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Comment la drogue atterrit en prison

16 avril 2017, 13:03

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Comment la drogue atterrit en prison

Les détenus Peroomal Veeren, Vishnu Dusorath et Gilbert Louise sont en attente d’un verdict pour possession de Subutex en 2009 alors qu’ils se trouvaient déjà en prison. Ce n’est pas la première fois que la drogue est saisie en milieu carcéral. Les produits prohibés arrivent jusqu’aux prisonniers de diverses façons.

Tout est bien planifié. C’est ainsi qu’on pourrait résumer la situation actuelle concernant la présence de drogue en prison. Un fléau qui s’étendrait de plus de plus. L’administration pénitentiaire serait même «dépassée» par ce phénomène, souligne un haut gradé de la prison sous le couvert de l’anonymat. Selon lui, l’avènement des nombreuses drogues synthétiques ne ferait qu’aggraver la situation malgré la volonté de l’administration et des officiers de contrôler les points névralgiques par lesquels entrent les substances illicites. Mais comment la drogue arrive-t-elle en prison ?

Il n’est un secret pour personne que les gardes-chiourmes sont souvent dénoncés en premier lorsqu’il s’agit d’introduire de la drogue en prison. «Ils touchent jusqu’à Rs 20 000 pour introduire des produits prohibés comprenant la drogue, les portables, les chargeurs ou encore les écouteurs en milieu carcéral», explique une source. Celle-ci précise que plusieurs gardes-chiourmes ont déjà été arrêtés pour ces délits dans le passé.

Pas plus tard que le 9 mars, le Leading Prison Officer Satish Poye, 53 ans et habitant Mon-Goût, a été appréhendé dans l’enceinte du Block B à la prison centrale de Beau-Bassin. Lors d’une fouille, ses supérieurs ont recueilli sur lui de l’héroïne, du gandia, du cannabis synthétique et quatre sim cards. Il fait l’objet d’une charge provisoire de trafic de drogue. «D’autres gardes-chiourmes sont sous surveillance. Certains devront bientôt rendre des comptes concernant des richesses inexpliquées devant la commission d’enquête sur la drogue», souligne notre interlocuteur.

Des policiers sont également mis en cause s’agissant de l’introduction de la drogue en prison. «Sertin ferm lizie kan dimoun koste ek blackmaria (NdlR : véhicule transportant les prisonniers) kan bann deteni al lakour», explique un ancien détenu. Il décrit le manège: «Lerla ou trouv bann gard la vir ledo. Bann madam la donn manze, savat ou soulie zot mari. Ena anbrase tou. Lerla mem trasman la deroule. Souvan ou trouv bann deteni la osi al twalet. Zot fer sa kan ena portab ou charger pu pran. Zot kasiet sa dan zot la gorz, zot la bouss ou zot parti intim. Bann gard prizon vey sa bien kan deteni sorti lakour me prizonie osi ena zot bann trik pu kas kontour.»

L’une des astuces privilégiées par les détenus pour faire entrer des colis prohibés en prison consisterait à les faire déposer dans des bennes à ordures. «Nous devons toujours être sur nos gardes. Tous les véhicules utilitaires sont passés au crible à chaque fois car tous les moyens sont bons pour introduire de la drogue en prison. On ne compte plus les fois où les compagnes ou les épouses des détenus ont déposé des colis dans les poubelles lorsqu’elles sont venues pour les visites. Ceux-ci sont ensuite récupérés par les prisonniers en question», précise un garde-chiourme.

Il affirme que des détenus sont passés maîtres dans l’art d’introduire de la drogue en milieu carcéral. Certains utilisent une autre technique. Ils récupèrent des colis que leurs proches lancent par-dessus l’enceinte de l’établissement pénitentiaire avec la complicité des gardes-chiourmes. «Ena plis ki 1 000 gard prizon. Ladan ena plis ki 100 Prison Security Squad. Trafik la drog deroul dan lakour ou dan twalet. Kouma nou trouv kitsoz nou debous lor zot ek intersepte zot», souligne notre interlocuteur.

Selon lui, le nouveau commissaire des prisons a pris une série de mesures à ce sujet. Toujours est-il qu’il reste beaucoup à faire. Pour cause, les services pénitentiaires soupçonnent également des avocats véreux d’avoir comploté avec des détenus pour faire entrer de la drogue, des portables et autres accessoires en prison.

Les trafiquants, eux, récompenseraient généreusement ceux qui bossent pour eux. «Ils fournissent aux détenus à leur service en cartes téléphoniques et en créditant de l’argent, par le biais d’un mandat poste, sur leur compte à la prison. L’argent est alors utilisé pour financer les achats à la boutique de la prison en sus de la somme que leur donnent leurs proches respectifs. Les gardes-chiourmes ripoux touchent, eux, de l’argent à chaque fin de mois.  L’ICAC doit enquêter pour savoir qui sont ceux qui ne touchent pas à leurs salaires mais ont des revenus suspects», argue notre source. 

Plusieurs d’entre eux sont déjà dans le collimateur de l’administration de la prison. «Nous avons transféré certains pour stopper les différentes combines. Mais cela n’empêche pas d’autres d’être tentés par l’argent facile. Les trafiquants sont très puissants. Ce combat n’est toutefois pas perdu car d’autres gardes-chiourmes sont déterminés à casser les reins aux trafiquants», précise un haut gradé. Le combat contre la drogue en milieu carcéral continue donc de plus belle.

Une publication du 5-plus dimanche.