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Quatre-Soeurs: deux Frères, un désaccord
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Quatre-Soeurs: deux Frères, un désaccord

L’annonce de leur relogement à Camp-Ithier a été diversement accueillie par les onze familles de Quatre-Sœurs victimes de glissements de terrain. Au sein de la famille Jhoomah, notamment, le désaccord est total…
Ça discute ferme chez les Jhoomah. Entre Nirmal et Uptien, pas de compromis possible. Alors que le premier a hâte de quitter sa maison, à Quatre-Soeurs, son frère, lui, ne veut pas en entendre parler. Désaccord qui résulte de la décision, entérinée par le Conseil des ministres, vendredi, de reloger à Camp-Ithier, les onze familles victimes de glissements de terrain à Quatre-Soeurs.
En attendant que leurs maisons ne soient construites, ces onze familles auront une allocation pour en louer une. Si cette nouvelle met fin à une longue attente pour certains, d’autres sont beaucoup plus réticents à quitter leur domicile (voir plus loin).
Les Jhoomah habitent au pied de la montagne, à Quatre-Soeurs, entre la nature sauvage et la mer. Cette famille est convaincue d’habiter le plus beau coin du pays. Cependant, Anita et Nirmal Jhoomah ont hâte de quitter les lieux. Nous sommes en 2011. C’est en cette année que ces onze familles ont été victimes du premier glissement de terrain. «Ti éna gro lapli. La terre sur la montagne a bougé, ce qui a causé des fissures dans notre maison. Tout un pan du mur a été emporté. Ce moment a été horrible», se remémore Anita Jhoomah. Son époux, qui est né et a grandi à Quatre-Soeurs, affirme que c’était la première fois qu’ils rencontraient de tels problèmes dans ce village.
Après cet événement, le gouvernement a fait venir des géologues de Chine et du Japon pour tenter de trouver une solution. Rien à faire ; cette partie de Quatre-Soeurs reste dangereuse. Certes, les maisons des habitants ont été réparées, mais à chaque grosse averse, des fissures apparaissent, les murs s’affaissent un peu plus. Et ces familles ont, à chaque fois, un peu plus peur.
En 2014, le gouvernement leur a proposé d’aller habiter à Camp-Ithier. Puis, plus rien jusqu’à vendredi dernier. Anita et Nirmal attendent maintenant la lettre qui leur confirmera la proposition de location temporaire.
Alors que nous parlons au couple débarque Uptien Jhoomah, le frère aîné de Nirmal. Muni de sa serpe, il est en route pour aller cueillir des lalo dans son petit champ. En entendant l’enthousiasme dans la voix de son frère et de sa belle-soeur, il tient à exprimer son désaccord. «Bé kifer pa donn nou kas pou ranz lakaz kouma nou anvi?» lance-t-il.
Uptien Jhoomah indique qu’il habite avec ses deux fils et sa belle-fille. Comme son frère, il est né dans le village. Mais lui ne compte pas déménager. «Nou fami inn né isi. Nou’nn viv isi. Mes enfants se sont mariés ici. Pourquoi ils ne nous relogent pas dans le village ?» Cet endroit est, pour lui, rempli de souvenirs. Il est catégorique : si le relogement ne se fait pas à Quatre-Sœurs ou dans les environs, pas question pour lui de déménager.
De plus, il estime que la maison qui leur est proposée sera trop petite pour tout ce monde, «nou pou enn lor lot» (voir plus loin). D’insister : «C’est à la sueur de mon front que j’ai pu construire ma maison, puis l’agrandir au fur et à mesure pour que tout le monde ait sa place. Zot bizin konsider nou zéfor avan dir nou alé», fustige cet ancien laboureur.
Son frère et sa belle-soeur ont beau lui expliquer que la vie sera pareille ailleurs, mais rien à faire. Du coup, ils craignent que la réticence des uns fasse capoter leur rêve de relogement.
Cinq familles font de la résistance
<p>Au début, les onze familles étaient d’accord sur le fait que la taille de la maison proposée était trop petite, en l’occurrence 93 mètres carrés. <em>«Nous avons expliqué aux préposés du ministère que mon mari et moi vivions de la pêche et de nos plantations. Ils ont accepté de nous donner un terrain plus grand pour la culture»</em>, avance Anita Jhoomah. Ainsi, après plusieurs semaines de négociations et d’explications, la taille de la maison est passée à 130 mètres carrés.</p>
<p>Comme c’est le cas pour Uptien, le fils et la belle-fille d’Anita et de Nirmal Jhoomah habitent avec eux. Mais Anita est pragmatique ; son fils pourra construire son espace à l’étage, le moment venu. L’important, dans l’immédiat, est d’être dans une maison qui ne risque pas de s’effondrer à chaque fois qu’il pleut.</p>
<p>Les souvenirs se conservent dans le coeur et changer de localité ne changera en rien son attachement pour Quatre-Soeurs, souligne-t-elle. <em>«Bé non. Vo mié res dan nou lakaz ki al dan landrwa pa koné dan enn ti lakaz»,</em> objecte Uptien Jhoomah.</p>
<p>Comme Uptien, cinq familles refusent catégoriquement de bouger pour les mêmes raisons. Elles préfèrent braver le danger d’un nouveau glissement de terrain que d’aller vers l’inconnu. Les six autres n’attendent que le feu vert des autorités pour mettre les voiles vers Camp-Ithier.</p>
Une publication du quotidien BonZour!
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