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Perspective historique : ni janvier 1968, ni février 1999

22 juillet 2017, 18:33

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Perspective historique : ni janvier 1968, ni février 1999

Les dérapages verbaux de l’excessif Showkutally Soodhun sont courants. Mais son «sa mem ki apel djihad !» a une portée dangereuse. Il admet qu’il peut avoir recours à la violence pour compenser un heurt à ses croyances religieuses. Ce faisant, le politicien invite ses auditeurs à l’imiter, s’ils se retrouvent dans une situation similaire.

Ainsi, le politicien Soodhun prêche l’intolérance et recommande la violence. Ce sont des pratiques malvenues dans une société plurielle. Quand la confrontation des identités religieuses est importée dans le champ politicien, la méfiance s’installe, l’hostilité s’affiche et la tension entre communautés perdure. À Maurice, ce processus s’est parfois terminé en drame, comme en 1968, à Port-Louis. En 1999, heureusement que la situation a pu être maîtrisée après des jours difficiles vécus par la population.

Les années 60. L’identitaire est très présent dans le débat politique durant la période pré-indépendance. Cela avait créé une inutile tension au sein de la population, parfois aboutissant à des morts d’hommes. Les aînés se rappellent les écrits sous la signature de NMU, le pseudonyme de Noël Marrier D’Unienville, dans le journal Le Cernéen de l’époque.

De 1963 à 1967, les campagnes politiques ont été très marquées par l’identitaire. On développe une attitude dénigrante à l’égard d’une communauté et on pratique le refus de l’autre. «Enveloppé nou pas oulé», avait dit le slogan d’un parti. Des mensonges sont débités et de nombreux compatriotes sont amenés à fuir le pays pour trouver refuge en Australie.

En janvier 1968, une tension entretenue entre communautés dégénère. Cela avait abouti à ce qu’on a appelé les «bagarres raciales». Le bilan est lourd : plus de 20 morts, des centaines d’abandons de résidences et un bouleversement de la sociologie dans la capitale. Officiellement, ces «bagarres raciales» sont le prolongement violent d’un contentieux entre proxénètes. C’est un peu court pour expliquer que de paisibles pères de familles s’en prennent, du jour au lendemain, à leurs voisins d’une communauté autre que la leur. La vérité est tout autre : une pratique politicienne, pendant des années, a permis d’exacerber une hostilité entre les communautés.

À la fin des années 90, une partie de la population a le sentiment d’être laissée pour compte et d’être maltraitée par ceux qui, à ses yeux, symbolisent l’État. La mort soudaine en cellule policière d’une icône de ce groupe provoque des émeutes et la déprédation des biens publics. Des membres d’autres communautés s’identifiant à l’État se mobilisent pour contre-attaquer. Le pays s’achemine vers la catastrophe. Heureusement, de nombreux Mauriciens pratiquant la tolérance, à l’instar du président de la République, Cassam Uteem et du cardinal Jean Margéot s’engagent à fond pour prévenir tout débordement. La sagesse prévalant, le pays évite le pire. Le spectre d’un communalisme violent s’éloigne. On peut espérer qu’il en sera de même de nos jours. Toutefois, ce n’est pas pour autant que des politiques doivent jouer les pyromanes.

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