de l’argent à la banque et que le préposé voit ma carte d’identité, il n’y a jamais de problème. Par contre, lorsqu’il me faut tirer des sous, là, c’est une autre histoire. Je dois me justifier.» Pour éviter le regard stupéfait qu’elle a reçu lorsqu’on a appelé son nom d’homme au comptoir du département de l’hôpital et que la préposée a vu une femme débarquer devant elle, elle souscrit à une assurance maladie. «Je n’aurais qu’à aller me faire soigner en clinique la prochaine fois.»
Dans son désir de continuer à se perfectionner, elle suit des cours d’IATA et fait du bénévolat auprès de DIASE, organisation sensibilisant les enfants et les adultes à propos du diabète, et est conseillère indépendante chez P.I.L.S. Aux transgenres qui veulent être acceptées, Viksha leur conseille de ne pas militer dans des groupes spécifiques. «Cela ne fera que les stigmatiser et les enfermer davantage. Il faut militer avec les hétéros pour que le regard de la société change. Ensuite, pour obtenir le respect des autres, la clé de la réussite est d’exceller dans ses études, dans sa vie professionnelle et d’être indépendant financièrement. Ainsi, personne ne peut vous montrer du doigt et vous reprocher quoi que ce soit…»
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