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Béa Johnson, conférencière et auteure du best-seller «Zero Waste Home»: «Acheter, c’est voter»

14 mai 2017, 14:55

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Béa Johnson, conférencière et auteure du best-seller «Zero Waste Home»: «Acheter, c’est voter»

La prêtresse mondiale du «Zero Waste» a passé une journée dans l’île pour partager son expérience : vivre en couple et avec deux enfants sans générer de déchets. Une façon, pour cette Franco-Américaine installée en Californie, de «se simplifier la vie». Utopiste ? Peut-être. Avant-gardiste, sûrement.

Un Mauricien produit grosso modo 400 kilos de déchets par an, et vous ?

Moi toute seule, je ne sais pas. Ma famille, c’est-à-dire mon mari, nos deux garçons et moi, on produit deux cents grammes de déchets par an, parfois moins. Ça tient dans ce petit bocal (elle le sort de son sac à main), ce sont nos déchets «ultimes», ceux qui ne sont pas réutilisables, recyclables ou compostables.

Il raconte quoi, ce bocal ?

Une prise de conscience : moins on apporte de choses chez nous, plus on fait de la place à ce qui est important. Dans mon cas, ma famille et mes amis. Le plus bel avantage du mode zéro déchet n’est pas de les éliminer, c’est la découverte d’une vie plus riche. Beaucoup de gens s’imaginent que cette façon de vivre est contraignante, incompatible avec des vies professionnelles, et coûte plus cher. C’est tout le contraire ! Mon mari et moi travaillons à temps plein et nous faisons 40 % d’économies sur notre budget total. Par définition, la simplicité volontaire n’est pas là pour vous compliquer la vie, elle est là pour simplifier.

En quoi ?

C’est une vie basée sur l’être et non l’avoir, sur les expériences et non les biens matériels. Mes déchets, je ne m’en préoccupe pas toute la journée, je n’ai pas le temps. Le mois dernier, j’ai donné dix conférences dans dix pays, c’est hyper-intense.

Le tout en talon aiguille et jupe en cuir…

(Ironique) C’est fou, hein : le zéro déchet n’est pas un truc de poilus qui vivent dans la jungle. Je ne suis pas une hippie, je n’ai pas de poils sous les bras (rire).

Cette «vie simplifiée» a commencé comment ?

Lors d’un déménagement, en 2008. Nous habitions dans une banlieue excentrée de San Francisco, on voulait se rapprocher du centre-ville pour pouvoir faire des choses à pied. Mais nous avons d’abord loué un appartement alors que nous vivions dans une grande maison. On a donc laissé beaucoup de nos affaires au garde-meuble. Quand on est allés les chercher, on s’est rendu compte que 80 % de nos biens matériels ne nous avaient pas manqué. Ça a provoqué un gros déclic, le point de départ d’une nouvelle vie.

C’est-à-dire ?

On a commencé à se désencombrer, à donner ce dont on ne servait pas. On a adopté une façon minimaliste de consommer, puis on s’est attaqué aux déchets, mêmes les plus petits. Tout part du shopping : en préférant les vêtements d’occasion, en achetant uniquement ses aliments en vrac, on fait disparaître les emballages. À l’inverse, en achetant des choses inutiles, on crée la demande d’en produire d’autres.

Vous dites que le recyclage doit être le dernier recours…

Oui, parce qu’à part le verre rien n’est recyclable à l’infini. L’objectif du zéro déchet n’est pas de recycler plus mais de faire barrage au superflu qui envahit nos maisons.

Ce mode de vie pâtit encore d’une image rétrograde…

De moins en moins. Maintenant que le mouvement prend de l’ampleur, les gens réalisent que l’on vit tout à fait normalement. Pas besoin de se compliquer la vie, la plupart du temps ce sont des gestes basiques que nos grands-parents faisaient, mais qui se sont perdus. Quand j’interviens dans une école en racontant que j’utilise un mouchoir en tissu, tous les élèves me regardent avec des yeux écarquillés : « Vous faites quoi de votre mouchoir quand il est sale, vous le compostez ?» Bah non, je le lave et je le réutilise. Nos sociétés d’hyperconsommation nous ont fait oublier des choses simples.

Le «Zero Waste» passe-t-il par le «Do It Yourself» ?

Non. Quand je me suis lancée j’ai testé plein de trucs, aujourd’hui les seules choses que je fabrique sont mes cosmétiques et mes produits d’entretien.

À Maurice, le consumérisme est très ancré…

Vous croyez qu’il ne l’est pas en Californie ? J’habite dans la ville championne du monde des déchets ! Ici vous avez des bazars ; c’est du vrac. Vos petits stands de fruits et légumes en bordure de route ; c’est du vrac. Comme je le dis dans mon livre, si vous ne trouvez pas de vrac près de chez vous, créez-en ! Toutes les semaines, je reçois des mails du monde entier de personnes qui lancent leur magasin. En Europe, même les grandes chaînes de supermarchés s’y mettent. Une véritable économie se crée autour du vrac.

Si vous aviez trois minutes pour convaincre un Mauricien d’adopter ce mode de vie, que lui diriez-vous ?

Qu’il n’y a que des avantages. Ils sont écologiques mais aussi financiers. Le packaging, en moyenne, c’est 15 % du prix du produit. Pour la lessive, ça grimpe à 70 %. Quand vous n’achetez qu’en vrac, forcément, vous faites baisser la facture. Le plus difficile est d’apprendre à dire non. Non aux emballages ou aux courriers publicitaires. Lorsque vous commencez à dire non, tout un tas de choses n’entrent plus chez vous.

Acheter, c’est un peu comme voter ?

Acheter, c’est voter (elle appuie). Le consommateur a le choix entre des pratiques qui sont soit durables, soit destructrices. Lorsqu’on achète un emballage, c’est une façon de dire : je rêve d’un avenir rempli d’emballages pour mes enfants, je rêve de plus de pétrole, de pollution, de dérèglement climatique.

A la fin de votre conférence, un monsieur a commenté à voix basse : «Faire comme elle, c’est tuer l’économie». Que lui répondez-vous ?

L’argent que j’économise en packaging, je le dépense ailleurs, donc ça ne tient pas. Je ne veux tuer personne, au contraire, j’encourage le passage d’une économie du jetable à une économie du durable. Parce qu’acheter du jetable, c’est littéralement jeter son argent par les fenêtres.

Sinon, votre vie sexuelle va mieux ?

(Rire) Aïe, vous avez lu ça…

Racontez…

Quand j’étais à fond dans le fait maison, je fabriquais mon propre shampooing avec du vinaigre de cidre. Au lit, je puais la vinaigrette et ma vie sexuelle s’en est ressentie (rire). Mais soyez rassuré, j’ai réussi à la sauver en remplaçant le vinaigre par du savon.

C’est votre mari qu’il faut rassurer…

En ce moment il est ravi, on teste des préservatifs réutilisables.

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Pour en savoir plus : son blog,  www.zerowastehome.com et la page Facebook Zero Waste Mauritius.