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Fin de la grève de la faim: les mémoires du soldat Gérard

22 mai 2017, 23:37

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Fin de la grève de la faim: les mémoires du soldat Gérard

Il a la satisfaction du devoir accompli. Son aventure au jardin de la Compagnie, Julien Burty Gérard en gardera des souvenirs. Bons et moins bons. Cette grève de la faim de 13 jours, aux côtés d’autres victimes du plan super cash back gold, aura changé sa vie.

C’est avec soulagement qu’ils ont mis fin à leur grève, samedi. Eux, ce sont les victimes du Super Cash Back Gold (SCBG) et de la Bramer Asset Management. Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, leur a demandé un mois pour trouver une solution à leur problème. Les ex-grévistes disent lui faire confiance. Reste que ces 13 jours sans manger les ont marqués à jamais.

Samedi soir, après la veillée, Julien Burty Gérard a retrouvé la douceur du foyer familial et des êtres qui lui sont chers. «Tous les jours, ma famille venait me voir au jardin. Mais depuis que je suis rentré, c’est différent. Je pense que c’est cette intimité qui me manquait.»

Ses chiens – il en a neuf – ont été les premiers à l’accueillir. «Ils m’ont sauté dessus, tout excités», dit-il avec le sourire. Julien Burty Gérard a ensuite enlacé ses deux enfants et sa femme, en leur disant : «Le soldat est de retour à la maison.» Puis, direction la salle de bains. «Je voulais vraiment me nettoyer. Au jardin, on a eu juste de l’eau pour faire une toilette rapide le matin.»

Des hallucinations

Son passage au jardin de la Compagnie, il ne l’oubliera pas. «Déjà, les toilettes se fermaient à 16 heures tous les jours. On a dû faire venir des toilettes mobiles.» Le manque de nourriture aussi s’est fait ressentir. «Les deux premiers jours, cela allait.» Après, petit à petit, les choses se corsent. Jusqu’à finir par avoir des «hallucinations». Du moins, c’est ce qu’affirme Julien Burty Gérard.

«J’ai vu passer devant moi un pain maison avec du beurre et du fromage !» dit-il dans un éclat de rire. Mais les grévistes sont solidaires. «On essaie de ne pas aborder le sujet de la nourriture entre nous.» Reste que c’est dur de voir des passants manger. «Cela donne un coup au moral.» Et puis vient un moment où le corps «commence à s’habituer. J’avais même oublié ce que c’était de manger…».

Par moments, Julien Burty Gérard avait l’impression d’être un zombie. «On ne pouvait rester allongé à longueur de journée. Toutefois, dès que l’on se levait, on vacillait.» Ce n’est pas tout. La nuit, impossible de dormir. «Il y avait des rats partout. Et ils étaient énormes.» Le jardin de la Compagnie étant réputé pour ses filles de joie, nos grévistes en ont vu défiler. «Elles se bagarraient souvent. On a même appris un nouveau lexique. Beaucoup de gros mots», ricane Julien Burty Gérard.

«Aller jusqu’au bout»

Pourtant, au départ, ce père de famille ne pensait pas figurer parmi les grévistes. Il voulait simplement les aider du mieux qu’il le pouvait. «Le lundi 8 mai, de 10 heures à une heure, voire deux heures, je suis resté à leurs côtés.»

Mais Julien Burty Gérard a des remords. Et une semaine après, lorsque Salim Muthy lance un appel pour que d’autres personnes se joignent au mouvement, il n’hésite pas. «Quand je l’ai annoncé à ma femme, elle m’a dit d’y aller car elle savait que j’étais déterminé.»

Cet habitant de Riche-Terre soutient qu’une fois sur le matelas, à côté de ses compagnons de fortune, il s’est senti soulagé. «J’ai ressenti une joie en moi et j’étais enfin en paix avec ma conscience. Je m’étais mentalement préparé à aller jusqu’au bout.»

Pendant ces quelques jours, il s’est fait des amis. «Des millionnaires aussi bien que des gens moins aisés. Allongés sur le matelas, on était tous pareils. Des soldats avec un esprit d’équipe. On combattait tous avec le même objectif. On était devenu une famille...»

«Beaucoup ont trouvé une excuse pour ne pas se joindre à nous»

Si la solidarité des grévistes l’a marqué, l’égoïsme des certains autres détenteurs du SCBG et de la BAM laisse à Julien Burty Gérard un goût amer. «C’est fou comme beaucoup trouvaient une excuse pour ne pas être sur le matelas avec nous. Eux aussi ont perdu des sous dans cette histoire. C’était un peu frustrant de voir qu’ils ne se donnaient pas la peine de venir nous rejoindre.»

Jean Eric Jankee : «on s’est découvert»

Le vendredi 19 mai restera à tout jamais gravé dans sa mémoire. Ce jour-là, Jean Eric Jankee est transporté du jardin de la Compagnie à l’hôpital Dr. A. G. Jeetoo, à même son matelas de fortune…

S’il n’a pu «tenir jusqu’au bout», Jean Eric Jankee dit s’être découvert un caractère de «survivant». «Je ne pensais pas que j’aurais pu me priver de nourriture. J’ai réussi à repousser mes limites.»

Mais tout cela n’aurait pas été possible sans leur mentor, Salim Muthy. «Il a su trouver les mots juste pour nous motiver. Il a su nous mettre en confiance. C’est vraiment une personne digne de confiance. On a vécu en solidarité. Au final, on s’est trouvé une nouvelle famille.» Ce qui est sûr, c’est qu’il ne sera plus jamais le même.

Le plus dur a été de vivre loin de sa famille, de son épouse Anushka et de Sean, leur fils âgé de trois ans. «Il est venu me voir au jardin de la Compagnie tous les jours avec sa maman. J’espère qu’il ne gardera pas de séquelles de cette aventure.» Et quid de l’hygiène ? «Les toilettes fermaient à 16 heures. On a vécu sans salle de bains, dans la poussière. Et ce n’est pas facile de dormir sur un petit matelas. Tout cela joue sur le moral…»