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Canden Poinen: la recette du succès

21 mai 2017, 21:00

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Canden Poinen: la recette du succès

Le destin de Canden Poinen, orphelin de père, n’ayant qu’un SC en poche, aurait sans doute pris une autre tournure il y a 28 ans si ses efforts en tant que helper au restaurant du Méridien Paradis et son potentiel n’avaient été remarqués par ses supérieurs. Manager du restaurant principal du  Dinarobin depuis 2012, il distille son savoir aux jeunes…

Vingt-huit ans dans l’hôtellerie et une passion toujours intacte pour un métier qui peut pourtant être usant. La vie de Canden Poinen, 47 ans, aurait assurément suivi un autre cours si ce natif de Rivièredes- Anguilles n’avait perdu son père alors qu’il n’avait que dix ans. La disparition du seul gagne pain de la famille, qui était employé sur la sucrerie de St-Aubin, entraîne des changements irréversibles pour la cellule familiale. 

Sa mère, qui ne travaillait pas jusque-là, doit prendre le relais et se fait embaucher comme laboureur sur la sucrerie d’Union- Ducray. La famille ne peut plus s’acquitter du loyer et doit déménager. La tante maternelle de Canden Poinen les invite à construire une chambre et une petite cuisine en bois et tôle dans sa cour. «Nous vivions à quatre dans cette unique pièce. Nous avions des toilettes asiatiques. Maman préparait les repas dans la petite cuisine. Nous vivions très simplement, nous contentant de ce que maman mettait sur la table», raconte-t-il. 

Ces chamboulements lui font prendre conscience qu’il n’a pas droit à l’erreur, qu’il doit absolument réussir. Il étudie d’arrache- pied et se classe 1111e au Certificate of Primary Education. Un bon résultat qui lui ouvre les portes de Souillac State Secondary School. Leur mère ne pouvant soutenir le poids de deux scolarités, celle de sa soeur aînée, qui est en Form III, est sacrifiée au profit de la sienne. Bien vite, il montre des aptitudes pour l’économie et la comptabilité. Il réussit son School Certificate avec un joli Grade I mais ne peut s’inscrire en Form VI, faute de moyens. 

«Il a cru en moi» 

Par conséquent, il doit trouver un travail coûte que coûte. Canden Poinen se fait embaucher dans une usine de polissage de diamants qu’il déserte après quelques mois car «ce n’était pas mon truc». Il est ensuite embauché comme assistant storekeeper dans une usine textile à Chemin-Grenier. Malheureux, il claque la porte au bout de quelques mois. 

En lisant le journal, il Remarque que l’école hôtelière recrute des stagiaires et leur propose de suivre une formation en vue d’obtenir un Certificat d’aptitude professionnelle en hôtellerie. Persuadé qu’il s’agit d’un secteur d’avenir, il postule et sa candidature est retenue. Au terme de la formation, il  est recruté comme Trainee Restaurant Helper à l’hôtel Méridien Paradis, aujourd’hui connu comme Beachcomber Paradis. Trainee Restaurant Helper signifie qu’il nettoie le restaurant, fait la plonge, prête main-forte là où il est sollicité au restaurant. Cela signifie aussi qu’il n’est pas payé tant qu’il n’est pas confirmé. Canden Poinen accepte car il sait qu’il n’ira pas loin avec son seul certificat et travaille de 7 à 16 heures et parfois de 7 heures à minuit. 

Il s’applique tant que le Head Waiter, Richard Calou, le remarque, le conseille et devient son mentor. «Il a cru en moi et a parlé de moi au chef du restaurant, Serge Marie. Au bout de six mois, j’ai été confirmé comme serveur.» Son salaire est de Rs 1 200 et comme il a réussi son CAP, il a droit à Rs 100 d’augmentation. Avec ce premier salaire, il se fait plaisir et s’achète une petite chaîne hi-fi. «Cela a été ma seule folie car le salaire des mois suivants et des cinq années consécutives ont été économisés. J’ai vécu sur les pourboires», explique-til. Et comme il aime les gens et tisse des liens avec ses collègues ou la clientèle touristique, il assimile les choses encore plus rapidement. 

En 1991, le Restaurant Manager l’encourage à postuler pour remplir le poste vacant de Head Waiter. Il hésite, se croyant trop jeune pour l’obtenir. Or, il se classe premier à l’interview et décroche l’emploi. Il a alors 21 ans. À partir de là, Canden Poinen continue à gravir les échelons. Ses initiatives et son sens du leadership lui font marquer des points. 

En 2001 lorsque le Dinarobin ouvre ses portes, il postule pour prendre le poste d’Assistant Restaurant Manager. Et l’obtient. Avec le Restaurant Manager d’alors, Kervyn Rayeroux ils gèrent un établissement de 300 couverts et de 36 employés. 

Huit ans après, on le nomme Manager du restaurant italien Il Gusto. Il est passionné par l’opérationnel mais aussi par l’administration. En 2011 et à sa demande, il est envoyé à Naples et effectue un stage d’un mois à la Taverna Estia, restaurant étoilé au guide Michelin. C’est pour lui un temps béni consacré à la découverte de fabriques de pâtes alimentaires, à la visite de fromageries et de vignobles. À son retour, il introduit notamment le boeuf napolitain au menu.

«L’humain au centre»

En 2012, une autre promotion l’attend : on le nomme manager du restaurant principal du Dinarobin, L’Harmonie. Là, il jongle avec des gros volumes en termes de commandes mais aussi d’effectifs. Deux ans plus tard, il obtient le poste de Room Service Manager et si les volumes rapetissent, le service est plus personnalisé, c’est-àdire qu’il doit prévoir les soirées spéciales en villa, les mariages, les tours éducatifs, les soirées de gala, les grands événements. 

Depuis la fin 2016, il a retrouvé le fauteuil de Manager du restaurant L’Harmonie avec des conditions d’emploi encore plus attrayantes. Mais aussi de plus longues heures de travail, soit une moyenne de 65 heures par semaine. Il arrive parfois que Paméla, son épouse  depuis 20 ans et leurs enfants, Selvana, 16 ans et Steven, 4 ans, se plaignent de ses absences. Il fait son maximum pour leur consacrer du temps et privilégie surtout le «quality time»

S’il est satisfait de son parcours, il ne se projette pas dans le futur, même s’il sait qu’il pourrait aspirer à devenir Assistant Food and Beverage Manager et pourquoi pas, Food and Beverage Manager. «Vous savez, je ne me suis jamais demandé jusqu’où je pourrais aller. L’important pour moi a toujours été d’être bon dans ce que je fais.» 

Il a côtoyé des célébrités du monde artistique, du cinéma, de la politique et même des hôteliers européens qui ont tenté de le débaucher en lui faisant des offres très alléchantes. Mais Canden Poinen est attaché au groupe Beachcomber. «Le groupe Beachcomber investit beaucoup dans la formation et l’encadrement de son personnel. La direction veut remettre l’humain au centre des opérations et redynamiser certaines valeurs. C’est difficile pour moi de quitter le groupe, même si on me propose plus d’argent ailleurs car ici, je travaille en famille. Je suis attaché à ma famille hôtelière et à ma famille de sang.» 

Certified Trainer pour les deux hôtels, le Paradis et le Dinarobin après avoir suivi une formation de deux ans en relation clientèle et en base de restaurant auprès de la société de consultants suédois Stall Partners, c’est avec plaisir qu’il a accepté d’être un des 82 parrains et marraines impliqués dans le Projet Employabilité Jeunes de la Fondation Espoir et Développement. «Être parrain, c’est ma façon de lutter contre l’exclusion, la pauvreté car les enfants du PEJ viennent de milieux défavorisés, de familles brises ou sont en échec scolaire. C’est ma façon d’être reconnaissant envers le groupe pour ce qu’il a fait pour moi qui ai aussi connu la pauvreté. Ensuite, il est de mon devoir social de transmettre mes connaissances à ces jeunes.»

PEJ : plus de 2 000 jeunes formés aux métiers de l’hôtellerie
De 2001 à ce jour, la FED, à travers son PEJ, a formé en métiers de l’hôtellerie et encadré plus de 2000 jeunes déscolarisés ou issus de milieu défavorisés. Depuis l’an dernier, la FED a mis en place un système de parrains et de marraines pour un apprentissage collant davantage aux réalités de l’industrie et pour faciliter l’insertion de ces jeunes dans les huit hôtels du groupe. Canden Poinen fait partie des 82 parrains et marraines qui dispensent la formation et supervisent l’apprentissage pratique. Cette année, ils sont 315 jeunes à avoir intégré le PEJ, soit le double des inscriptions habituelles.