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Paul Foo Kune: «Je suis un vainqueur, je ne crains personne»
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Paul Foo Kune: «Je suis un vainqueur, je ne crains personne»
Celui que le rapport Parry cloue au pilori n’a pas digéré d’être «lâché» par Pravind Jugnauth, dont il a «financièrement aidé» le parti. Combien ? À qui ? Et pourquoi le Premier ministre n’a-t-il pas réagi ? Les réponses se trouvent – peut-être – entre les lignes.
Allons-y cash : avez-vous remis de l’argent à Pravind Jugnauth, combien de fois et quels montants ?
Je ne répondrai pas à ces questions.
Pourquoi ?
Parce que je ne me souviens de rien pour le moment, et je dis bien pour le moment.
Vous pourriez retrouver la mémoire ?
C’est une possibilité. Si on me cherche trop, là… Ce que je peux dire, c’est que j’ai rencontré plusieurs fois Pravind Jugnauth avant les élections de 2014. La plupart du temps, c’était en présence de Rakesh Gooljaury.
Avez-vous des traces de ces rencontres ?
(Silence crispé)
Pouvez-vous prouver ce que vous dites ?
Ça aussi, je ne m’en souviens pas trop.
L’Alzheimer, ça se soigne vous savez…
Vous me croyez assez stupide pour abattre mes cartes maintenant ? (NdlR, il a la réputation d’être un redoutable joueur de poker)
Avez-vous un si bon jeu en main ?
(Impassible)
Si vous êtes arrêté, vous déballez tout ?
On verra…
Avez-vous été un gros un «banquier» du MSM ?
(Direct) Non.
Et de Roshi Bhadain ?
Non plus.
Ne l’avez-vous pas aidé en 2014 ?
Qu’entendez-vous par «aidé» ? Je ne finance pas les partis, ni les campagnes; j’aide mes amis, et j’en ai partout.
Pravind Jugnauth est-il, ou était-il, un ami ?
(Longue réflexion) Moi, je le considérais comme un ami. On a vraiment fait connaissance en 2013, on se croisait régulièrement au cabinet de Roshi Bhadain, qui nous a défendus tous les deux. Généralement, mes amis ne sont pas demandeurs, c’est moi qui prends l’initiative. C’est comme ça dans la communauté chinoise : celui qui réussit se fait un devoir de redistribuer un peu. N’allez pas croire que j’arrose par millions, les montants sont symboliques.
Des symboles à combien de zéro ?
Le symbole n’a pas de montant, c’est le geste qui compte.
Un million par ami ? Dix ? Plus ?
Bien moins ! Pour une raison simple : je n’attends rien en retour. (Sur le ton de la confidence) S’il suffisait de donner beaucoup d’argent pour avoir la paix, je le ferai, mais ça ne marche pas comme ça.
Personne n’investit à perte.
Dites-moi ce que j’ai obtenu du gouvernement au cours des vingt dernières années. Rien, à part des ennuis. Financer un politicien n’est pas une immunité, j’en suis l’exemple vivant.
Le MSM n’a pas la bienfaisance réciproque ?
(Mâchoires serrées) Je vous l’ai dit, pour l’instant j’ai oublié ce que j’ai donné.
On vous sent remonté…
Pravind Jugnauth a jeté mon nom en pâture au Parlement. Il l’a fait alors que la question portait sur Jean-Michel Lee Shim. Lui, il est tranquille. Moi, ce gouvernement me cloue au pilori. Depuis que le MSM est au pouvoir, j’ai perdu mon écurie, je n’ai plus le droit de posséder des chevaux (on coupe)…
Mais vous en possédez, n’est-ce pas ?
Une quinzaine, tous aux noms de mes fils. Ça ne rapporte pas, c’est juste pour le plaisir. La MRA a épluché mes comptes, mêmes eux ont été surpris de voir que je ne faisais pas d’argent aux courses. Bref, on m’a retiré ma licence de propriétaire, on m’a forcé à fermer dix betting outlets, mais je suis resté tranquille. Maintenant, le Premier ministre balance mon nom au Parlement, c’est la goutte de trop. Si on me cherche trop, on va finir par me trouver.
Comment en est-on arrivé là ?
Quelqu’un veut ma peau.
Qui ?
Je soupçonne Jean-Michel Lee Shim. Je le connais depuis longtemps, c’est un homme rancunier. Il veut m’abattre parce qu’il n’a pas digéré l’affaire des e-mails (NdlR, en 2014, Paul Foo Kune avait remis à la police des copies d’e-mails compromettants échangées entre Jean-Michel Lee Shim et son entourage). Je sais aussi qu’il a l’oreille de Pravind Jugnauth.
Autre explication possible : vos «activités criminelles » dénoncées dans le rapport intérimaire de la commission Parry (voir encadré).
Déjà, je me demande ce que vaut un document qui n’est pas signé. Je n’appelle pas ça un rapport mais une compilation de palabres.
Des palabres qui vous désignent comme le parrain de la mafia hippique, Don Foo Kune…
(Rire) Où sont les preuves ? Qu’on me les montre ! J’ai été auditionné en dernier sans la moindre question sur ce qu’ils me reprochent. Je m’étais préparé pour trois heures, ça a duré un quart d’heure. Ils m’ont demandé si je pariais, ce que je pensais du management du Mauritius Turf Club, du mode d’élection des commissaires, tout un tas de choses n’ayant rien à voir avec les accusations portées contre moi. C’est pour cela que je vais contester ce rapport en Cour suprême. Pour moi, il n’a aucune valeur.
Mettez-vous en doute l’honnêteté intellectuelle de la commission ?
En tout cas, quand je compare avec la commission d’enquête sur la drogue, c’est le jour et la nuit.
Le rapport mentionne sept courses qui auraient fait l’objet de tricheries; vous êtes cité dans six. Comment l’expliquez-vous ?
La commission donne une short-list de courses remportées par mes chevaux alors qu’un jockey était suspendu; ça ne prouve strictement rien. Des courses, j’en ai gagnées beaucoup, j’ai été trois fois Owner of the Year. Dans le lot, forcément, il est arrivé que des jockeys soient écartés. Et puis, j’aimerais qu’on m’explique une chose : pourquoi le rapport intérimaire me charge mais pas le rapport final ? Sachant qu’ils ont été rédigés à quatre mois d’intervalles.
Si vous posez la question, c’est que vous avez une petite idée de la réponse.
(Sourire en coin)
Une grande idée ?
Le rapport intérimaire a été remis aux autorités juste avant les élections de 2014. Je laisse à vos lecteurs le soin de tirer leurs conclusions.
Certains ont estimé que vous étiez trop généreux avec le MSM ?
C’est une hypothèse.
En passant, pourquoi Xavier-Luc Duval sort-il ce document maintenant ? Auriez-vous oublié les étrennes du PMSD ?
Non, je suis très proche de Mamad Khodabaccus (NdlR, le secrétaire général du PMSD).
« Financer un politicien n’est pas une immunité », dites-vous. Dans votre cas, c’est discutable. Après tout, vous n’êtes pas en prison et vos affaires tournent bien.
(Rire) Ça, ce n’est pas aux politiciens que je le dois.
A qui ou à quoi le devez-vous ?
Pour réussir dans les affaires, il faut du talent et du travail, mais aussi de la chance, et j’en ai eu.
La chance suffit-elle pour passer de propriétaire de vidéo club à businessman multicarte plein aux as ?
Non. Je suis un battant, un fonceur, j’aime le challenge. Mes business, je les ai tous emmenés au sommet. Dans le retail de prêt-à-porter, je suis numéro un à Maurice. Les paris sur le foot, numéro un aussi. Quand j’ai lancé Play Online, ce business n’existait pas. Ça va faire la cinquième année consécutive qu’on est dans le Top Hundred Companies.
Vous êtes aussi dans le Top Hundred des faits divers. Souvent accusé mais jamais condamné, ni même jugé. Comment faites-vous pour vous en sortir à chaque fois ?
Je n’ai rien à me reprocher, j’ai la conscience claire. La réussite, dans beaucoup de pays, suscite l’admiration. À Maurice, le succès attire la convoitise et la jalousie. Moi, je déclenche ces sentiments. Je viens d’une famille modeste, à 18 ans je trimais pour Rs 800 par mois. Aujourd’hui j’ai de l’argent, et alors ? Tout ce que j’ai, je l’ai bâti. Il y a beaucoup de jalousies et la jalousie crée de la méchanceté.
Vous allez nous faire le coup de la blanche colombe ?
Je suis comme je suis : ni un saint, ni un sage, mais clean. Ma réussite fait des envieux, tout est là. Quand j’ai eu mon écurie en 2011, les gens se moquaient de moi parce que je ne viens pas d’une famille «hippique». Dans ma première interview, j’ai annoncé que je me donnais trois ans pour être champion, et je l’ai fait. Aucune écurie sino-mauricienne n’avait réussi ça en deux siècles de courses hippiques. Quand je veux quelque chose, je me bats et je l’ai.
Aujourd’hui, que vous manque-t-il ?
La tranquillité. Je veux que les politiciens me foutent la paix. Pour le reste, je suis comblé.
Si vous aviez la possibilité de revenir en arrière, que changeriez-vous dans votre parcours?
Je quitterais Maurice pour investir ailleurs.
Il parait que vous allez ouvrir des boutiques de vêtements au Myanmar…
C’est vrai. Le Myanmar (NdlR, le nom officiel de la Birmanie depuis 2010), c’est le Vietnam d’il y a vingt ans, un pays à fort potentiel. D’autres marques arrivent, il faut y être maintenant et j’y serai.
Vous mentionniez tout à l’heure Rakesh Gooljaury, à qui vous avez raflé cinq marques. Comment l’a-t-il vécu ?
Mal. Ce jour-là, il m’a envoyé un SMS : «Dans une heure, tu perds tout.» Il s’est trompé. Lui aussi veut ma peau et a l’oreille du pouvoir. Gooljaury et Lee Shim ont beaucoup de points communs.
Craignez-vous d’être arrêté ? C’est la rumeur depuis vendredi…
Je l’ai entendue aussi. Après, les rumeurs sont les rumeurs, je ne vois pas sous quelle charge la police pourrait m’arrêter. Si ça devait arriver, je ne serais pas surpris : ce gouvernement a l’art de faire arrêter les gens pour un oui ou pour un non.
Êtes-vous inquiet ?
Je suis un vainqueur, je ne crains personne.
Dans ce cas, pourquoi fuir à Singapour ?
Je ne fuis pas, je pars pour le travail, ce voyage était programmé depuis longtemps. Je bouge beaucoup, rien que cette année j’ai dû voyager une dizaine de fois.
Avant de partir, vous n’auriez pas un tuyau pour la prochaine journée de course ?
(Rire sonore)
Un document Accablant
<p>Le nom de Paul Foo Kune apparaît huit fois dans les sept pages du rapport intérimaire rédigé par la commission d’enquête sur les courses hippiques. Notamment dans cet extrait : «The principal targets should be those who are orchestrating the criminal activity. In particular the investigation should centre on, but not be limited to : Paul Foo Kune ; Budheswar Gujadhur ; Alain Salva. It is those persons who are strongly suspected to be fixing races and then cheating with others on the legal and illegal betting markets ». Tous trois ont vigoureusement démenti ces accusations.</p>
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