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Anil Gayan: «La méritocratie n’est pas applicable partout»
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Anil Gayan: «La méritocratie n’est pas applicable partout»
On commence par les sujets qui fâchent ?
(Glacial) Posez vos questions.
L’épouse du député Ravi Rutnah a-t-elle bénéficié de passe-droits lorsque vous étiez ministre de la Santé ?
De quoi parlez-vous ?
Je vous demande si cette dame était éligible au «Treatment Overseas Scheme» pour des soins à l’étranger ?
Sa santé ne vous regarde en rien.
Ce n’est pas une réponse, ça…
Ma réponse, c’est que j’ai toujours fait respecter les règles et les normes, dans tous les ministères que j’ai dirigés.
Donc, vous démentez ?
Ça ne s’est pas joué au niveau du ministère de la Santé.
Ça s’est joué où ?
(Silence)
Envoyez-vous la patate chaude au ministère de la Sécurité sociale ?
Ça ne s’est pas joué au niveau de mon ministère, point.
Vous est-il arrivé de regretter certaines décisions depuis les dernières élections ?
Non. Je ne prends jamais de décisions importantes sur un coup de tête. Tout ce que je fais est réfléchi et je consulte beaucoup.
Vous êtes probablement le ministre le plus critiqué, comment l’expliquez-vous ?
La critique des médias ne me gêne pas, à condition qu’elle soit honnête. Bien souvent elle ne l’est pas, c’est ce qui me dérange. Je suis attaqué en permanence, et injustement. Je suis tellement habitué à lire des palabres me concernant que lorsqu’il n’y en a pas je me sens malade…
Des palabres ?
Oui, des palabres, des faussetés, des faits déformés.
Cette obsession à placer vos proches, ce sont des palabres ?
(Il fixe un petit autel qui fait face à son bureau) Je vous le dis devant ces divinités : je n’étais même pas au courant que mon fils Amrit avait postulé à la State Bank (NdlR, il y occupe le poste de Head of Strategic Innovations). Mon gendre, Kevin Ramkaloan, a été recruté comme directeur de la Mauritius Tourism Promotion Authority alors que j’étais ministre de la Santé. Mademoiselle Sumputh, brillante avocate, a mis de côté son cabinet pour venir, à ma requête, diriger le Cardiac Centre. Elle y a fait un excellent travail qui a permis des économies importantes. If you want to hang a dog, give him a bad name. Je déteste la diabolisation.
Vous oubliez votre épouse et tout dernièrement votre cousin…
Mon épouse a été virée par le Dr Ramgoolam, injustement. Quant à Raj Bhujohory (NdlR, le nouveau chairman de la MTPA), il connaît le tourisme, l’hôtellerie et l’aviation. C’est le profil que nous recherchions, ils sont peu à l’avoir.
C’est si difficile de trouver des personnes de qualité en dehors de votre entourage ?
Ce n’est pas ce que j’ai dit. M. Arnaud Martin aurait été maintenu à son poste s’il n’avait pas choisi de démissionner. Il est parti, il fallait bien le remplacer.
À combien de personnes avez-vous proposé le poste avant de choisir votre cousin ?
J’ai contacté des gens, à chaque fois j’ai eu la même réponse : «Je n’ai pas le temps.»
Dans l’opposition, vous jugiez scandaleux qu’un ministre nomme ses proches…
Placer une vendeuse de cotomili à un poste important, là oui, ça me pose problème. Nommer un professionnel aguerri, c’est totalement différent.
L’autre casserole qui vous colle aux basques, c’est la remise en question du traitement à la méthadone pour les toxicomanes. Là aussi, aucun regret ?
Aucun. Contrairement à ce qu’on a voulu faire croire, je n’ai pas stoppé le programme de méthadone, j’ai dirigé les nouveaux patients vers le Suboxone, un autre traitement substitutif. Les 5 000 «anciens» toxicomanes sous méthadone continuent de l’être, il n’a jamais été question d’arrêter. Cette décision, je l’assume pleinement. Malgré une certaine efficacité, la méthadone présente un inconvénient majeur : elle contribue à entretenir la dépendance. Je ne voulais pas d’une béquille à vie, ce n’est pas ma vision du sevrage.
M. Husnoo fait-il fausse route, selon vous ?
Je crois surtout qu’il essaie de se démarquer. Sauf que moi, j’avais une ligne claire : rigueur, discipline, en particulier dans les hôpitaux. On ne voyait pas de photos de patients agonisant sur un sommier.
Une photo choc et la presse retrouve grâce à vos yeux ?
Ce qui me choque, c’est la façon dont Mademoiselle Sumputh a été traitée, M. Husnoo m’a bien déçu… Ce problème aurait pu être réglé différemment, il suffisait qu’il me passe un coup de fil mais il n’a pas jugé bon de m'en parler.
Vous fréquentez pourtant le même parti…
D’où ma déception.
Que lui avez-vous fait pour qu’il agisse ainsi ?
Moi ? Rien ! On se connaît peu, depuis la campagne de 2014, d’ailleurs il est arrivé tard (on coupe).
Est-il exact que M. Husnoo a frappé à la porte du Muvman Liberater après s’être fait refouler au MSM ?
C’est ce qu’on m’a dit, mais je ne sais pas, je peux juste vous confirmer qu’il nous a rejoints en fin de campagne, et que nous ne sommes pas de vieux amis. J’ai cru comprendre qu’il veut placer l’un de ses conseillers au Cardiac Centre, si c’est vrai chacun tirera ses conclusions (sourire complice).
Quelles sont les vôtres ?
Je les garde pour moi.
Passons au Tourisme, ministère que vous dirigez depuis quatre mois. Si vous deviez faire un rapide état des lieux ?
Il y a quelques petits problèmes mais globalement, l’activité touristique se porte bien. Ce qui me préoccupe, c’est la baisse de fréquentation que nous subissons en basse saison. Décembre, 150 000 touristes ; juin, 70 000 seulement, je veux combler ce fossé. Pour cela, il faut explorer tous les marchés potentiels. Et ne négliger aucun atout. Le climat en est un : quand l’Inde et les pays arabes suffoquent de chaleur, c’est l’hiver mauricien. Donnons-leur envie de venir goûter l’air frais plutôt que la clim’.
Le Budget arrive, où investir en priorité ?
Dans de nouveaux produits. Oublions un peu les hôtels cinq-étoiles et réfléchissons à ce que recherche la génération Millenials : vivre une expérience différente. Exemple, le «glamping», le camping glamour. Vous êtes en forêt ou dans une chasse, sous une jolie tente, dans une roulotte ou une cabane en bois, vous jouez les Robinson de luxe…
Boostons le tourisme en envoyant de jeunes émiratis au bord de l’insolement sous une tente à Chamarel ? M. Gayan, vous avez besoin de vacances…
(Sourire) On ne peut plus se contenter de proposer du cinq-étoiles. Il faut élargir l’offre avec d’autres produits plus en phase avec les nouveaux modes de consommation du voyage. De plus en plus de touristes coupent leur séjour en deux : une partie dans un resort de luxe, l’autre dans un lieu totalement différent.
Dans vos récentes prises de parole, vous avez laissé entendre que la destination a besoin de plus de sièges d’avion. Dans quelles proportions ?
Ça va de pair avec l’offre hôtelière : si vous augmentez le nombre de chambres, les places en avion doivent suivre. Dans les deux ans, nous aurons deux nouveaux hôtels. Et l’objectif est d’atteindre 1,5 million de touristes à la fin du mandat. Nous sommes à 1,2 million aujourd’hui, il nous faut 100 000 sièges supplémentaires par an. L’autre priorité, c’est d’encourager les touristes à mieux connaître les Mauriciens et à découvrir notre territoire. Aller vers un tourisme de destination, pas seulement un tourisme d’hôtel.
L’offre «all-inclusive» a-t-elle tué la découverte ?
La formule all-inclusive nous a beaucoup aidés mais elle a peut-être fait son temps, à nous de l’adapter. Elle concerne quasiment un séjour sur deux, la ramener à 20 % dans les cinq prochaines années me semble raisonnable.
En octobre, Air Mauritius ira à Amsterdam, puis desservira à nouveau Genève. Est-ce bien raisonnable ?
C’est une bonne chose. Pour grandir, Air Mauritius doit prendre des risques.
Jugez-vous la compagnie frileuse ?
Je peux comprendre certaines hésitations, une société cotée en Bourse doit être prudente. Pour schématiser, vous avez deux écoles de pensée : ceux pour qui l’offre crée la demande, qui ouvrent des lignes pour générer du trafic, et ceux qui font l’inverse, qui mettent des avions quand la demande est là. Le premier modèle est celui d’Emirates, le second celui d’Air Mauritius. Je crois qu’il faut trouver le bon équilibre entre les deux.
Emirates est un géant du secteur, la comparaison avec Air Mauritius a-t-elle un sens ?
J’aimerais qu’Air Mauritius devienne comme Emirates (on tique), allez, comme Singapore Airlines si vous préférez. C’est la compagnie d’un petit territoire mais son rayonnement est comparable à celui des grands.
Que manque-t-il à Air Mauritius pour rayonner plus loin ?
L’ambition de jouer dans la cour des grands.
En parlant d’ambition, qu’est-ce qui peut-nous laisser penser que vous obtiendrez de meilleurs résultats que Xavier-Luc Duval ?
Une chose : c’est moi qui ai fait supprimer les visas pour les touristes chinois et indiens, en 2005. Si je ne l’avais pas fait, les arrivées touristiques seraient à la peine.
En off, certains proches de Pravind Jugnauth estiment que le ML n’est plus un partenaire indispensable, qu’il est devenu pesant, voire gênant. Votre avis ?
Je ne ressens pas ça du tout, au contraire, l’importance du parti s’est accrue après le départ du PMSD.
Juste après, peut-être, mais le MSM a vite bouché les trous…
Oui, c’est la politique. Des soucis, il n’y en a, pas seulement au ML. Regardez les travaillistes : Shakeel Mohamed a reçu un coup de matraque pour avoir challengé son leader. Arvin Boolell, lui, avait eu droit à des tapeurs chez lui. Pourquoi focaliser sur le ML ? Depuis les élections, ça n’arrête pas, c’est du lynchage, et je ne dis pas ça seulement pour votre journal.
Vous avez raison, il doit y avoir un complot médiatique…
Je dis juste que nous n’avons pas un fair deal de la presse. On nous attaque injustement. Et quand on veut faire passer des messages, ils ne passent pas, ou alors de façon biaisée.
Croyez-vous que ce soit le rôle des médias de «passer les messages» des politiques ?
C’est le rôle des médias d’agir en professionnels de l’information, pas en agitateurs politiques.
Maintenant qu’on se connaît mieux, peut-on se parler franchement ?
Allez-y…
Si M. Ramgoolam ou M. Bérenger avait nommé à des postes importants son épouse, son fils, son gendre, son cousin, etc., etc., vous en auriez pensé quoi ?
Si ce sont des personnes compétentes, ça ne me pose aucun problème. Les gens oublient une chose : ce gouvernement n’a jamais dit que la méritocratie doit s’appliquer en toutes circonstances. Pour les postes relevant de la Public Service Commission et de la Local Service Commission, la méritocratie doit primer ; pour les postes éjectables c’est différent. Si le gouvernement saute, le Chairman de la MTPA saute avec.
Vous assumez le fait de piétiner la méritocratie ?
J’assume de recruter des personnes compétentes en qui j’ai confiance. Il n’y a rien d’illégal à cette pratique, même si je ne peux pas empêcher les suspicions et les procès d’intention.
Pensez-vous avoir réussi à lever quelques suspicions ?
Chez les personnes de bonne foi, oui. Les autres…
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