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Traditions: aller au cœur de la cuisine chagossienne
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Traditions: aller au cœur de la cuisine chagossienne

Le Chagos Refugees Group a proposé une belle balade dans le passé, soit un atelier de cuisine, dans le but de transmettre les connaissances culinaires traditionnelles des aînés à la jeune génération.
Samedi, au siège du Chagos Refugees Group à Pointeaux-Sables, un air de fête règne. Dès le seuil franchi, ce sont des rires d’enfants et un parfum appétissant de mets cuisinés qui vous accueillent. C’est un atelier culinaire dont le but est de partager les recettes de cuisine traditionnelle des aînés à la jeune génération chagossienne.
«Depuis longtemps, les membres de la communauté me demandent de les aider à faire connaître et promouvoir leur culture. Cela m’a pris cinq ans pour trouver les fonds nécessaires pour mettre sur pied ce projet», explique Laura Jeffery, anthropologue.
«Nous avions voulu faire un atelier où tout serait bien structuré pour que les aînés puissent expliquer aux jeunes de la nouvelle génération les différents plats et modes de cuisson. Or, dès qu’ils sont arrivés au siège, ils ont tout pris en main et la transmission s’est faite tout naturellement, sans que nous ayons à intervenir. La communauté est vivante et le système de transmission est encore en place», a noté pour sa part le professeur et linguiste, Vinesh Hookoomsing.
Pendant que les hommes s’attelaient à l’épluchage et au râpage des noix de coco, les femmes s’occupaient de la cuisson. «Les femmes sont en avant dans cette communauté. En fait, les sociétés créoles sont des sociétés matriarcales. C’est la maman qui tient la famille. La présence des femmes se ressent fortement», souligne Vinesh Hookoomsing, qui ajoute que «toute la culture des Chagossiens tourne autour du coco et de sa transformation. La noix de coco était omniprésente dans leur quotidien. Leur nourriture était simple et saine»
En effet, pour les besoins des plats préparés samedi, plusieurs noix de coco ont été râpées. «L’épluchage et le râpage se font de manière traditionnelle. Pour l’épluchage des noix de coco, nous utilisions un pic à moitié enterré. Son extrémité ressemble à la pointe d’une sagaie. En un rien de temps, la noix de coco est épluchée. Aux Chagos, je pouvais éplucher jusqu’à 3 000 noix de coco par jour», raconte Marcel Himbert. Il ajoute que «pour le râpage, nous utilisons un fer plat dont l’extrémité est en dents de scie. Cela permet de râper finement la noix de coco».
Une fois les noix de coco râpées, les femmes prennent le relais. «Nous devons maintenant en extraire le lait. Pour ce faire, nous ajoutons un peu d’eau chaude aux cocos râpés. Il faut bien mélanger le tout, puis les essorer à la main. Dans la communauté, nous appelons ça kamé le coco», explique Liseby Elysée, native des Chagos. Le lait de coco est ensuite utilisé dans une multitude de plats dont le fameux seraz.
«Il existe différents types de seraz. Il peut être au poulet, au poisson, à l’ourite et pour les végétariens, avec des lentilles. Il est traditionnellement cuit sans épices et sans huile, mais certains y ajoutent un peu de piments ou de safran», souligne Rosemay Mandarin. Dans sa marmite mijote un appétissant seraz au poulet dans lequel elle a ajouté du giraumon. Elle est entourée de Madeline Ng, Rosemonde Ramain et Chantal Anroop. Ces dernières sont venues apprendre les secrets de la cuisine traditionnelle chagossienne. Tout comme elles, Isaac, un jeune homme d’une vingtaine d’années est également présent pour observer et apprendre. Ses grands-parents sont Chagossiens.«Il y a des choses comme le muf que je ne connaissais pas. Je trouve ces ateliers très intéressants», explique-t-il.
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Plus loin, on rencontre Maudea Saminaden. Elle fait cuire un plat qui intrigue dès le premier regard. «Je cuisine du muf», souligne-t-elle. «Il s’agit d’un dessert à base de lait de coco et de riz» fait-elle ressortir. «Aux Chagos, je le faisais cuire dans des fey zerme mais il est difficile d’en trouver ici. Donc, j’utilise des feuilles de bananes».
Celle qui a vu le jour aux Chagos a la nostalgie des mets et des boissons que la communauté ne retrouve pas à Maurice. «On faisait cuire un brède qu’on appelait lalang vache. J’en ai cherché ici. J’ai vu un brède qui ressemble un peu à ce qu’on consommait, mais celui d’ici est immangeable».
Dans le même registre, Maudea Saminaden se souvient du kalou, boisson alcoolisée fabriquée à partir de jeunes cocotiers. «Le kalou était de couleur bleue comme l’océan» raconte-t-elle.
Maudea Saminaden nous entraîne dans ses souvenirs. A côté sur feu de bois, des dholl piti cuisent dans du lait de noix de coco. D’autres femmes préparent des brèdes mouroum qui seront appelés à être frits avec du piment rouge. Entre ces marmites qui bouillonnent et les enfants qui s’amusent en jouant au tina, un jeu inconnu de nombreux petits Mauriciens, il règne dans cette cour l’atmosphère d’un temps révolu, empreint de bien-être et de grande simplicité.
«Je pense que c’était ainsi qu’ils vivaient aux Chagos», explique Saradha Soobrayen, auteure mauricienne vivant en Angleterre. Cette dernière n’est pas restée insensible aux souffrances des Chagossiens. Elle a fait ce voyage pour s’inspirer de leur quotidien. «À Crawley, en Angleterre là où les Chagossiens se réunissent, les ateliers sont organisés différemment. Tout est fait à l’intérieur. Ici, ça donne un aperçu de leur communauté aux Chagos», souligne-t-elle.
À 13 heures, les plats sont prêts. Il ne reste plus qu’à les déguster. Une fois de plus, le service se fait dans la discipline et dans l’entente. C’est avec délice que chacun se délecte de son seraz accompagné de riz ou de roti cuit avec du lait de coco. Même s’ils sont loin de leurs îles, la saveur de leurs mets reste authentique et rappelle, à chaque bouchée, la simplicité de leur vie aux Chagos.
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