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Gérard Uckoor: «les entrepreneurs ont besoin de fonds de roulement»

24 mai 2017, 14:31

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Gérard Uckoor: «les entrepreneurs ont besoin de fonds de roulement»

La difficulté d’obtenir des emprunts bancaires pour financer les fonds de roulement de leurs entreprises est le principal souci des petits entrepreneurs (contracteurs). Ces derniers sont toujours en attente de la relance du secteur de la construction promise par le gouvernement.

La Chambre de Commerce et d’Industrie de Maurice (MCCI) a proposé dans son mémoire budgétaire de réduire la mise de fonds préalable à l’obtention d’un prêt hypothécaire. L’idée étant de stimuler le secteur de la construction, notamment celui de maisons individuelles. Qu’en pensez-vous ?
Ce que suggère la MCCI est certes une bonne mesure, mais ce n’est pas le principal problème de l’industrie actuellement. L’endettement du secteur constitue une très grande source d’inquiétude pour nous. Nous pensons cependant que la présentation de la situation mène à une interprétation erronée des véritables problèmes de ce secteur. Avec un endettement total de Rs 87 milliards, il est clair que la construction est le secteur le plus endetté de l’économie mauricienne. Cependant, derrière ce chiffre, tout a été mis dans le même panier: emprunts hypothécaires résidentiels, projets IRS, découverts, etc., alors que le niveau d’endettement va- rie selon les segments.

Il faut comprendre que les emprunts hypothécaires résidentiels sont différents des emprunts des entrepreneurs. Une analyse plus détaillée de ces comptes révèle que la dette des entrepreneurs ne s’élève qu’à Rs 2,8 milliards ; alors que le total des emprunts hypothécaires résidentiels est de l’ordre de Rs 53,8 milliards. Or, la perception qui se dégage est que ce sont les entrepreneurs qui sont les plus endettés. Résultat : il devient de plus en plus difficile pour les sociétés de construction d’obtenir des emprunts auprès des banques. C’est cela le vrai problème de la construction. La Banque de Maurice exige un plafonnement du montant des prêts que les banques octroient à chaque secteur (construction, agriculture, tourisme etc…), un plafonnement qui devrait être retravaillé pour le secteur de la construction pour ne pas pénaliser les opérateurs.

Toutefois, il faut admettre qu’il est devenu difficile pour un particulier d’obtenir un emprunt hypothécaire, d’autant plus que les gens devraient avoir constitué au préalable un capital de départ, ce qui n’est pas à la portée de tout le monde.

Quelle serait la meilleure formule ?
C’est la segmentation, c’est-à- dire identifier chaque segment du secteur et définir une politique et un plafonnement spécifique pour chacun d’entre eux. Aujourd’hui, c’est l’entrepreneur qui fait les frais de ce système. Il faut savoir que nous, les entrepreneurs, avons besoin de ces emprunts surtout pour notre fonds de roulement, un élément essentiel au bon déroulement de notre business.

Les petits chantiers souffrent-ils de la difficulté de financement des particuliers ?
Les petits chantiers sont surtout ceux des maisons individuelles. La conjoncture sur ce segment dépend de la capacité des particuliers à obtenir des emprunts immobiliers. On constate, en effet, qu’ils éprouvent de plus grandes difficultés à les obtenir. Malgré ces observations, il reste difficile de faire un état des lieux de ce secteur. Nous n’avons pas d’idée précise du nombre de constructions de maisons individuelles dans le pays. Il nous aurait fallu un système pour répertorier le nombre de maisons construites dans chaque partie de l’île. C’est une critique constructive que nous faisons. Cela aiderait le gouvernement à mieux cerner les caractéristiques de notre secteur et d’évaluer le volume de travaux qui sont entrepris par des petits entrepreneurs. Ceci est un véritable manquement actuellement.

Quel est le budget nécessaire à la construction d’une maison à ce jour ?
Cela coûte de plus en plus cher. Pour une maison de 1 500 pieds carrés, les particuliers doivent débourser en moyenne Rs 2 millions, si l’on compte la peinture, l’aménagement, les portes, l’électricité et la plombe- rie. Ce prix ne comprend pas le coût du terrain. Il y a 10 ans, cela coûtait environ 1,2 million. Mais le coût de la vie a augmenté : le coût des matériaux a augmenté, de même que celui de la main-d’œuvre. Un maçon est actuellement payé entre Rs 1 200 et Rs 1 500 par jour, dépendant des chantiers et des entrepreneurs. Les petits et moyens entrepreneurs paient plus que les Rs 300 recommandées par le gouvernement car les maçons n’accepteront pas d’être payés à ce prix-là. Cela nous permet d’avoir de la main-d’œuvre et un bon service.

La MCCI préconise également la levée des quotas pour le recrutement des travailleurs étrangers? Est-ce une mesure qui pourrait bénéficier aux petits ou aux gros entrepreneurs ?
Le problème de main-d’œuvre est un peu plus complexe qu’il n’y parait. Avant d’aborder les quotas, les difficultés de recrutement découlent aussi de la situation financière de l’entrepreneur. Beaucoup de gros entrepreneurs sont endettés. Certains n’ont pas la trésorerie voulue pour payer les travailleurs. Qui sont ceux qui voudront travailler sur ces chantiers sachant qu’ils risquent de ne pas être payés ? Si bien que certains entrepreneurs ne trouvent pas suffisamment de Mauriciens pour leurs projets, et les gros opérateurs se tournent donc vers la main d’œuvre étrangère. Le problème de retard de paiement, voire de non-paiement, devrait être réglé avec l’instauration du Payment Bill, un projet de loi qui vise à rendre obligatoire le paiement dans un délai de 15 jours suivant la fin des travaux.

Revenant au problème de main-d’œuvre étrangère : il y avait auparavant 75 % de Mauriciens et 25 % d’étrangers sur les chantiers. Mais aujourd’hui, la situation s’est inversée, surtout sur les gros chantiers. Autre point important : dans la construction, ce n’est pas la quantité qui compte mais la qualité, c’est-à-dire, peu de personnes qui font du bon travail. Et c’est surtout la rémunération qui fait toute la différence. Une bonne paie attire les ouvriers, au cas contraire, ils quittent les chantiers.

Qu’en est-il de la formation ?
Voilà une autre difficulté pour le secteur. Quand vous retenez les services d’un maçon pour des travaux, comment s’assurer qu’il possède les qualifications et l’expérience pour faire le travail ? À ce jour, il n’y a pas moyen de le faire. N’importe qui peut se présenter comme maçon. Résultat : le travail se fait dans le flou. Alors que, moi, entrepreneur, j’ai une entreprise dûment enregistrée, j’ai tous mes papiers et un track record de mon travail. Mais un maçon, lui, n’a aucun certificat.

Comment vous-y prenez-vous pour régler ce problème ?
Si je dois prendre quelqu’un que je ne connais pas pour travailler sur un chantier, je dois d’abord le mettre à l’essai, parfois pendant une semaine, pour m’assurer qu’il connaît bien son travail. Et cela retarde considérablement les affaires. Alors que s’il y avait une véritable école des maçons, avec des instructeurs qualifiés et un certificat à la clé, cela aurait simplifié les choses. Il y a certes certaines formations qui sont déjà dispensées, mais ce n’est pas suffisant. Il nous faut impérativement une certification pour le métier de maçon, une formation pour démontrer qu’un individu peut se prévaloir d’une expertise dans le domaine.

Qu’en est-il de l’attitude des Mauriciens au travail ?
L’on reproche beaucoup aux maçons de faire le «lundi cordonnier». Or, il faut savoir que le métier de maçon est très dur, il faut travailler au soleil, soulever des briques et faire beaucoup d’effort physique. C’est fatigant. S’ils pouvaient avoir le week-end off, cela leur permettrait de revenir le lundi, en forme. Ce qui explique souvent pourquoi ils ne viennent pas travailler les lundis. Il faudrait aussi donner des incitations pour les encourager à pratiquer ce métier.

On constate cependant que les jeunes veulent de moins en moins pratiquer des métiers manuels…
C’est justement par manque d’encouragement, manque d’incitations. Pour l’heure, compte tenu de l’organisation actuelle du travail, le métier de maçon n’est pas un travail régulier qui offre des perspectives. Mais cela peut changer. Il faudrait une étude sur les gens qui pratiquent ce métier, leurs caractéristiques et leurs besoins et amener des formations et incitations qui répondent à leurs attentes.

Quelle est la situation au niveau du secteur actuellement?
Le ministère des Infrastructures Publiques a décidé d’ouvrir les appels d’offres pour les projets de moins de Rs 5 millions aux petits et moyens entrepreneurs, ce qui est une bonne chose. Cependant, nous attendons toujours la relance annoncée par le gouvernement avec la mise en chantier de grands projets. Les entrepreneurs, notamment les petits, sont toujours dans le rouge. De plus, les projets tels que le Metro Express sont des projets qui nécessitent une expertise plus pointue. Combien d’entrepreneurs mauriciens pourront y participer ? Nous restons optimistes malgré tout et nous pensons qu’il est plus que temps pour le gouvernement de relancer le secteur de la construction. Pour y parvenir, il y a d’autres moyens que les grands projets. Ce qui nécessiterait une vraie vision pour le secteur. J’ai toujours prôné, par exemple, une culture de maintenance des bâtiments. Plusieurs édifices publics ne sont pas correctement entretenus et constituent de véritables eye-sores pour la population et les touristes. La maintenance des bâtiments est un créneau tout à fait accessible aux entrepreneurs, notamment les petits. Il aurait fallu instaurer une mesure pour imposer l’entretien des bâtiments tous les quatre ans, par exemple. Cela aurait permis aux opérateurs de continuer leurs opérations si d’autres pro- jets d’envergure mettent du temps à avancer.

Quelles sont vos pro- positions dans le cadre du budget 2017-18 ?
Notre première demande est de faciliter l’accès aux finances, notamment pour les fonds de roulement. Nous souhaiterions également voir la mise en œuvre du Payment Bill. Enfin nous souhaiterions avoir la possibilité d’acheter des véhicules hors-taxe, le transport étant un outil essentiel aux entreprises. Il y a bien entendu la formation, ainsi que l’adoption d’une politique de maintenance des bâtiments.

 

Les propositions de la MCCI pour la construction

<p>Ce secteur est en proie à des turbulences depuis les cinq dernières années. Pour cause, selon les chiffres de <em>Statistics Mauritius</em>, le secteur a connu une décroissance de 8,5 % en 2014, suivie d&rsquo;une nouvelle baisse de 4,9 % en 2015, avant d&rsquo;atteindre la stagnation à 0,0 % en 2016. L&rsquo;embellie devrait arriver cette année, avec une croissance de 7 %, à condition que les gros projets d&rsquo;infrastructures tels que le Metro Express et les autres projets du privé soient mis en chantier.</p>

<p>Dans son mémoire pré-budgétaire, la Chambre de Commerce et de l&rsquo;Industrie de Maurice (MCCI) préconise une révision des politiques de plafonnement du crédit instaurées par la Banque de Maurice en 2013 pour le secteur bancaire. Celles-ci visaient notamment à réduire les risques d&rsquo;une bulle immobilière. <em>&laquo;Après plus de trois ans, il est clair que cette appréhension n&rsquo;a pas lieu d&rsquo;être, notamment avec un taux d&rsquo;inflation qui figure parmi les plus bas du pays depuis l&rsquo;indépendance&raquo;</em>, estime la MCCI dans son mémoire pré-budgétaire. Et d&rsquo;ajouter que ces mesures ont imposé des conditions &laquo;strictes&raquo; pour l&rsquo;octroi de prêts dans le cadre de l&rsquo;achat ou de la construction de maisons individuelles, ce qui a un impact négatif sur le secteur de la construction. Ce que propose la MCCI : une révision des critères de plafonnement du crédit de la Banque Centrale et l&rsquo;assouplissement du ratio entre la valeur du projet et le montant de financement par emprunts.</p>