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Menaces de mort contre Duval: ce que risque Soodhun

21 juillet 2017, 23:30

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Menaces de mort contre Duval: ce que risque Soodhun

Grave dérapage du vice-Premier ministre et n°4 du gouvernement, Showkutally Soodhun. «Si mo bodyguard ti donn mwa so rivolver, mo touy Xavier Duval dan Parlman. Saem apel djihad.» Voilà ce qu’il a déclaré lors d’une célébration de la fête Eid-ul-Fitr à Flacq mardi. Une vidéo où il fait cette déclaration a circulé sur les réseaux sociaux. Le ministre peut-il être accusé de sédition ? Que prévoit la loi ? Que risque-t-il ? Éléments de réponse.

La sédition divise les avocats. Certains considèrent cette loi comme archaïque. Cependant, ils s’appuient sur plusieurs autres articles du code pénal pour condamner les menaces de Showkutally Soodhun. Pour Me Anoup Goodary, la sédition n’est pas applicable dans ce cas. Cependant, il y a un délit assez clair de menaces verbales, qui est passible d’un an d’emprisonnement, sous l’article 226 du code pénal. «Il peut aussi être poursuivi pour incitation à la rébellion. Même si la rébellion n’a pas eu lieu, l’instigateur est passible d’emprisonnement», explique-t-il.

Selon l’avocat, le vice-Premier ministre peut également être poursuivi pour outrage à un représentant d’une autorité publique. «Any outrage committed publicly… against one or more members of the Cabinet or of the Assembly… shall be punished by imprisonment, and by a fine not exceeding 10,000 rupees», peut-on lire dans l’article 156.

Outre le code pénal, Showkutally Soodhun est passible de poursuites sous le Prevention of Terrorism Act. Cette loi prévoit une arrestation pour toute personne qui «déstabilise… le fondement poli- tique d’un pays» ou cause «une attaque menant à la mort».

De son côté, Mario Cangy, membre du Parti mauricien social-démocrate et ancien policier, a porté plainte contre le ministre hier au Central Criminal Investigation Department (CCID) pour outrage à la moralité publique, incitation à la haine raciale et sédition. Il a, entre autres, mis en avant l’article 283 du code pénal, qui stipule que toute personne qui «raises discontent or disaffection among the citizens of Mauritius or promotes feelings or illwill and hostility between different classes of such citizens» est passible de poursuites pour sédition et risque une amende allant jusqu’à Rs 20 000, ainsi qu’une peine d’emprisonnement d’une durée maximale d’un an.

Le ministre du Logement et des terres est aussi passible de poursuites sous l’article 206 du code pénal pour outrage à la moralité publique et religieuse. Cet article de la loi prévoit une amende allant jusqu’à Rs 10 000 et une peine d’emprisonnement d’un an pour tout individu reconnu coupable de menaces proférées dans un lieu public.

Quid de l’immunité dont bénéficient les parlementaires ? Ne protège-t-elle pas Showkutally Soodhun ? À Maurice, les parlementaires bénéficient de l’immunité uniquement au sein du Parlement. Tous les propos tenus en dehors sont considérés comme des propos de citoyens normaux. De ce fait, le ministre du Logement et des terres est passible de poursuites et de condamnation.

Devrait-il être arrêté ?

La police a-t-elle besoin d’une plainte formelle pour démarrer une enquête et interpeller Soodhun ? Car cela fait trois jours que les menaces ont été proférées et aucune action n’a été prise. Le commissaire de police ne compte-t-il pas agir, vu que les menaces ont été faites en public ? Au sein de la police, on avance qu’il faut d’abord une plainte pour démarrer une enquête. Or, Mario Cangy l’a déjà fait. On fait ressortir que même après sa plainte, il faut une enquête pour situer les responsabilités. «Il faut vérifier le contenu des propos et l’authenticité de la vidéo», fait-on savoir. Il faut aussi s’assurer que la célébration en question s’est bien tenue. Ensuite, les enquêteurs devront interroger les policiers qui y ont assisté et vérifier l’origine de l’enregistrement posté sur Facebook. Si tous ces éléments sont obtenus et confirment le délit allégué, le vice-Premier ministre sera convoqué pour donner sa version.

Cependant, selon Adrien Duval, le commissaire de police a déjà fait poster une sentinelle devant le domicile du leader de l’opposition. Mais que se passerait-il si ces menaces étaient proférées par un citoyen qui ne tient pas de poste ministériel ? «Pour que la police initie une enquête, il faut que l’individu se sente menacé. S’il prend les propos pour une plaisanterie, il n’y aura rien», explique-t-on dans le milieu légal.

L’ex-président du Bar Council, Raymond d’Unienville, abonde dans ce sens. «Les menaces sont dangereuses uniquement lorsque la personne se sent menacée. Si la menace est proférée comme une plaisanterie, il n’y a pas de délit», explique-t-il, estimant que le public est habitué aux propos fracassants de Showkutally Soodhun qui font rire plus qu’autre chose.

En tout cas, Me Rouben Mooroongapillay, homme de loi de Mario Cangy qui a accompagné son client au CCID, souhaite que Showkutally Soodhun démissionne le temps que la police mène son enquête. Il plaide aussi pour qu’il n’y ait pas de cover-up.

Cette situation est-elle comparable aux menaces que Pravind Jugnauth et sir Anerood Jugnauth ont reçues des caïds de la drogue ? Car il nous revient qu’une enquête est en cours. Non, répond-on. Cette affaire a été confiée au Counter Terrorism Unit de la police et elle agit indépendamment des plaintes ou pas pour assurer la sécurité du pays. Cette unité dispose de certaines libertés et méthodes que les autres n’ont pas. Nous avons tenté d’interroger Mario No- bin sur les procédures, mais aucune suite n’a été donnée à notre courriel.

Deux politiciens inquiétés pour moins que cela

<h2>&nbsp;Danielle Selvon</h2>

<p>&nbsp;La police avait fait une &laquo;<em>entrée</em>&raquo; contre la députée indé- pendante Danielle Selvon en avril 2016 pour incitation à la haine contre le gouvernement. Les forces de l&rsquo;ordre lui reprochaient d&rsquo;avoir manifesté avec des marchands ambulants dans les rues de la capitale. Elle était également la conseillère juridique de Hydar Ryman, le président de l&rsquo;association des marchands ambulants</p>

<h3>&nbsp;Pravind Jugnauth</h3>

<p>C&rsquo;est le 26 décembre 2012 que le leader du MSM, Pravind Jugnauth, avait été arrêté pour sédition et diffamation contre le gouvernement. Cela après que la ministre de la Sécurité sociale d&rsquo;alors, Sheila Bappoo, avait porté plainte à la police, disant que Pravind Jugnauth avait qualifié le gouvernement de &laquo;<em>pédophile&raquo;,</em> en référence à l&rsquo;affaire MITD. Et qu&rsquo;il aurait tenu des propos, jugés diffamatoires par ses opposants, lors d&rsquo;une conférence de presse sur l&rsquo;affaire Nandanee Soornack. Le CCID avait convoqué le leader du MSM pour un interrogatoire, mais il ne s&rsquo;était jamais rendu aux Casernes centrales. La police était allée l&rsquo;arrêter chez lui pendant la journée du 26 décembre. En 2014, les charges ont été rayées contre lui.</p>

<h3>Silence radio au PMO</h3>

<p>Devant les dérapages répétitifs de Soodhun, le Prime Minister&rsquo;s Office (PMO) a-t-il l&rsquo;intention de le rappeler à l&rsquo;ordre ? Nous avons demandé au PMO si une enquête sera initiée sur ces propos controversés, surtout qu&rsquo;elles surviennent quelques semaines après le communiqué du Qatar. Aucune réponse ne nous est parvenue.</p>

<h3>L&rsquo;image du MSM et du pays affectée</h3>

<p>Pour Ajay Daby, il ne fait aucun doute que le dérapage du président du Mouvement socialiste militant (MSM) représente un danger non seulement pour le pays, mais aussi pour son propre parti. Il explique que de tout temps, il y a eu des politiciens et des partis religieux, mais c&rsquo;est la première fois qu&rsquo;un ministre atteint cet extrême. &laquo;<em>Si Pravind Jugnauth ne fait pas attention, il finira par donner l&rsquo;impression de diriger un &lsquo;outlaw party&rsquo;</em>&raquo;, prévient l&rsquo;ancien Speaker de l&rsquo;Assemblée nationale. Vijay Makhan, ancien secrétaire aux Affaires étrangères, n&rsquo;en démord pas : les menaces de mort de la part du vice-Premier ministre auront certainement un impact sur l&rsquo;image de Maurice à l&rsquo;étranger. &laquo;Pour les investisseurs et diplomates qui suivent la politique de Maurice, nous sommes de plus en plus une république bananière. On ne sait plus quel message ils veulent faire passer&raquo;, fustige-il. Pour lui, Maurice projette une image de plus en plus déplorable sur la scène internationale.</p>

<h2>Ses frasques</h2>

<h3>Soodhun est connu pour ses frasques et autres polémiques. En voici quelques-unes.</h3>

<p>5 juin 2017: Confusion sur la scène internationale. Le vice-Premier ministre (VPM) émet un communiqué pour dire que Maurice suspend toutes ses relations avec le Qatar. Un second communiqué, &laquo;officiel&raquo; émis par le ministère des Affaires étrangères, vient le démentir.</p>

<p>4 juin 2017 : Un emprunt de Rs 1 million qui aurait été obtenu de Kedar Chapekar, homme d&rsquo;affaires indien et CEO de Garware Infra Projects Ltd à Dubaï. L&rsquo;histoire est révélée par Sunday Times mais le VPM nie avoir fait des démarches pour demander un prêt.</p>

<p>3 août 2016 : Retour à Maurice dans le jet privé du prince Mohammed Bin Salman à la suite de problèmes de santé.</p>

<p>Février 2016 : Lors d&rsquo;une visite en Arabie saoudite, Saudi Gazette le présente comme le &laquo;<em>Minister of Islamic Affairs&raquo;.</em> Il a également affirmé que Maurice soutenait les actions de l&rsquo;Arabie saoudite contre l&rsquo;Iran.</p>

<p>27 novembre 2015 : Showkutally Soodhun s&rsquo;attire les foudres du personnel navigant d&rsquo;Air Mauritius pour des propos &laquo;<em>insultants&raquo;</em> à l&rsquo;encontre de la compagnie nationale. Il avait avancé que <em>&laquo;c&rsquo;est dégradant&raquo;</em> de voyager à bord d&rsquo;Air Mauritius.</p>

<p>&nbsp;24 août 2010 : Ardoise de Rs 396 176 pour des soins à Apollo Bramwell (maintenant Wellkin Hospi- tal) alors qu&rsquo;il était ministre du Commerce. La dette n&rsquo;est rayée qu&rsquo;en 2014.</p>

<p>&nbsp;2009 : L&rsquo;achat d&rsquo;une Mercedes E250 d&rsquo;une valeur de Rs 2,1 millions et d&rsquo;une Mitsubishi ASX discountée à Rs 787 050 pour Gbrent Ltd, la compagnie de son fils. Les factures avaient fait polémique.</p>

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