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L’incroyable histoire de «nani bal»

16 avril 2017, 16:00

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L’incroyable histoire de «nani bal»

Elle est connue, reconnue comme la «nani sarié bal». Pliée en deux, la démarche chancelante, elle se faufile entre les voitures, sur l’autoroute, emprunte les passerelles, à la hauteur de Shoprite, à Trianon. Mettant en danger sa vie et celle des automobilistes. Une photo d’elle, postée cette semaine sur Facebook, n’a pas manqué d’interpeller les internautes. Et de susciter la polémique. Qui est donc cette vieille dame ?

Facebook. C’est là que tout a commencé. Une photo, émouvante, révoltante. Elle montre un jeune homme et une vieille dame. Entre les mains de l’un, une imprimante bonne à jeter. Sur le dos de l’autre, l’éternel «bal». L’image a mis le feu au réseau social.

Pourtant, ce n’était pas la première fois que Shaneel Dookharam, 31 ans, voyait la vieille dame. Mais la cinquième. «Elle m’a toujours intrigué. Je la voyais avec son sac sur le dos, je croyais qu’elle élevait des animaux et qu’elle allait chercher de l’herbe.» Mais ce jour-là, la vieille imprimante qu’elle transportait l’a forcé à arrêter sa voiture. «Il fallait que je sache.» Il a alors fait la connaissance de nani bal. «Il était clair qu’elle souffrait de problèmes psychologiques.» Shaneel a alors proposé à la vieille dame de la raccompagner. Elle a refusé. Il a insisté. Elle l’a conduit jusqu’à sa maison.

Surprise de taille. Celle qu’il prenait pour une éleveuse de bétail, voire une SDF, habite les beaux quartiers, à Sodnac. «Enn so tifi inn sorti inn dir mwa pa kass latet, mo pa konn so zistwar. Monn sap lor kal. L’émotion a pris le dessus.»

Vendredi matin. Dans les rues de Sodnac. Une supérette. La photo de nani bal fait sourire la gérante. «Oui, je la connais mais je ne vous dirai pas où elle habite. Si mo montré ou so lakaz ou pou gagn pa krwar. So latet pa bon.» Elle ajoute : «So bann fami pé gagn boukou problem dépi inn posté sa photo-la lor Facebook. Enn dimounn sorti l’Algérie tou inn vinn ménass zot.»

Une autre voisine, moins méfiante, nous indique le chemin de la maison de nani bal. Celle-ci n’a rien à envier à celles que l’on voit dans les séries indiennes diffusées à 18 h 30 sur la MBC. Difficile de croire que c’est là que réside la vieille dame en haillons…

Pourtant, elle est là. Les cheveux blancs en bataille, un blouson troué sur les épaules, des savates de couleurs différentes aux pieds, un large sourire édenté sur le visage.

Son nom ? «Pokhun», dit-elle sans hésitation. Son âge ? 80 ans. Pourquoi se balade-t-elle sur l’autoroute? Pourquoi met-elle sa vie en péril, ainsi que celle des automobilistes, par la même occasion ? En est-elle consciente ? «Mo al ramass salté ek fler Soprite. Mo travay sa. Kot to resté ? Mo garson lamem.»

Le fils en question nous priera d’appeler sa soeur plus tard. Nani bal, elle, a la pêche. Dans son sac, des feuilles. Et un pot de peinture, si l’on en croit ses dires. «Mo ti pé anvi repenn sa laport-la mé lapintir inn tombé…» Sur ses mains toutes frêles, des taches de peinture pas très fraîche.

La vieille dame a du mal à rester cohérente, entre des éclairs de lucidité. Elle se répète, marmonne, rit, fait savoir qu’elle doit partir. «Mo pou al travay la.» Elle semble avoir une passion pour les fleurs. «Mo al rod boutir kot lasser, Soprite laba.» Elle promet d’être prudente. Elle sourit encore.

Vendredi soir. Au bout du fil, la belle-fille de Madame Pokhun. «Dépi mo marié, inn gagn 20 an, mo konn li koumsa. Dimounn avan zizé bizin konn zistwar. Nou finn bon essay anpess li al marsé, li pa ékouté. Li sot gate tou parfwa !» Nani bal suivait un traitement à Brown-Séquard, apprend-on. «Mé linn arété.»

Son époux est toujours en vie. Des enfants, Madame Pokhun en avait quatre. Un de ses fils est décédé. «Dan so lakaz li pa mank nanyé. Li éna manzé, linz nef oussi mé li pa rod mété. Vwazin, fami, tou finn essay koz ar li mé li pa ékouté, so latet fatigé.»

Une version corroborée par le petit-fils de nani bal, dans une vidéo réalisée par Shaneel Dookharam, qui a rencontré celui-ci. «Mo gran mama sa, mo kontan li. Nou gagn so traka kan li al marsé, mem si li rétourné 1 er di matin, nou attann li. Mé li pa oulé arété. Finn éna enn evenman trazik dan so lavi, lerla so latet inn koumans fatigé.»

Selon le petit-fils, nani bal irait même jusqu’à faire les poubelles et ramasser de la nourriture périmée. Mais aussi des bouchons, des capsules, des saletés qu’elle trouve en cours de route «pour les ramener à la maison».

De l’aide médicale, la famille a bien essayé de lui en procurer, selon lui. «Si on la place dans une maison de retraite, bann tretman la pou fer li vinn enn légim.» Un garde-malade ? Il y a déjà quelqu’un à la maison. Et puis, apparemment, Madame Pokhun mènerait la vie dure à ceux qui essaieraient de lui dicter son emploi du temps… «Tou dimounn bien kontan li. Ena enn poupou sorti lwin vinn tenn so sévé tou. Mé li kapav lévé ek so koloran tou li dir li bizin alé.»

En attendant, elle sillonne les rues, à pied. De Côte-d’Or à Ébène, en passant par Trianon. Le dos recourbé, bal entre les mains et sourire aux lèvres. Parfois.

 

Ce qu’en dit la Sécurité sociale

<p><em>&laquo;Si elle a eu une famille, nous n&rsquo;intervenons pas.&raquo;</em> C&rsquo;est ce qu&rsquo;a déclaré un préposé au niveau de la Sécurité sociale. <em>&laquo;Sauf en cas de maltraitance.&raquo; </em>Une enquête est alors initiée et des actions appropriées prises, ajoute-t-il. Qu&rsquo;en est-il du fait qu&rsquo;elle se mette en danger ?<em> &laquo;S&rsquo;il s&rsquo;agit de SDF, là, nous cherchons un shelter pour les héberger, surtout s&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;une personne âgée.&raquo;</em></p>