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Notation Standard & Poor’s: les malheurs de l’Afrique du Sud font-ils l’affaire de Maurice ?

18 avril 2017, 15:00

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Notation Standard & Poor’s: les malheurs de l’Afrique du Sud font-ils l’affaire de Maurice ?

La crise économique dans laquelle l’Afrique du Sud s’enfonce chaque jour représente-t-elle une menace ou, au contraire, une opportunité pour Maurice ? La question se pose au vu de la proximité géographique de ce géant économique et de son statut de partenaire commercial d’envergure. Les opérateurs économiques et autres spécialistes de cette région s’interrogent, surtout après l’abaissement de la note de la dette de l’Afrique du Sud par l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P), le 3 avril.

Cette note en catégorie spéculative est passée de «BBB» à «BB +», une démarche motivée par le limogeage du ministre des Finances Pravin Gordhan par le gouvernement de Jacob Zuma. Conséquence directe de cette décision : le rand a perdu près de 2 % face au dollar.

«Cette dégradation reflète notre conviction que les divisions au sein du gouvernement, qui ont débouché sur des changements de l’équipe dirigeante, y compris du ministre des Finances, créent un risque en ce qui concerne la continuité politique», écrit S&P dans un communiqué.

La nouvelle note accordée par l’agence est assortie d’une perspective «négative», S&P jugeant que le risque politique devrait rester élevé cette année et que «des changements politiques sont probables, qui pourraient porter atteinte à la situation budgétaire et à la croissance plus fortement que ce que nous prévoyons actuellement».

Dans la foulée, Moody’s a placé la note de l’Afrique du Sud sous surveillance, justifiant elle aussi sa décision par les changements au sein du gouvernement. La note de Moody’s – «Baa2 » – se situe deux crans au-dessus de la catégorie spéculative.

Ahmed Parkar, (CEO) de Star Knitwear Ltd, fait aussi partie de ceux qui suivent de près «la situation économique de ce pays ainsi que sa surveillance par les agences de notation». Pour l’heure, dit-il, «nous n’avons pas encore subi l’effet de cette crise sur nos exportations de textile même si je concède que le marché sud-africain reste fragile». Celui-ci écoule 30 % de ses exportations de prêt-àporter en Afrique du Sud.

Cours du rand

L’entreprise, qui a ouvert en 2015 son capital à un groupe engagé dans le textile sud-africain, exporte 1 million de pièces par mois sur le marché international. Le patron de cette entreprise ne compte pas doper davantage les exportations en raison de l’absence de visibilité économique à court et moyen termes dans ce pays. Et cela, alors que la principale devise de ce pays emprunte une tendance baissière par rapport à la roupie depuis plusieurs mois.

Justement, qu’en est-il du taux de change actuel du rand, qui pourrait être une source de satisfaction ? Pas tant que cela, expliquent toutefois certains, à l’instar d’Innodis Ltd, société importatrice et distributrice qui s’approvisionne presque à 80 % en produits alimentaires de ce pays. «Le rand a dégringolé ces derniers mois. Nous n’avons pas répercuté cette baisse sur les consommateurs étant donné que nous avons, durant la même période, dû payer davantage pour nous procurer nos produits, les prix de nos matières premières ayant augmenté à la source en raison de l’appréciation du dollar», indique le General Manager, Sonny Wong. Celui-ci dit suivre le cours du rand pour décider s’il y a lieu de réajuster à la baisse les prix de vente des produits sud-africains.

Si, à en croire les opérateurs, les relations commerciales ne sont pas menacées entre les deux pays, il reste que certains observateurs s’interrogent sur des opportunités susceptibles d’être exploitées face à l’instabilité politique et économique de l’Afrique du Sud.

En effet, avec une croissance estimée à 1,2 % en 2017, un taux de chômage élevé – 25 % de la population active –, un service de la dette qui coûte à ce pays 9,83 milliards d’euros pour l’année fiscale 2016-2017 et des effets négatifs de la mauvaise gouvernance du président Zuma, cette puissance économique parvient difficilement aujourd’hui à rassurer les investisseurs étrangers.

Faut-il pour autant tirer une croix sur l’Afrique du Sud comme géant économique du continent ? Absolument pas, soutient Gerald Lincoln, Managing Partner du cabinet d’audit Ernst & Young, qui maintient que ce pays saura se ressaisir malgré ses revers, afin de retrouver son rôle de leader économique dans cette partie du monde.

«Ce pays reste une puissance difficilement détrônable par d’autres États africains. Tôt ou tard, avant les prochaines élections, il redeviendra une force économique, d’autant plus qu’il possède d’énormes ressources minérales et un des meilleurs centres financiers mondiaux abritant les quartiers généraux de grandes multinationales», ajoute-t-il.

En revanche, Gerald Lincoln estime que Maurice peut pour l’heure tirer profit de la situation. Une analyse que partage Afsar Ebrahim, Deputy Group Managing Partner de BDO. «Nous pourrons tirer avantage de la situation si nous adoptons une approche plus conviviale face à l’ouverture de l’économie. L’Afrique du Sud demeure néanmoins une grosse pointure et il y aura toujours des opportunités pour y investir. Les problèmes politiques peuvent également créer des opportunités pour les investisseurs avisés.»

D’ailleurs, son cabinet d’audit a fusionné ses services avec ceux d’Afrique du Sud pour constituer une force de frappe sur le continent noir. Un Special Purpose Vehicule a été lancé pour piloter cet exercice. «Ce partenariat vise à renforcer nos actions sur le continent en proposant nos services à l’ensemble des pays de cette région. Nous allons vendre Maurice auprès d’investisseurs étrangers et sudafricains en nous appuyant notamment sur les nouvelles mesures fiscales destinées aux grosses sociétés souhaitant délocaliser une partie de leurs opérations à Maurice», suggère le n°2 de BDO Maurice.

L’ambition est claire : amener Maurice à une nouvelle étape de développement en profitant de l’instabilité de l’Afrique sud. Qui dit mieux ?