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Anishta Babooram : «J’ai pleuré après avoir été révoquée de la Human Rights Commission»

12 juin 2017, 01:28

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Anishta Babooram : «J’ai pleuré après avoir été révoquée de la Human Rights Commission»

En poste à la Human Rights Commission depuis juin 2014, Anishta Babooram a appris qu’elle a été révoquée avec effet immédiat, le mardi 6 juin. La jeune femme se pose plusieurs questions sur ce qui a bien pu se passer pour qu’elle soit ainsi «remerciée». Et échafaude au passage quelques théories…

Quel a été votre sentiment au moment de votre révocation? 

Choquée ! J’ai pleuré car que je ne m’y attendais pas.

Vous dites que vous êtes ciblée. Qu’est-ce qui vous pousse à affirmer une telle chose?

Nous étions dix à être nommés le 20 juin 2014. Or, la seule personne qui ait reçu sa lettre de révocation, c’est moi. C’est évident que j’ai été ciblée, sinon, les autres auraient également dû recevoir leur lettre de remerciement.

Quand avez-vous intégré la Human Rights Commission? 

J’ai été nommée à la Human Rights Commission (HRC) en juin 2014, conformément à la Protection of Human Rights Act.

Votre beau-père, Subash Seeruttun, est proche de Navin Ramgoolam. N’est-ce pas là une des raisons de votre nomination, en 2014?

Mon beau-père était proche de Navin Ramgoolam ! Je ne sais vraiment pas si j’ai été nommée grâce à mon beau-père et à sa proximité avec l’ancien Premier ministre. Toutefois, je dois dire que nous avions quelques différends depuis un certain temps et que je ne suis pas en contact avec lui. Je ne comprends donc pas pourquoi certaines personnes m’associent à lui.

Votre beau-père a été condamné à un an de prison la semaine dernière… Votre verdict? 

Je laisse la justice faire son travail. Il est le seul responsable de ce qu’il fait. D’ailleurs, je me dissocie complètement de tous ses actes.

Est-ce pour cela que vous ne souhaitez pas utiliser le patronyme Seeruttun dorénavant? 

J’ai mes raisons, elles sont personnelles.

Revenons-en à la Human Rights Commission. Pourquoi faire toutes ces révélations maintenant et pas lorsque vous étiez encore en poste?
 
Il y a beaucoup de choses que j’ai dévoilées dans le passé. J’ai animé des causeries dans les divers Citizens Advice Bureaux. J’ai dénoncé ce qui se passait dans les Rehabilitation Youth Centres en présence de Raj Dayal, à Bon-Accueil. Il était assez surpris quand il a entendu ce que je disais. Et l’ancien ministre de l’Environnement a évoqué le problème avec moi. Il avait appelé le bureau du Premier ministre pour le mettre au courant. J’ai de tout temps dénoncé ces choses – à la radio ou dans la presse écrite. J’ai aussi dénoncé l’hypocrisie autour de la drogue. Malheureusement, certaines personnes n’ont pas entendu tout cela, parce qu’elles n’ont pas suivi. Quand vous parlez au nom d’une organisation non gouvernementale, beaucoup de gens n’écoutent pas. Ils ne m’ont pas associée à la HRC. Ils ne l’ont pas réalisé.

Vous dénoncez des maldonnes, des atrocités en prison. Les avez-vous constatées de visu? Pourquoi la Human Rights Commission n’a-t-elle rien fait? 

J’ai rencontré en personne des prisonniers qui ont été victimes de violence en prison. Ils ont été brutalisés par certains officiers. Mo pa pou dir ou ki tou prisonié gagn baté. Ce serait faux de dire une telle chose. Mais depuis que le nouveau commissaire des prisons est en poste (NdlR, Vinod Appadoo), il n’y a pas de pitié pour les détenus. Je tiens à préciser que la HRC a fait des recommandations lorsque nous avons effectué un constat de la situation. Nous avons demandé à visionner des enregistrements des caméras de surveillance dans plusieurs cas, mais ils nous ont interdit de le faire, alors qu’au début, nous y avions accès. Mais, un mois après l’arrivée du nouveau commissaire, la donne a changé.

Quid du rôle des gardes-chiourmes?

Ils se comportent bien envers la HRC, mais dans notre dos, ils disent : «Avek enn tass kafé ek enn paké biskwi kapav embet Human Rights Commission…» Zot al dir sa avek bann détenu pou ki banla krwar ki pa pou kapav fer nanié pou zot. Le commissaire aurait même dit que la HRC ne peut rien faire sans son consentement.

Quel salaire touchiez-vous?

Mon salaire était de Rs 74 000. Mais je voudrais préciser que tout est ‘inclus’ dans ce montant. Je ne recevais pas de leave, pas de passage benefits, de end of year bonus, ou de gratuity. Je prône la transparence. Il y a beaucoup de gens qui m’ont critiquée, pensant que je touchais des sommes astronomiques, ki mo ti pé gagn bel lapey. Mais si on enlève toutes les allocations, je peux dire que je touchais un salaire de Rs 25 000.

Quid du décès d’Arvind Hurreechurn? Cette mort était-elle vraiment suspecte (NdlR, le policier a été retrouvé «pendu» dans sa cellule)?

Ce n’est pas logique. Pa kapav met pandi lor enn oter enn met. Disons que sa famille lui avait donné deux serviettes. On n’en a retrouvé qu’une. Où était l’autre ? Il y a des théories qui disent qu’on peut se suicider en «s’accrochant» au robinet d’un lavabo, mais il faut prendre en compte la corpulence de la personne. Pour moi, c’est impossible que ce prisonnier se soit suicidé. Et puis, pourquoi la police a-t-elle travaillé d’arrache-pied pendant plusieurs jours pour réussir à pondre un rapport? Pourquoi Monsieur Bhojoo (NdlR, Choolun Bhojoo, adjoint au commissaire de police) est-il venu à notre bureau pour nous convaincre qu’il s’agissait bien d’un suicide ? Ce sont là des questions qui vont rester sans réponses. Pourtant, un des détenus présents a vu, ce jour-là, des choses très suspectes. Mais il ne dévoilera rien, par peur de représailles sans doute…

Après votre révocation, vos collègues de la Human Rights Commission vous ont-ils soutenue? 

«Off-record», oui. Mais ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient pas le faire ouvertement.

Qui est-elle?

<p>Issue d&rsquo;une famille modeste habitant L&rsquo;Escalier, Anishta Babooram a fréquenté le collège Lorette de Mahébourg avant d&rsquo;entamer des études de droit à l&rsquo;université de Maurice. Cap ensuite sur la London Metropolitan University pour son LLM. Elle se marie à 28 ans et part vivre à Triolet. Elle fonde l&rsquo;organisation non gouvernementale The Rising en décembre 2014, avec Yashvee Seetul et Prily Ramlugun. Objectif: apporter des changements au sein de la société. Même si sa révocation a été un coup dur, Anishta Babooram affirme que la vie ne s&rsquo;arrête pas à cet épisode. Elle est actuellement à la recherche d&rsquo;un nouvel emploi.</p>