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Laure Boulleau, «Football et féminité: un faux débat»

27 juin 2017, 16:41

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Laure Boulleau, «Football et féminité: un faux débat»

65 sélections en équipe de France, 12 années de fidélité au Paris Saint-Germain. À 30 ans, Laure Boulleau est une valeur sûre du football féminin. La ‘Lizarazu’ des Bleues est une battante, un exemple à suivre. L’une des plus jolies sportives françaises aussi, clament ses fans, toujours plus nombreux sur les réseaux sociaux. En mode farniente dans le cadre de rêve du «Beachcomber Paradis Hotel & Golf Club», elle prépare son grand retour au top niveau après une année noire qui l’a vu enchaîner deux opérations.

Laure Boulleau, tout est réuni pour un séjour d’enfer au paradis ?
(rires) Sans jeu de mots, oui, ici c’est vrai que c’est vraiment paradisiaque. Je suis très contente d’être là et de découvrir Maurice pour la première fois. Cela me permet de vraiment décompresser, je suis complètement dépaysée, les paysages sont vraiment incroyables. Moi, je n’ai quasiment jamais pu prendre de vacances. Parce que l’été, on a toujours des compétitions internationales. Malheureusement, avec ma blessure je n’ai pas pu partir à l’Euro (NdlR : avec les Bleues). Donc, j’en profite pour faire une vraie destination et je suis très heureuse de venir ici.

Vous êtes joueuse de foot professionnelle, une vraie mordue du ballon rond. D’ailleurs, la première photo que vous avez postée de vous à Maurice, sur Twitter et Instagram, c’est une photo en maillot de bain avec un ballon de foot. Vous êtes finalement la fille parfaite pour un fan de foot n’est-ce pas ?
(rires) Je ne sais pas… (Un peu gênée) Je ne pourrai pas me permettre de dire ça. Ce qui est sûr c’est que j’adore le foot. Je ne sais pas si vous regardez ici l’émission Canal Football Club, moi je ne la rate jamais. Je regarde beaucoup de matches. Je regarde la Ligue 1. Bien évidemment je regarde les résultats de mon club. Mais j’aime bien aussi le foot anglais, le foot espagnol, le foot italien et un petit peu le foot allemand qui m’intéresse de plus en plus !

Vous connaissez tout sur le foot alors. Prête pour un quiz ?
Pas tout ! (elle mime un buzzer) Mais je m’intéresse au foot, et au foot masculin aussi. (rires)

Le football est un milieu machiste par excellence. Comment vous y êtes-vous frayé une place depuis toute petite ?
Je suis Auvergnate, dans le centre de la France, donc un peu perdue… J’étais la seule fille qui jouait au foot. La seule fille au club de foot.

Laure Boulleau s’est gentiment prêtée au jeu des photos en nous faisant apprécier sa dextérité technique lors d’une petite démonstration.

C’est venu comment le foot pour vous ?
J’étais très garçon manqué quand j’étais petite. J’étais toujours avec des garçons car au niveau de l’entente je m’entendais super bien avec les gars. Le foot c’est quand même le sport numéro 1, je n’étais pas mauvaise et j’aimais bien être bonne dans un sport. Je n’aimais pas faire un sport où je me sentais nulle. Là, j’ai rapidement senti que j’avais un potentiel dans ce sport-là et, du coup, je suis un peu devenue la mascotte du club (rires).

C’est au collège que vous avez été repérée ?
Dans la vie il y a toujours un facteur chance. J’ai été repérée par le surveillant de mon collège qui était entraîneur de foot dans le club juste à côté. Moi, je ne savais même pas que j’avais le droit d’être dans un club en fait. Je n’avais que 13-14 ans. Il m’a dit : «Est-ce que tu veux faire un essai dans le club, je te prends dans la catégorie moins de 13 avec les garçons.» Et ça a commencé comme ça. Sans lui à cet instant T, je n’aurai pas du tout eu la même vie. C’est le premier passage où j’ai vraiment pu faire du sport, puis le foot féminin a commencé à devenir médiatisé et j’ai gagné ma vie en faisant du foot. Je n’y aurai jamais cru ! J’étais passionnée de foot, donc moi peu importe, au début mon but c’était d’atteindre l’équipe nationale et d’être parmi les meilleures joueuses du monde, à mon poste.

Voeu qui s’est réalisé…
(son visage s’illumine) Je suis devenue joueuse professionnelle. Tout est top et je suis heureuse aujourd’hui de voir comment le foot féminin a grandi.

C’est difficile d’allier football et féminité ?
(déterminée) Pour moi c’est un faux débat en fait. On n’est pas obligée d’être girlie quand on joue au foot. Moi, vers 19-20 ans, j’avais vraiment la volonté de devenir femme, c’est un ressenti vraiment personnel. Peu importe si on l’a ou pas, mais je me suis dit que comme j’avais envie d’être ça ne m’empêchera pas d’être comme ça sur un terrain de foot. Je ne grossis pas le trait, je veux juste être moi-même.

Vous projetez une image très glamour, estce que ça ne crée pas des rivalités, avec des adversaires qui vont vous tacler plus durement parce que vous êtes connue ?
Non, non, ça va. Les filles sont gentilles, elles sont très fair play. Mes partenaires au Paris Saint-Germain sont justes incroyables, j’ai la chance d’avoir des filles qui ont de grosses valeurs et un très bon état d’esprit. Dans le jeu il y a des tacles, mais ça n’a rien à voir avec mon image. Mais quand on me parle du côté glamour, je ne suis pas du tout la seule !

Le match improvisé avec des enfants du Kids Club, dont une petite fille qui n’avait jamais joué au foot, a été un pur régal pour l’internationale française, comblée de jouer face à l’imposant rocher du Morne.

Pourtant, dans un article sur Internet, qui classe les 10 ‘bombes’ du football féminin…
(elle coupe) Je ne regarde pas ces trucs là mais…

…vous êtes citée comme l’une des plus belles filles du championnat de France. Qu’est-ce que ça vous fait ?
(un peu gênée) Forcément… On ne va pas dire que ça m’énerve. Je suis contente… Faut prendre les compliments comme ils arrivent… C’est cool. Je dirais à ceux qui ont fait le classement : c’est gentil, merci !

Le foot féminin a du mal à décoller ici. Quels conseils vous donneriez aux footballeuses mauriciennes ?
Cela me fait penser à mon foot du début, ce qui fait aussi partie de mes meilleurs souvenirs dans le foot. Je leur dirais juste de rester elles-mêmes, de jouer au foot et surtout de se faire plaisir. Si on peut s’imposer dans un groupe de garçons, on peut tout réussir. Juste vivre leur passion. Aujourd’hui les filles ont le droit de faire du foot. C’est en train de se démocratiser, même si c’est avec des garçons. Si elles ont le potentiel elles y arriveront et les garçons les laisseront jouer. Moi, on m’a laissé jouer hein ! Quand on est petite on peut jouer avec des garçons. Après, quand on grandit, ça devient plus compliqué…

Conseilleriez-vous aux autorités mauriciennes d’investir dans le foot ?
Bien sûr ! Si le foot féminin ne décolle pas, c’est peut-être un problème de comportement. Si les filles n’osent pas, c’est peut-être parce que ce n’est pas ouvert, peut-être qu’il faudrait les accueillir dans des structures. S’il n’y a pas assez de filles pour jouer, il faudrait déjà les accueillir dans les clubs des garçons. Puis créer une équipe…

Notre sélection existe : c’est le Lady Club M…
Ah, c’est joli ! Après il faut laisser le temps au temps. On ne peut pas forcer les filles à aimer le foot. À mon époque on avait envie d’en jouer et ce n’était pas populaire, mais ça l’est devenu après.

Vous avez été blessée pendant de longs mois, avec notamment deux opérations. Comment avez-vous vécu ces moments délicats ?
Oui, ça a été très difficile. C’est une blessure qui a traîné. J’ai eu un problème avec un ischio qui n’a pas été décelé tout de suite. Puis, j’ai mon tendon qui a littéralement pété. C’est quand même une blessure douloureuse et très longue, donc mentalement, je me suis blindée. J’ai continué et puis j’ai pris du recul. Je me suis dit qu’il y a beaucoup de personnes qui aimeraient avoir ma vie et que j’étais déjà heureuse comme j’étais. On peut tout faire quand on a la volonté. Je suis une battante et j’ai cette volonté. J’ai envie de retrouver mon top niveau, chose qui n’est pas encore arrivée aujourd’hui.

Vous êtes quelqu’un qui positive toujours et qui adore la vie, comme vous le dites sur votre profil Twitter. Comment réagissez- vous aux situations dramatiques qui se succèdent, notamment les actes terroristes en France ?
(réflexion) C’est difficile. Je ne vais pas demander aux gens de sourire alors qu’ils vivent des épreuves horribles. J’ai juste envie d’apporter tout mon soutien à toutes ces personnes-là qui vivent des atrocités. Je suis très triste, ça arrive beaucoup trop souvent. Dès qu’on voit ça aux infos, on est tous meurtris. En plus, en France on a connu des choses assez atroces et on a tous été marqué. Moi-même dès que j’entends un petit boom maintenant j’ai un peu peur. C’est dingue on est tous pareils face à ça… Vigilance, soutien aux personnes qui sont dans le malheur et espoir qu’il y ait des jours meilleurs.

Vous êtes très active sur les réseaux sociaux et postez pas mal de choses sur votre vie privée. Comme des photos avec votre toutou. Savez-vous toujours quelle limite ne pas dépasser pour que cela n’empiète pas sur votre jardin intime ?
Les limites, je me les fixe moi-même. Après c’est vrai que mon chien c’est un peu une mascotte. Moi je l’aime mon toutou ! (rires) J’y suis très attachée. Par contre, tout ce qui est vie privée, je ne mets jamais rien et les gens pourront chercher partout, ils ne verront rien. C’est une des barrières à ne pas trop franchir. L’autre jour, j’étais sur la plage et c’est vrai que j’ai posté une photo en maillot de bain mais c’est très rare. Il faudra en profiter car il n’y en aura pas beaucoup ! Mais ici, clairement, c’est compliqué d’être habillée ! (rires)

Pour les footballeurs, il y a les Wags. Et pour les footballeuses il y a quoi ?
Il y a des maris exceptionnels. Il y a des chéris. Moi, je n’aime pas trop partager qui partage ma vie, parce que je n’ai pas envie qu’on nous embête avec ça. Mais je suis très heureuse avec mon homme aujourd’hui.

Vous avez fait l’essentiel de votre carrière au PSG. Le Qatar a de gros problèmes diplomatiques en ce moment avec ses voisins. Certains pensent qu’il pourrait se retirer du PSG. Qu’en pensez-vous ?
Je n’ai aucune idée des conséquences que ça pourrait avoir à court terme comme à moyen terme sur le Paris Saint-Germain. Mais s’ils décident de partir, c’est sûr qu’il y aura des conséquences par rapport au financement car ils injectent beaucoup d’argent et ils ont créé une des meilleures équipes européennes. C’est vrai que le football coûte tellement cher que ce serait un coup dur s’ils partaient, même si d’autres investisseurs peuvent arriver…

Si Marco Verratti quitte le PSG pour le Barça, est-ce que vous changez d’équipe ?
Non, non, je l’aime beaucoup, c’est un très bon joueur. Il est arrivé au club sans être très connu, des joueurs comme ça, on n’en croise pas beaucoup. J’espère juste qu’il va rester car c’est un joueur important. Très plaisant à voir jouer. Maintenant on ne peut pas empêcher un joueur de partir…

Mais vous n’êtes pas dans le secret du Camp des Loges ? Vous ne pouvez rien nous révéler ?
Je n’en sais rien malheureusement ! Je ne suis pas proche de Verratti. Mais c’est peut-être une tactique pour avoir de meilleures conditions au Paris St-Germain. Moi, je ne le vois pas partir.

Le PSG omnisport a connu trois échecs retentissants cette saison : une finale de Ligue des champions au handball, une finale européenne contre Lyon en féminin et le fameux quart de finale retour contre Barcelone, 6-1, pour les garçons. Lequel vous a le plus traumatisée ?
En tant qu’actrice, c’est la finale perdue que j’ai vécue contre Lyon avec les filles, aux tirs au but, alors qu’on méritait de gagner (NdlR : de retour de blessure, elle était remplaçante mais n’est pas entrée en jeu). En tant que supportrice, cela a été les garçons au match retour contre le Barca, remporté 4-0 à l’aller. En plus, j’avais assisté au match aller qui avait été une vraie fête pour le Paris St-Germain. J’étais au stade, ils ont été exceptionnels, pour moi l’un des plus beaux matches de l’histoire du club. Le 6-1 gâche un peu l’exploit qu’ils ont fait à l’aller. C’est dommage… Les déroutes ça arrive, on a vu le Brésil à la Coupe du monde 2014 contre l’Allemagne. Ça arrive, il y a des jours comme ça. Mentalement, ils n’étaient peut-être pas dans leur meilleur jour et puis bon, l’arbitre on n’en parlera pas trop. Mais… Un but ça change tout. Donc, quand il en donne un… Quand il oublie de siffler un pénalty, ça fait déjà deux. Mais ça n’excuse en rien cette défaite. Ce n’est pas moi qui vais mettre la tête des joueurs sous l’eau mais même eux s’en veulent énormément.

L’an prochain la Coupe du monde féminine aura lieu en France. Vous voir brandir le trophée au bout de l’aventure ce serait l’aboutissement de votre belle carrière. L’équipe de France en a-t-elle les moyens ?
Les Françaises ont largement les moyens d’être championnes du monde, championnes olympiques, championnes d’Europe depuis au moins dix ans. Il y a vraiment des qualités énormes dans cette équipe, j’en suis persuadée. On a certains blocages. Il faut arriver à maturité tous ensembles. C’est le problème des générations dorées. Il faut être fort ensemble, être bien solidaire. Sinon pour moi, ce serait exceptionnel oui. Déjà, je vais devoir me battre pour retrouver mon top niveau, puis revenir chez les Bleues. Si tout va bien, je suis championne du monde en 2018 et je continue ma carrière… (sourire).

Vous avez déjà travaillée comme consultante pour beIN sport. La suite logique pour vous c’est journaliste sportive ?
Ouai, pourquoi pas ? C’est vrai que c’est un métier qui m’intéresse. C’est une reconversion qui me tente bien. Après j’aimerais bien travailler au sein de mon club pour développer le foot féminin en France. J’ai toujours été combattante et un peu hargneuse, j’ai envie de le faire pour continuer à suivre l’évolution du foot féminin qui, petit à petit, prend son envol.

Qu’est-ce qui manque au football féminin pour devenir aussi populaire que le foot masculin ?
Beaucoup de temps. Médiatiquement, avec le temps, on attirera plus de monde. Il manque la progression aussi. Le foot féminin, aujourd’hui, n’est plus le même qu’il y a dix ans, on a beaucoup évolué, il y a beaucoup plus de qualités. Le jeu va plus vite. Est beaucoup plus technique. Cela permettra d’avoir plus de médias, plus de public, plus d’argent, plus de circuits économiques qui nous permettront de franchir des paliers et professionnaliser notre discipline.