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Christine Duvergé, la course à la reconnaissance
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Christine Duvergé, la course à la reconnaissance
Plus qu’un roman sur le sport, Christine Duvergé décortique la gloire, la chute et la reconquête des sentiments d’une ancienne championne de Maurice. Dans «l’Essoufflée» paru chez Pamplemousses Éditions, dopage, cannabis et haine forment un cocktail qui tient en haleine le lecteur.
Des vies se décident sur une tombe. Celle de Melissa Pierre, championne du 400 mètres, décédée à l’âge de 30 ans. Première image du second roman de Christine Duvergé, L’Essoufflée. L’ouvrage vient de paraître chez Pamplemousses Éditions.
Dès cette première image, Christine Duvergé déploie son sens de la symétrie, un réseau de correspondances qu’elle n’aura de cesse de tisser au fil du roman. Celle qui est venue se recueillir sur la tombe de la championne morte est accompagnée de sa fille, qui a voulu mourir. «Athéna, 15 ans, 1 m 85, et terriblement en manque d’assurance (…) La semaine dernière, Athéna a essayé de se tuer.» Athéna, un prénom de déesse guerrière, pour remplacer la championne morte que sa mère a vénéré comme une divinité.
Ce n’est qu’en se libérant de l’emprise de Melissa Pierre que l’équilibre est rétabli à la fin du roman. Pour passer de : «J’ai blâmé la petite Athéna pour mon échec», à la libération : «Tandis que je courrais toujours après la reconnaissance d’un fantôme, ma fille s’étiolait.»
Pour parvenir à exister, faut-il remplacer une idole par une autre ? C’est cette impossibilité de vivre, sans toujours avoir quelqu’un sur qui concentrer ses sentiments, que raconte le roman. Des idoles exclusives, car il n’est possible pour le personnage central d’en aimer qu’une seule à la fois.
L’Essoufflée est une confession de la mère à la fille écrite à la première personne. C’est littéralement «Sac Corails» – le surnom du personnage – qui vide son sac. Pour enfouir rancoeurs et déceptions, au fond de la tombe.
Un long flash-back autour d’un monument funéraire, porté par le «je» enfiévré, paumé de Coralie Gauthier, qui se décrit ellemême comme, «une success story, une réussite, une selfmade woman (…) Je suis une arnaqueuse. Je gagne ma vie en vendant des mensonges». Les relances d’Athéna, que le lecteur finit par oublier au fil du récit, deviennent presque des interférences. Alors même que le dénouement est en sa faveur.
C’est à travers les yeux de Coralie Gauthier que nous entrons dans sa famille biologique. «Mon père Ralph : directeur de banque. Ma mère Ghislaine : styliste pour robes de mariées et demoiselles d’honneur. Mon frère : lauréat. Moi : rien.»
Ainsi que dans sa famille sportive : le club Warriors. À la rencontre du «patron», Sylvio Amura, tyrannique et anti fairplay. Un entraîneur qui décide à l’avance de l’issue des courses. Et qui s’arrange avec les substances illicites.
«Je suis une arnaqueuse. Je gagne ma vie en vendant des mensonges.»
En couverture de L’Essoufflée : la foulée d’une coureuse. Le titre évoque l’effort. Avant d’être professeur de français à l’University of California, l’auteur, Christine Duvergé, est comme son personnage, une spécialiste du 400 mètres. Elle a bénéficié d’une bourse sport-études aux États-Unis à la fin des années 80.
La tentation de tirer des parallèles entre l’auteur et ses personnages est grande. Comment ne pas se demander à quel point la fiction s’appuie-t-elle sur la réalité ? Car ce roman est aussi une dénonciation en règle des pratiques douteuses dans un monde où la transpiration n’est pas que d’eau mais aussi d’anabolisants. Un monde où les paris sur les courses pourrissent les relations. Sous la loupe de l’auteur-sportive, la dissection des corps d’athlètes révèle qu’ils ne respirent pas la santé.
Mais L’Essoufflée n’est pas qu’un roman sur le sport. Avec des mots simples, sans effets de manche, c’est surtout la course de l’introspection que court Christine Duvergé. Une course à la reconnaissance, qui démarre à l’adolescence, quand Coralie Gauthier crie intérieurement à ses parents – un couple qui s’aime et qui se suffit à luimême – «regardez-moi».
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