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Arvin Boolell: «Mon ami Roshi a commis une grave erreur»

25 juin 2017, 18:23

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Arvin Boolell: «Mon ami Roshi a commis une grave erreur»

La partielle qui se profile à Belle-Rose–Quatre-Bornes, Arvin Boolell n’en voulait pas. Ce qui ne l’empêche pas aujourd’hui de se positionner… en candidat potentiel. Incohérent ? Pas forcément. Interview d’un équilibriste qui n’a pas perdu le fil de ses ambitions.

Pourquoi la perspective d’une élection partielle vous fait-elle si peur ?

Moi, peur ? Jamais de la vie ! La marmite politique, je suis tombé dedans quand j’étais petit. J’ai trop d’expérience pour ne pas voir que provoquer une élection partielle maintenant est une erreur stratégique. Cela s’imposait d’autant moins que le jugement rendu jeudi par la Cour suprême a rebattu les cartes du paysage politique (NdlR, ce jugement autorise le Directeur des poursuites publiques (DPP) à saisir le Privy Council pour contester l’acquittement de Pravind Jugnauth dans l’affaire MedPoint).

Certains de vos collègues, dont Yatin Varma, ne partagent pas votre point de vue…

Que Yatin ait son opinion, c’est son droit le plus légitime. Tout comme j’ai le droit de donner la mienne.

Du coup, quelle est la ligne du Parti travailliste : votre opinion ou la sienne ?

Pour l’instant (NdlR, vendredi soir), le parti ne s’est pas prononcé. Nous attendions que M. Bhadain prenne sa décision.

M. Varma prépare-t-il le terrain à une candidature de Navin Ramgoolam ?

Je n’y crois pas une seule seconde.

La décision de Roshi Bhadain vous a-t-elle surpris ?

Oui et non. Ce garçon est tellement imprévisible… D’un autre côté, je l’avais senti réceptif à nos arguments, les miens, ceux de Xavier-Luc Duval. J’espérais de sa part une plus grande maturité politique. Mon ami Roshi a commis une grave erreur en démissionnant du Parlement. Il va y avoir une élection, et donc une campagne. Nos partis risquent de s’entre-déchirer, il faudra recoller les morceaux ; ça prendra du temps. Après avoir été à couteaux tirés, l’opposition, aujourd’hui, travaille bien. Elle s’écoute, dialogue, collabore ; cette partielle va tout gâcher en brisant cet élan. À moins d’avoir un candidat de consensus.

C’est-à-dire ?

L’idéal serait de désigner un candidat incarnant les différentes sensibilités de l’opposition. On n’en prend pas le chemin, hélas.

Existe-t-il seulement ce candidat ?

Dans les eaux profondes, on peut trouver des perles rares (sourire complice).

Vous ?

Euh… non… enfin… je… je ne sais pas.

Vous voulez y aller ?

Je laisse le soin aux instances du parti de décider.

Mais vous, en avez-vous envie ?

(Hésitant) C’est plus compliqué que ça.

Expliquez-nous, on comprendra peut-être…

Le Parlement me manque, c’est certain, mais j’ai aussi une circonscription. Vieux-Grand-Port–Rose-Belle, c’est 30 ans de ma vie. Je ne bougerai pas sans leur bénédiction.

Résumons : vous ne souhaitiez pas cette partielle, mais vous aimeriez en être, c’est ça ?

Oui, à certaines conditions. Celles que je viens d’évoquer et d’autres, que je soulèverai devant les instances du parti.

«Le jugement de la Cour suprême a rebattu les cartes», dites-vous. Parce qu’il fait du DPP – qui se trouve être votre frère – un allié de circonstances ?

Mon frère est un allié de la justice. Il fait son travail, je fais le mien.

On n’en doute pas, mais vos intentions convergent.

J’ignore tout des intentions du Bureau du DPP.

Vous n’échangez pas entre frères ?

Si, mais on évite ce genre de sujet. C’est plus sain pour la cohésion de la famille.

On est censé gober ça ?

Croyez ce que vous voulez. Moi, je vous dis que mon frère ne s’occupe pas de politique.

Même quand la politique s’occupe de lui ?

Peu importe. Il a une trop haute estime de sa fonction pour aller se compromettre sur le terrain de la politique. Ce sont mes oignons, pas les siens.

Pourquoi faire croire que le jugement de jeudi change tout, alors qu’il ne remet absolument pas en cause l’innocence de Pravind Jugnauth ?

Parce que nous sommes en état d’urgence politique. La situation exige une dissolution du Parlement et des élections générales anticipées. Avec ce jugement, on s’en rapproche.

Ça, c’est une spéculation fantaisiste…

Comment pouvez-vous dire cela ?

Comment pouvez-vous préjuger d’une décision du «Privy Council» ?

Je ne préjuge de rien, je dis que nous entrons dans une période d’instabilité. Ça va tanguer de tous les côtés, et le MSM le sait. C’est le début d’une descente aux enfers, les premiers signes d’une mort lente et sûre.

Et c’est peu dire que le Parti travailliste s’y connaît en agonie, n’est-ce pas ?

Pas du tout. Même en 2014, le parti a survécu. Nous étions terrassés mais en vie. Depuis, on a fait notre mea culpa. On a travaillé dur, renoué le contact avec l’électorat. Deux ans et demi plus tard, nous sommes à nouveau debout, prêts pour les combat. Et ça tombe bien, parce que c’est la guerre.

La guerre ?

Vous ne voyez donc rien ? Vous n’entendez pas le ras-le-bol des Mauriciens ? Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de gagner une bataille, ce n’est pas le n°18. Ce que je veux, c’est gagner la guerre, les élections générales. Et cette guerre est devenue inévitable.

C’est nouveau, ce ton guerrier ?

J’ai toujours été un guerrier. Un guerrier de l’ombre qui respecte ses adversaires.

Pourquoi ceux qui vous ont désarmé en 2014 vous espéreraient-ils déjà ?

Parce que ce gouvernement a commis le pire des «crimes», il a trahi les engagements pris. Je suis sur le terrain, j’écoute la population, j’entends leur dégoût du régime actuel.

C’est l’arrosé-arroseur ! Avez-vous déjà oublié le dégoût suscité par le PTr ?

(Ferme) Le Parti travailliste a pu commettre des erreurs, mais il n’a jamais trahi. Jamais nous n’avons dit que les caisses de l’État nous appartenaient. Les Mauriciens sont un peuple docile, doux de caractère, mais ils ne sont pas stupides. Quand ils font la comparaison, ils nous regrettent, que ça vous plaise ou non.

Le pays serait nostalgique du Ramgoolamisme ?

Le pays est nostalgique du Parti travailliste.

Revenons à votre argumentaire anti-partiel. L’un deux portait sur le métro léger (il coupe)…

L’opposition doit absolument bloquer ce projet, or la bataille se gagnera de l’intérieur, au Parlement. C’est ce que j’avais expliqué à mon ami Roshi…

Êtes-vous opposé à l’idée même d’un métro léger, ou bien à cette version du projet ?

Après mûre réflexion, je suis convaincu qu’un métro léger est une fausse bonne idée. Ce type de transport n’est pas adapté à Maurice. C’est trop cher, trop lent, nous n’avons pas la masse critique de passagers. L’Inde nous offre Rs 10 milliards, très bien, et après ? Personne ne connaît le coût final.

Le gouvernement table sur une vingtaine de milliards…

C’est une projection. Bien malin celui qui peut prédire aujourd’hui la somme qui sera réellement engloutie.

Mais cela vaut pour tous les projets…

Celui-ci est trop risqué. Les banques locales l’ont bien senti en refusant de s’engager. Je les comprends, il y a trop d’inconnus. Par exemple, on ne sait pas comment évoluera le taux de change de la roupie par rapport au dollar, lorsqu’il faudra rembourser les emprunts. L’endettement public est déjà trop lourd, on est dans la merde (sic), ce n’est pas le moment pas d’engager des dépenses pharaoniques. Sachant, en plus, que le retour sur investissement sera nul. Dans ces conditions, aller de l’avant n’est pas seulement risqué ; c’est irresponsable. Si on le fait, le syndrome de la Grèce n’est pas loin.

Du coup, on renonce à faire sauter les bouchons ?

Non, on privilégie des Dedicated Bus Lanes. Cette solution est aussi efficace que le métro léger et beaucoup moins coûteuse.

Une dernière question, plus personnelle : oserez-vous un jour challenger Navin Ramgoolam pour le leadership du parti ?

(Moue silencieuse)

C’est tout ce que cela vous inspire ? Il est passé où, le guerrier ?

On m’a posé cette question au moins cent fois…

Vous l’avez esquivée au moins 100 fois.

Vous croyez ? Dans ce cas, je vais vous répondre une bonne fois pour toutes. (Il réfléchit) Je prendrai un jour les rênes du Parti travailliste, c’est mon ambition et elle est légitime. Pour l’instant, il se trouve que la place est prise.

Et si la patience était votre principal défaut ?

La patience est ma vertu.

Tout vient à point à qui sait attendre ?

Exactement. Mais attention, ma patience n’est pas infinie...