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Focus: Comment devient-on propriétaire de chevaux ?
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Focus: Comment devient-on propriétaire de chevaux ?
L’arrestation de Navind Kistnah relance les débats sur les courses de chevaux comme moyen efficace pour blanchir de l’argent. Incursion dans ce monde très sélect.
Au fil des années, le nombre des propriétaires de chevaux augmente. Si, au niveau de la police, on soupçonne que certains sont des prête-noms, il a été difficile jusqu’ici de le prouver. Pour mieux comprendre comment on devient propriétaire d’un cheval, nous avons interrogé deux propriétaires, un entraîneur et le Mauritius Turf Club (MTC), l’organisme qui régule les courses hippiques à Maurice.
Suivant le refus du président du MTC, Mukesh Balgobin, de répondre à nos questions, nous nous sommes tournés vers Shan Ip Ting Wah, responsable de communication et d’événementiel au MTC.
Il avance que depuis quelque temps, le MTC a pris différentes mesures afin d’avoir un meilleur contrôle sur les membres du club et les propriétaires des chevaux. Chaque entraîneur, avant de conclure un accord avec un aspirant propriétaire, doit obtenir l’aval du club. «En principe, le premier tri revient aux entraîneurs qui doivent prendre leurs responsabilités en choisissant bien les membres qu’ils veulent admettre au sein de leurs écuries, mais il faut ensuite obtenir l’aval du MTC.» Et depuis peu, pour encore plus de contrôle, le MTC exige un certificat de moralité avant d’accepter un membre.
Shan Ip Ting Wah soutient également que depuis le début de l’année, les propriétaires honoraires ne sont plus acceptés par l’organisme s’ils ne remplissent pas les conditions imposées. Parmi celles-ci, une demande doit obligatoirement être sponsorisée par un membre fondateur ou membre à vie. Seuls ces derniers ont le droit de voter pour la constitution du comité administratif du club.
À ce jour, le MTC compte 1 033 membres, dont les membres fondateurs, les associés, les non-résidents et non actifs. «Pour devenir un simple membre, il faut parfois attendre jusqu’à cinq ou six ans», explique Shan Ip Ting Wah.
Des procédures qui ont évolué au fil du temps
<p>À quelques exceptions près, il n’existait pas de vrais propriétaires de chevaux au Champ-de-Mars jusqu’en 1986. Jusque-là, la responsabilité d’importer des chevaux incombait au MTC, et ce, à ses frais. La MTC les allouait ensuite aux différentes écuries au terme d’un tirage au sort. Les meilleurs chevaux allaient à ceux qui avaient les premiers choix.</p>
<p>Le MTC a importé son dernier lot de chevaux en 1986 et, depuis cette date, l’importation des chevaux, que ce soit de l’Afrique du Sud ou de l’Australie, est assurée par les écuries elles-mêmes. «Jusqu’en 1986, il n’y avait que des propriétaires honoraires ou presque et ce n’est qu’après, vu les coûts élevés d’importation, que les écuries ont commencé à recruter des personnes pouvant les aider à investir dans l’achat de chevaux», explique-t-on à la rue Shakespeare.</p>
<p>Dépendant de la méthode de fonctionnement des écuries, la façon d’opérer sur le marché sud-africain – celui de l’Australie étant peu prisé en raison des coûts – diffère d’un établissement à un autre. Chez l’écurie Gujadhur, par exemple, qui est une institution familiale, l’accès est «interdit» aux étrangers et tous les frais d’opération sont encourus par les dirigeants eux-mêmes, de génération en génération.</p>
<p>Ailleurs, c’est différent. «<em>Ici, 95 % de nos chevaux sont le choix de l’écurie. Ce n’est qu’après l’arrivée des nouvelles unités que des parts sont vendues aux intéressés</em>», déclare un entraîneur qui fait, chaque année, le saut en Afrique du Sud pour y dénicher de nouveaux talents.</p>
<p> Une fois qu’une part du cheval est vendue, le nom du propriétaire est enregistré et soumis au MTC, car c’est à travers le club que les frais d’entretien sont payés à la fin de chaque mois. Pour l’entretien d’un cheval, il faut compter mensuellement entre Rs 30 000 et Rs 35 000.</p>
<p>Mais il existe encore des propriétaires – certes pas nombreux – qui aiment choisir personnellement leurs chevaux grâce à des contacts privilégiés en Afrique du Sud. Eux, ils importent les chevaux, s’acquittent des frais d’importation au MTC avant de les placer sous la responsabilité de leurs entraîneurs respectifs. Un propriétaire de chevaux, aussi puissant qu’il puisse être financièrement, ne devient pas de facto membre du MTC.</p>
<p>Depuis quelque temps, une nouvelle formule a été trouvée par les entraîneurs pour alléger le fardeau financier de ceux qui investissent dans l’achat de chevaux en créant, dans leurs écuries, des syndics de propriétaires, comme cela se fait à l’étranger.</p>
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<p><strong>Didier Descroizilles : <em>«Il faut exercer un filtrage plus serré»</em></strong></p>
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<p> Didier Descroizilles est propriétaire de chevaux depuis 1985. Après plusieurs autres écuries, il est actuellement membre chez l’écurie Maingard et il a des parts dans quatre chevaux : Bandido Caballelo, Vigilante, Dark Force et le grand Parachute Man, vainqueur de la dernière Maiden Cup. Selon lui, il faut passer au crible l’identité de tous ceux qui veulent devenir propriétaires d’un cheval à la manière du KYC (Know Your Customer) que les institutions financières exercent auprès de leurs clients. «<em>Il faut exercer un filtrage plus serré.»</em></p>
<p> Les chevaux qui sont à Maurice ont coûté entre Rs 40 000 et Rs 3 millions<em>. «Ce qui donne un vaste choix au propriétaire ou aspirant propriétaire</em>», soutient Didier Descroizilles. Le fret de l’Afrique du Sud coûte à peu près Rs 250 000 par cheval, alors que les frais d’entretien se situent entre Rs 15 000 et Rs 30 000 par mois, variant d’une écurie à l’autre. Didier Descrozilles estime qu’être propriétaire ne veut pas dire retour sur investissement. «<em>Le coût d’acquisition et de la maintenance d’un cheval est le prix à payer pour son hobby, sa passion. Donc, il n’y a aucun facteur de coût. Comme pour la pêche, la chasse ou tout autre hobby, il ne s’agit absolument pas de chercher à récupérer l’argent, encore moins à travers les paris. Je sais cependant que tous les propriétaires de chevaux ne pensent pas comme moi.»</em></p>
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<p><strong>Vikram Hurdoyal<em> «dégoûté par la tournure des évènements» </em></strong></p>
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<p>Homme d’affaires, travailleur social et politicien, Vikram Hurdoyal est également dans le giron hippique. Cet habitant de Trou-d’Eau-Douce raconte que, tout petit, quand il accompagnait ses parents au Champ-de-Mars, il était fasciné non seulement par les chevaux, mais également par ceux qui portaient des vestes et des cravates. «<em>Ma vision était alors de posséder un cheval, porter de beaux habits et descendre sur la piste pour ramener un vainqueur. J’ai pu réaliser ce rêve.</em>» À la suite de sa rencontre avec Shekar Ramdin, un entraîneur de chevaux, en 2006, il fait l’acquisition d’un cheval nommé Frondeur. Il y a investi Rs 500 000. Mais, aujourd’hui, même s’il a ramené plusieurs vainqueurs, Vikram Hurdoyal est dégoûté. «<em>Il y a trop de choses qui se passent au niveau des courses, surtout des tricheries. Je suis découragé. Aujourd’hui, je suis propriétaire d’un seul cheval chez l’écurie Shirish Narang. Ce n’est que pour l’honneur de la famille que je reste propriétaire.» </em>Vikram Hurdoyal estime qu’il faut être très vigilant quand on recrute un propriétaire de chevaux, car cela peut causer du tort aux courses. Les propriétaires de chevaux restent un des maillons les plus importants de la chaîne hippique. Sans eux, la piste resterait fermée les samedis !</p>
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<p><strong>Patrick Merven (entraîneur) : «Nul n’est à l’abri d’une mauvaise surprise !»</strong></p>
<p>Patrick Merven qui exerce comme entraîneur au Champ-de-Mars depuis des années soutient que personne n’est à l’abri d’une mauvaise surprise, quoique toutes les précautions soient prises pour admettre un propriétaire de cheval au sein de son écurie. «<em>Si quelqu’un au sein de mon écurie ou un ami me recommande un individu qui veut acheter une part d’un cheval, je ne pourrais pas tout connaître sur cet éventuel propriétaire. Nous n’avons pas les moyens de tout vérifier sur cette personne.»</em></p>
<p>Son écurie compte une trentaine de propriétaires et selon Patrick Merven, il n’a pas eu de problèmes sérieux avec qui que ce soit. «<em>Peut-être qu’il y a eu quelques petits problèmes comme un chèque sans provision, mais ce ne sont pas des affaires qui sont liées à la justice.»</em></p>
<p>Comment devenir propriétaire de cheval ? «<em>Tout dépend des moyens d’investissement du propriétaire. S’il a Rs 1 million, il peut acheter quatre parts de Rs 250 000 sur quatre chevaux. Un cheval peut avoir jusqu’à huit propriétaires, mais généralement ils sont en moyenne quatre personnes qui ont des parts sur un même cheval chez moi</em>.» Pour les soins d’un cheval, il faut compter Rs 23 000 chaque mois. Donc s’il y a quatre propriétaires pour un cheval, cette somme est partagée entre eux. Cette somme est destinée à la nourriture et aux frais du vétérinaire.</p>
<p>Patrick Merven fait ressortir que ceux qui pensent faire partie de son écurie pour obtenir de l’argent rapidement doivent déchanter. «<em>On n’est pas un</em> betting stable. <em>Le propriétaire est libre de miser sur son cheval ou sur celui qu’il pense avoir les meilleures chances. C’est à ses risques. En moyenne, il faut compter une victoire et trois placés pour un cheval sur une saison. À chaque fois que son cheval remporte une victoire ou se place, le propriétaire obtient une partie de</em> ‘stakes money’<em>. Le montant du</em> ‘stakes money’ <em>est discuté entre le propriétaire et l’entraîneur bien avant.»</em></p>
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