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Révélations sur les cendres de l’Amicale

30 juin 2013, 20:00

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Révélations sur les cendres de l’Amicale

Quatorze ans après l’incendie meurtrier du casino, un groupe d’avocats dénonce l’amateurisme des enquêteurs et tient l’Escadron de la mort pour responsable du drame.

La police a-t-elle bien mené son enquête sur les événements du 23 mars 1999 à l’Amicale de Port-Louis suite au match de football entre la Fire Brigade et le Scouts Club ? Quatorze ans après le terrible incendie qui a ravagé la maison de jeux, tuant sept personnes dont deux enfants, leur mère et leur nourrice enceinte, l’ancien Attorney General Rama Valayden vient de rendre publiques les conclusions d’une enquête menée par un groupe d’avocats. Lesquels pointent du doigt l’amateurisme des enquêteurs chargés de déterminer les responsabilités dans ce drame.

Ce document de 228 pages tend à démontrer que les quatre personnes accusées dans cette affaire, qui ont été condamnées à la prison à perpétuité par un jury populaire, sont « innocentes ». Et que la police aurait mieux fait d’orienter son enquête sur le redoutable Escadron de la mort qui sévissait à l’époque et qui a plusieurs assassinats et hold-up à son actif.

Dès les premières pages de ce volumineux rapport, Rama Valayden montre que la police n’a pas respecté le protocole pour déterminer ce qui a pu déclencher l’incendie. Il y a d’abord un excavateur qui a été amené sur les lieux pour déblayer la route alors que des indices s’y trouvaient probablement. L’ancien Attorney General s’étonne ensuite que l’expert scientifique appelé sur les lieux n’ait pas jugé bon de faire analyser des bris de verre retrouvés dans l’établissement, au motif qu’il n’en émanait pas une odeur de carburant. Ce alors que le ministère public reprochait aux quatre accusés d’avoir lancé des cocktails Molotov sur le casino.

Quatre « innocents » en prison

Outre le fait de remettre en question la véracité des propos de certains témoins, dont plusieurs ont déclaré avoir été forcés à impliquer les quatre accusés, le rapport fait état d’autres lacunes dans l’enquête. Mention est faite que la police n’a pas essayé de savoir comment une des victimes, Mohamed Fawzee Abdool Hakim, a été éventrée et a subi des factures en divers endroits du corps et au crâne.

Pour les rédacteurs du rapport, il fallait déterminer si cet homme de 43 ans, qui connaissait bien l’Amicale de Port-Louis, avait été assassiné ou agressé de manière violente peu avant que le feu se déclare. D’autant qu’il avait les membres inférieurs et supérieurs disloqués alors qu’aucun débris n’a été retrouvé sur lui et qu’il était le seul à avoir été découvert au deuxième étage de l’immeuble. Valayden a contacté un expert anglais pour étudier le rapport d’autopsie de Hakim. Pour ce dernier, il ne fait aucun doute qu’il était soit déjà mort, soit inconscient, avant l’incendie. Et il est plus qu’improbable qu’une victime d’incendie soit retrouvée sur le dos…

Des questions restent aussi posées sur la corde rouge utilisée par nombre de personnes pour fuir le bâtiment en feu. D’autant qu’elle avait été attachée près de l’endroit où Hakim a été retrouvé. Malheureusement, la police n’a jamais établi l’identité de ces personnes et pour les rédacteurs du rapport, ce sont elles qui ont mis le feu au casino.

C’est ici que le lien est fait avec l’Escadron de la mort. Hakim connaissait bien son chef présumé : le sanguinaire Bahim Coco. Ce dernier était loin d’être un enfant de choeur. Il a même voulu tuer un des membres de son équipe lors d’un braquage à Flic-en-Flac parce qu’il avait prononcé son nom en public, selon ses anciens complices.

Bahim Coco était aussi connu pour s’être déguisé en femme, en portant une burqa pour déjouer la vigilance de la police quand sa bande et lui étaient recherchés dans le cadre de l’enquête sur le triple assassinat de la rue Gorah-Isaac. Or, le jour de l’incendie, le responsable du poste de police de Trou-Fanfaron note avoir remarqué une femme en burqa, chose insolite, devant l’entrée de la maison de jeux.

Un autre fait troublant fait penser à l’Escadron de la mort. Le coffre-fort de la maison de jeu a été forcé et tout son contenu avait disparu. Il avait aussi été déplacé, chose qui n’aurait pu être provoquée par les jets d’eau des pompiers ou se produire après, les lieux ayant été placés sous surveillance policière.

Le rapport fait aussi mention de différents appels passés aux pompiers pour les envoyer sur de faux foyers d’incendie ce jour-là. Ce qui pouvait été délibéré afin qu’ils ne puissent intervenir à temps à l’Amicale de Port-Louis. Référence est aussi faite de trois rapports des services de renseignements qui faisaient état de la possibilité que douze motocyclettes volées puissent être utilisées en cas de désordre dans la capitale à l’issue du match Fire Brigade/Scouts Club.

Une action « terroriste »

Dans leurs conclusions, les rédacteurs expliquent qu’il y avait deux types de désordres ce jour-là. L’un, spontané, causé par les hooligans. L’autre, préparé à l’avance par les « terroristes » utilisant les supporters en colère du Scouts Club comme couverture.

Valayden revient également sur des informations « déconcertantes » autour de cette affaire. Il explique que le propriétaire de l’Amicale avait reçu plusieurs lettres de menace avant l’incendie, lui intimant de fermer boutique. Il évoque aussi la « disparition » des différents diary books des postes de Port-Louis et de l’ex-National Intelligence Unit qui aurait pu démontrer que si les mesures appropriées avaient été prises, ce drame ne serait sans doute pas survenu.

L’avocat fait aussi référence à l’enquêteur de Scotland Yard approché par les autorités mauriciennes pour les aider à y voir clair dans cette affaire et celle du triple attentat de la rue Gorah-Isaack. Celui-ci en serait arrivé à la même conclusion qu’un ancien miliaire français présent devant l’Amicale lors du drame et qui a déclaré au Mauricien avoir assisté à une attaque d’une bande de motocyclistes digne d’une action terroriste.

Action terroriste dit logistique avancée. C’est ainsi que le rapport fait état du témoignage d’un ancien vigile de la maison de jeux qui n’a jamais été appelé à témoigner aux Assises. Ce dernier déclare n’avoir jamais vu quiconque lancer des cocktails Molotov. Des engins explosifs qui pourraient être des grenades - trouvées chez des membres de l’Escadron de la mort par la suite – auraient été utilisées, ce qui expliquerait pourquoi des témoins ont dit avoir vu des boules de feu orange…

L’ancien Attorney General déclare avoir des informations selon lesquelles au moins trois militaires français au grade de commandant étaient dans l’île au moment des incendies. Mais rien n’a été entrepris pour entrer en contact avec eux. Il révèle également qu’un ancien membre de l’Escadron de la mort avait garé son véhicule près de l’établissement le soir de l’incendie. Il a même poussé le bouchon jusqu’à signaler à la police que sa lunette arrière avait été brisée lors de l’attaque des motocyclistes.

Valayden explique également que la police dispose des images de vidéosurveillance de l’Amicale de Port-Louis et qu’elles n’ont jamais été exploitées jusqu’ici. Il rencontrera le président de la République mardi et compte réclamer la réouverture du dossier afin de blanchir les quatre condamnés.