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Que sont-ils devenus ? Nurdeo Luchmun-Roy: «J’ai quitté le monde syndical avec le sentiment du devoir accompli»
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Que sont-ils devenus ? Nurdeo Luchmun-Roy: «J’ai quitté le monde syndical avec le sentiment du devoir accompli»
«Non.» Cet ancien syndicaliste, qui a près de 50 ans d’expérience dans le secteur, ne compte pas retourner dans le monde du travail. Pour lui, il a déjà tout réussi et se sent bien dans sa peau.
Nurdeo Luchmun-Roy, ancien président du Plantation Workers Union (PWU) et du Mauritius Labour Congress (MLC), peut être fier. Après une belle carrière, celui qui a pris sa retraite en 2007 savoure maintenant son quotidien. L’homme de 76 ans consacre son temps à sa famille, aux travaux ménagers et à son potager. Cela, loin des relations industrielles. «Je me sens bien dans ma peau maintenant.» Mais pour arriver à cette conclusion, l’ancien syndicaliste n’a pas chômé.
Son quotidien n’a pas été de tout repos, dit-il. Né le 26 mars 1941, cet ancien fils de surveillant de Poudre-d’Or-Hamlet a, à son actif, près de 50 ans d’expérience dans l’arène syndicale. «J’ai quitté le monde syndical avec le sentiment du devoir accompli. Si aujourd’hui on me demande de recommencer à travailler, je dirai un grand NON.»
Nurdeo Luchmun-Roy n’est pas né avec une cuiller d’argent dans la bouche et a dû mettre fin à sa scolarité très tôt. «J’ai dû arrêter l’école en Standard VI car ma famille n’avait pas les moyens de m’envoyer au collège à Port-Louis.» Un beau jour, son père lui propose du travail, alors qu’il avait 12 ans. «Mon père m’a demandé de prendre une pioche et de le rejoindre dans un champ de canne, à Forbach, pour travailler comme laboureur pour un salaire de Rs 12 par semaine. Il avait informé le propriétaire de l’établissement sucrier que j’étais très jeune.»
Son salaire, il le remettait à sa mère. «Elle ne me remettait que Rs 2 le samedi pour que je puisse m’acheter quelque chose, même s’il n’y avait pas grand-chose à acheter. Et elle avait économisé cet argent. C’est avec ces économies et le salaire de mon père qu’on a pu bâtir un toit en dur après que notre maison en tôle fut ravagée par le cyclone Carol.»
Au travail, Nurdeo Luchmun-Roy rencontre les dirigeants de la Mauritius Amalgamated Association, qui lui proposent de travailler comme typographe dans une imprimerie située à la rue La Corderie, PortLouis. Il s’agissait de produire un journal ayant pour titre Mazdur (Laboureur), qui militait pour le bien-être des travailleurs en général et dénonçait les mauvaises pratiques dans l’industrie sucrière. Il accepte l’offre. Mais cela n’a pas été facile car il fallait faire le va-et-vient entre Poudre-d’Or-Hamlet et Port-Louis tous les jours à bicyclette. Ce qui était long et épuisant.
«Fort heureusement, il y avait l’époque des fontaines publiques où je pouvais boire de l’eau pour apaiser ma soif. Lorsque j’avais faim durant le trajet, je mangeais de la canne à sucre. Je quittais la maison à minuit chaque jour pour me rendre à Port-Louis et je prenais ma bicyclette à 17 heures pour rentrer chez moi. Je n’avais aucune idée de l’heure à laquelle je rentrais chez moi.» Il était très fatigué, sachant qu’il fallait imprimer au quotidien 3 000 copies du journal et placer des mots les uns après les autres. Tout le travail se faisait à la main. «J’avais faim et parfois j’avais mal à l’estomac», relate-t-il, les larmes aux yeux.
Bourse d’études
Ce n’est que lorsque l’imprimerie quitte la rue La Corderie pour s’installer à côté du jardin de la Compagnie que les choses changent pour Nurdeo Luchmun-Roy. Là-bas, raconte-t-il, il commence à côtoyer les dirigeants du MLC, aujourd'hui disparus, qui lui demandent de s’occuper de l’inscription des nouveaux membres et de recueillir les contributions des travailleurs. Il est par la suite nommé Industrial Relations Officer et obtient une bourse d’études à Kampala. À son retour, de nouvelles responsabilités lui sont confiées. Il devient le président du PWU et du MLC après le décès de Chand Bhagirutty.
Il mène alors plusieurs combats pour le bien-être des employés de l’industrie sucrière. «Durant ma lutte syndicale en tant que dirigeant du PWU et du MLC, je me souviens surtout du combat qu’on a mené pour l’introduction de la semaine de 40 heures dans l’industrie sucrière. Plusieurs camarades m’ont aidé dans cette lutte. La cause était juste car on ne pouvait pas s’attendre que les laboureurs continuent à travailler 45 heures pendant l’entrecoupe. C’était absurde. Les laboureurs ont besoin de récupérer après une semaine de dur labeur. Se réveiller à minuit et travailler sept jours d’affilée était inhumain», souligne Nurdeo Luchmun-Roy.
Par ailleurs, il se dit satisfait d’avoir mené un combat inlassable et de façon diplomatique sur la nécessité de réduire l’âge de la retraite anticipée pour les femmes dans l’industrie sucrière. Sa carrière syndicale lui a également permis de visiter plusieurs pays, dont la Suisse, Israël et l’Ouganda, grâce à des bourses ou encore à des invitations pour des formations syndicales internationales. Faisant une réflexion sur la situation actuelle du monde syndical, il avance que les syndicalistes d’aujourd’hui ont plus de moyens de faire entendre leur voix. «Je pense qu’il existe encore dans ce pays des syndicalistes qui militent pour la cause des travailleurs. Le contexte est maintenant différent. Avec la mondialisation, de nombreux défis se pointent à l’horizon sur les plans économique et social. Nos syndicalistes ont pu s’adapter à cette situation et en même temps défendre les intérêts des travailleurs.»
Mais, selon lui, l’érosion du pouvoir d’achat des travailleurs est toujours d’actualité. «Il est bien que les autorités songent à aller de l’avant avec le salaire minimum pour la classe laborieuse, tout en prenant en considération ses effets sur les entreprises.» L’introduction de la retraite anticipée sera bénéfique aux laboureurs et aux artisans de l’industrie. «Ils savent qu’ils n’ont pas travaillé pour rien durant toute leur vie. Avoir une compensation et un lopin de terre en guise de remerciement pour leur contribution à l’industrie sucrière est salutaire car ce sont leurs enfants qui vont bénéficier du fruit de leurs efforts.» Par la même occasion, Nurdeo Luchmun-Roy se félicite des retombées de son combat syndical pour la mise sur pied du Sugar Investment Trust.
En ce qui concerne l’introduction d’un salaire minimal national, l’ancien président du MLC souligne qu’«il faudrait accorder aux travailleurs qui sont au bas de l’échelle un salaire qui va leur permettre de subvenir aux besoins de leurs familles en termes d’éducation, de nourriture et d’achat de vêtements.»
Son parcours
<p>1965 : Bourse – International Confederation of Free Trade Union</p>
<p>1987 : Décoré MSK</p>
<p>1993 : Président du Mauritius Labour Congress</p>
<p>1995 : Président du Trade Union Trust Fund</p>
<p>2005 : Président du Plantation Workers Union</p>
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