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Mathieu Ravina: amener les producteurs rodriguais au bio
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Mathieu Ravina: amener les producteurs rodriguais au bio
C’est accompagné de sa fiancée, Rose de Lima Edouard, commissaire des Arts, de la Culture, de la Jeunesse et des Sports à Rodrigues, que cet homme de 38 ans, qui travaille comme Scientific Officer (Animal Husbandry) dans son île natale, s’est rendu à la cérémonie de remise de diplômes, mardi. Paraissant au départ très réservé, il finit par se livrer par petites touches.
S’il a été aux premières loges de la gestion de l’épidémie de fièvre aphteuse, à Rodrigues, il préfère ne pas se mouiller, se contentant d’une déclaration diplomatique. «Je connais bien le dossier. On dit souvent que le monde devient un village global. On doit alors s’attendre à d’autres maladies de ce type. Nous devons essayer d’identifier nos limites par rapport à la fièvre aphteuse et faire nos faiblesses devenir des forces.» Nous n’en saurons pas davantage.
Ce n’est pas pour rien qu’il s’est intéressé à l’agriculture et à l’élevage. Bien que son père était fonctionnaire aux Bois et Forêts et que sa mère, entrepreneure, tient un petit commerce à Champs à Rodrigues, cette dernière nourrit une dizaine de boeufs et une quinzaine de cochons. Sans compter que les Ravina cultivent du maïs, des haricots rouges et d’autres légumes sur un demi arpent de terre qu’ils louent à bail dans la région de Dans Bébé. Et lors des vacances scolaires, ses deux soeurs et lui sont régulièrement mis à contribution pour ensemencer la parcelle, faire de l’arrosage et désherber. Ils nourrissent aussi les bovins, nettoient le parc à cochons et prennent soin des porcelets. «J’aimais beaucoup ça», raconte-t-il. Des activités rentables qui permettent à la famille de joindre les deux bouts et aux enfants de ne manquer de rien.
C’est au collège Le Chou qu’il entame ses études secondaires mais comme il aime les matières scientifiques, il doit changer d’école. Il obtient son transfert à Maréchal School. Cette école ne disposant pas à l’époque de classes de Form VI, à la fin de sa Form V où il sort premier en sciences, il se fait admettre au Rodrigues College où il sent le poids de la compétition. Il opte pour la chimie, la biologie et le français et les mathématiques. Il termine sa FormVI en 1997.
Mathieu Ravina voulant avoir une expérience du travail, il prend de l’emploi en tant qu’Agricultural Assistant aux services agricoles. Son rôle est d’aller recueillir des données sur le terrain auprès de 600 agriculteurs et éleveurs de la section St.-Gabriel, de les sonder et de faire remonter leurs préoccupations aux techniciens. C’est en exerçant son travail qu’il se rend compte à quel point de nombreuses familles dépendent de l’agriculture. Un emploi quilui permet aussi de faire des économies et d’envisager des études supérieures à Maurice, un fardeau financier qu’il refuse de faire peser sur les épaules de ses parents.
En parallèle à cet emploi, il prend avantage d’un cours offert par son employeur, qui débouche sur un Certificate in Agriculture. Ayant entendu dire que l’avenir de Rodrigues passe non seulement par l’agriculture mais aussi le tourisme, Mathieu Ravina prend un congé sans solde et décide d’en savoir plus sur le tourisme. C’est ainsi qu’il se fait admettre en 2003 à l’université de Maurice où il entame un Bachelor of Arts in Tourism and Hospitality Management. Sauf que le cours ne correspond pas à ses attentes. Il tient une semaine et repart pour Rodrigues où il retrouve son emploi.
L’avenir
Mais il revient à Maurice l’année suivante avec cette fois une admission en BSc en agriculture avec spécialisation en organic farming. Si au départ, il vit chez un cousin, il habite par la suite en colocation avec des Africains. Son stage de fin d’études se déroule à Médine. Il y est agréablement surpris par la rapidité des décisions prises et par le management à l’horizontal alors que dans le secteur public, c’est la gestion à la verticale et beaucoup de bureaucratie. Sa dissertation porte sur le potentiel de la production porcine biologique à Rodrigues. Il estime que c’est possible. «Il faut trouver et valoriser les ressources que nous avons à Rodrigues. Les éleveurs rodriguais dépendent trop des aliments concentrés qui sont interdits dans la production organique et l’élevage bio. Il faut que les éleveurs et autres producteurs fassent comme dans le passé et plantent des patates, du manioc et des herbes pour nourrir leurs cochons. L’élevage bio se fait en cycle fermé, c’est-à-dire que les éleveurs cultivent les plantes organiquement et nourrissent leurs porcs avec. Cela se pratiquait autrefois à Rodrigues. Mais c’est en baisse», précise Mathieu Ravina.
Il sort major de sa promotion et à son retour à Rodrigues, il est promu Technical Assistant et envoyé à la station de production de semences à Baie-aux-Huîtres. Il n’y reste pas longtemps car après avoir répondu à un appel à candidatures pour remplir le poste de Scientific Officer (Animal Husbandry), sa candidature est retenue. Il gère deux stations de production, l’une à St-Gabriel, où il est surtout question d’élevage bovin et l’autre à Ilot-Crabes, où l’on se concentre sur l’élevage de moutons.
Voulant se perfectionner, il décide en 2009 d’entamer un doctorat portant sur l’utilisation optimale des ressources fourragères pour une production animale de qualité. Sa directrice de recherches n’est autre que Françoise Driver, ancienne doyenne de la faculté d’agriculture à l’UoM et actuelle directrice générale de l’université des Mascareignes. Mathieu Ravina retrouve Maurice pour plancher sur son doctorat.
Son postulat : bien que dans les pays en voie de développement, les producteurs dépendent beaucoup des aliments concentrés, l’accent doit être mis sur la production et l’utilisation judicieux des ressources fourragères. L’utilisation optimale des fourrages comprend aussi le stockage pour être utilisé en période déficitaire. «De ce fait, l’éleveur aura beaucoup plus de contrôle sur les ressources de base et sera moins tributaire des aléas climatiques. Une amélioration en rendement et de la qualité des fourrages réduira non seulement notre dépendance aux aliments concentrés mais aussi augmentera la productivité et profitabilité des fermes», estime-t-il.
Il est très heureux d’avoir réussi son doctorat. Mais même là, nous sommes dans la retenue. «C’est la récompense du travail assidu», se contente-t-il de dire. Il confie être reconnaissant envers ceux qui l’ont aidé pendant son parcours. Comme il aime battre le fer quand il est chaud, il est reparti pour Rodrigues mercredi et a repris son poste de Scientific Officer. Comme à ses yeux, un diplôme n’est pas une fin en soi, il suit un cours pour l’obtention d’une maîtrise en leadership. Mathieu Ravina regarde l’avenir avec encore plus de confiance et de détermination et compte saisir les opportunités que se présenteront dans le futur.
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