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Ras Natty Baby: l’angoisse d’un père qui a une fille droguée
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Ras Natty Baby: l’angoisse d’un père qui a une fille droguée
Vêtu d’un débardeur rouge et d’un short, Ras Natty Baby nous accueille dans un logement modeste de trois pièces à Riche-Lieu, là où il a élu domicile depuis peu. De son vrai nom Joseph Nicolas Emilien, le sexagénaire présente ses excuses pour le «mini désordre» qui y règne. Toutes les marques du temps passé, notamment les rides sur le visage, témoignent de son vécu.
C’est avec une profonde tristesse que l’artiste aborde le sujet de sa fille, âgée de 32 ans. Celle qu’il appelle affectueusement «Princesse». Mais depuis deux ans, soit depuis qu’elle sort avec un toxicomane, Princesse s’est éloignée de son père. «Elle n’ose plus affronter mon regard. Elle me fuit», confie le seggaeman, le visage empreint de tristesse.
«Vous savez, Princesse est mon premier enfant. Avec elle, nous avions une complicité hors du commun. Elle était présente à tous mes concerts et nous pouvions nous confier des choses. Aujourd’hui, j’ai le cœur brisé.» Ras Natty Baby ne sait plus à quel saint se vouer pour sortir sa fille de cet enfer.
«C’est une fille éduquée, intelligente, mais mon ex- épouse et moi ne savons plus quoi faire pour l’aider. Je vis dans l’angoisse perpétuelle qu’on vienne m’annoncer qu’on a tué ma fille ou qu’elle est morte d’une overdose.» Lors de son audition devant la commission d’enquête sur la drogue mercredi, Ras Natty Baby a d’ailleurs fait comprendre que c’est l’une des raisons principales pour laquelle il est pour le combat contre les substances illicites.
«Amis prisonniers»
Même s’il dit haut et fort qu’il n’a jamais consommé de la drogue dure, il a été arrêté pour possession d’héroïne en 2007. Ce qui lui a d’ailleurs valu 30 mois de prison de 2009 à 2011. «C’est dans un moment de faiblesse que j’ai commis cette erreur. Mon ex-copine était toxicomane et je pensais lui rendre un service, mais j’avais tort», lâche-t-il en se remémorant l’incident.
L’expérience l’a marqué à vie. Il a avoué à Paul Lam Shang Leen qu’il utilisait les téléphones portables lors de son séjour en prison. Son numéro était affiché sur les relevés téléphoniques des portables saisis en prison. «Ce n’est un secret pour personne. Il suffit de bien se cacher et le tour est joué. Il n’y a pas de limite ni de crainte car le système à Maurice est comme ça. Personnellement, je le faisais car cela m’apportait du réconfort de pouvoir communiquer avec ma famille.»
Ras Natty Baby reconnaît également s’être lié d’amitié avec des trafiquants de drogue. «Je n’ai pas le droit de les juger. Pour moi, ce sont des humains. Je n’oublierai jamais le fait que ce sont les marginaux de la société qui m’ont accepté quand je suis arrivé de Rodrigues à 19 ans.»
Des riches impliqués
Comment se fait-il que le trafic de drogue se fait aussi facilement au sein de la prison ? Connaît-il les gardes-chiourmes ou autres haut-gradés impliqués ? Ces questions lui valent un sourire. «Je tiens à ma sécurité. L’idée de retrouver mon corps en état de décomposition dans un champ de canne ne m’inspire pas vraiment. Mais beaucoup de ‘riches’ sont impliqués», ironise-t-il. «Le mal réside dans les personnes qui supposément mènent le combat contre la drogue.»
Mais hors de question pour lui d’accéder à toutes les demandes de ses «amis prisonniers» à la sortie, même s’il a gardé contact avec beaucoup d’entre eux. D’ailleurs, il explique avoir pris du recul depuis un certain temps pour se concentrer sur sa musique et surtout parce qu’il a été trop «généreux» dans le passé. «On a souvent abusé de ma confiance. Mon cercle d’amis est désormais restreint.»
Ras Natty Baby se concentre aujourd’hui sur un documentaire qu’il compte lancer en 2018 à l’occasion de ses 35 ans de carrière en tant que musicien. D’ici là, le combat continue.
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