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L'incendie de L'Amicale de Port-Louis: Les quatre accusés condamnés à vie

21 novembre 2000, 22:05

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L'incendie de L'Amicale de Port-Louis: Les quatre accusés condamnés à vie

La sentence est tombée hier : les frères Sheik Imran et Khaleeloodeen Sumodhee, Abdool Naseeb Keramuth et Muhammad Shafeek Nawoor, accusés dans l'affaire l'Amicale, sont condamnés à perpétuité.  
 
Les proches des accusés laissent éclater leur détresse après le verdict hier après-midi.    
 
La salle d'audience était, peu avant midi hier, archicomble avec une atmosphère pesante. De nombreuses personnes s'étaient déplacées, certaines ne trouvant pas de places assises, pour le dénouement de l'affaire l'Amicale.  
 
Les avocats parlaient entre eux et les commentaires allaient bon train sur le verdict alors que les jurés se trouvaient dans la salle de délibérations. Les parents des accusés, anxieux avaient les yeux rivés sur ces derniers qui, l'air hagard, récitaient des prières en égrenant leurs chapelets. 
 
Accompagné de ses deux secrétaires, M. Poorndeo Ramchurn et Mme Meera Ramful, le juge-président Paul Lam Shang Leen fit son entrée dans la salle d'audience à 14h20. Les jurés prirent leurs sièges à peine une minute après. 
 
Avant le prononcé du verdict, le juge-président demanda aux accusés s'ils avaient quelque chose à dire. Ils répondirent : «Nous innocent dans sa zafaire là.» C'est dans un silence religieux que le foreman se leva, alors, pour annoncer la décision des jurés : les quatre accusés avaient été trouvés coupables à huit contre un. 
 
Il était 14h26 quand le juge- président annonça : «Penal servitude for life !» A ce moment précis, il semblerait que les accusés, visages crispés, n'ont pas trop bien compris le verdict. Puis le secrétaire du juge, M. Ramchurn, traduisit : «Missié juge fine condamne zotte à vie.»  
 
Des pleurs et des grincements de dents fusèrent de toutes parts. Il a fallu la dextérité des policiers présents pour parer à toute éventualité et contenir le mécontentement des parents des accusés. «Zotte innocent. Pas zotte ki fine fer ça», hurlaient des dames. La soeur d'un des accusés cria désespérément : «Aio mo frère pé allé, pas li ki fine fer sa, li ti pé dormi la case...» Une bousculade s'ensuivit, les proches voulant rencontrer les accusés. Après le départ de ces derniers, quelqu'un hurlait : «Sa pas pou arrête là. Nous pou alle jusqu'à Privy Council !»
 
Dans la rue, les femmes pleuraient toujours et l'une d'entres devait même s'évanouir. Mais il n'y eut aucun incident à déplorer... Lundi matin et pendant plus de deux heures, le juge-président avait fait son summing-up à l'intention des jurés.  
 
Les larmes de Muhammad Shafeek Nawoor qui voit s'envoler, à tout jamais, sa liberté.    
 
Mettant en exergue les faits saillants des témoignages de Mohammad Azad Thupsee et Lee Tin, il avait demandé aux jurés de «se servir de leur sens de la justice et de leur raisonnement avant de prendre leur decision». Il devait aussi inviter les jurés à bien peser les témoignages de la poursuite et de la défense et de vérifier si tous les faits avaient été prouvés à leur satisfaction.  
 
L'accusation était soutenue par Mes Satyajit Boolell, Assistant Solicitor General, assisté de Mes Bobby Madhub et Aruna Narain-Ramloll, Principal State Counsel et Denis Mootoo, State Counsel.Me Yousouf Mohamed, Senior Counsel, assurait la défense des frères Sumodhee. Les deux autres accusés étaient défendus par Mes A. Neerooa et Imithiaz Mamoojee.  
 
Les jurés les ont trouvés coupables de crime d'incendie ayant causé la mort de sept personnes dont deux femmes, l'une enceinte de huit mois, et deux enfants. Catherine Elizabeth et Eugénie Louise Lai Yau Tim, âgées respectivement de 6 et 2 ans, Mmes Yeh Ling Lai Yau Tim et Rozana Jeannette Ramboro, Jean Alain Law Wing, Mohamed Fawzee Abdool Hakim et Babooram Luckoo avaient péri lors du sinistre qui avait complètement détruit la maison de jeux, l'Amicale, sis à l'angle des rues Royale et Emmanuel Anquetil, le 23 mai 1999. 
 
Après le prononcé du jugement, les accusés ont donné avis d'appel pour contester le verdict. Entre-temps, ils ont été conduits à la prison de Beau-Bassin sous forte escorte policière. L'express a essayé en vain hier soir d'obtenir un commentaire de M. Jean-Noël Lai Yau Tim, propriétaire de l'Amicale de Port-Louis à la suite du verdict.  
 
Chronologie des evenements :  
 
Dimanche 23 mai (17h00). Le coup de sifflet final retentit au stade Anjalay, sacrant la Fire Brigade au détriment du Scouts Club. Des incidents éclatent dans les gradins, puis aux alentours du stade et sur le trajet du retour vers la capitale.  
 
18h55. La maison de jeux L'Amicale est assiégée par des émeutiers. Elle est incendiée ainsi que des véhicules et motocyclettes. Quelques minutes plus tard, le poste de police et des blocs administratifs de la rue Pope-Hennessy sont saccagés.  
 
19h30 : Pompiers et policiers tentent de circonscrire l'incendie. Trop tard. Plusieurs heures seront nécessaires avant que le sinistre ne soit maîtrisé.  

23h15. Les pompiers et les membres du Forensic Science Laboratory pénètrent enfin les lieux.  
 
00h10. Le premier corps est extrait de l'Amicale.  
 
00h40. Six autres corps sont retirés des décombres et envoyés à la morgue de l'hôpital Candos. Le médecin légiste constate que la grossesse d'une des victimes est arrivée à terme.  
 
Lundi 24 mai. Le pays se réveille dans l'horreur. La nouvelle fait le tour de l'île et les funérailles de trois victimes, Mme Ramboro, MM Fawzi et Luckhoo ont lieu dans l'aprèsmidi. Le président de la République, M. Uteem se dit «atterré». Les dirigeants du Scouts Club nient tout lien avec le drame et annoncent leur retrait de la ligue de football. Onze suspects sont arrêtés et neuf policiers suspendus. Durant la semaine, plusieurs arrestations ont eu lieu portant le nombre de suspects à 25.  
 
Vendredi 28 mai. L'annonce des funérailles des autres victimes de l'Amicale soulève un élan de sympathie à travers le pays. Plus de 100 000 personnes se massent dans les rues de Port-Louis pour saluer le convoi mortuaire. Le silence qui pèse ce jour-là traduit l'indignation d'une population qui refuse d'accepter que des criminels et des meurtriers se cachent dans ses rangs