Publicité
Lindsay Morvan: «La société mauricienne passe par une crise du respect des valeurs»
Par
Partager cet article
Lindsay Morvan: «La société mauricienne passe par une crise du respect des valeurs»

Le progrès nécessite une action sur le terrain auprès des démunis, selon Lindsay Morvan, président du Mouvement pour le progrès de Roche-Bois (MPRB), qui tacle entre autres l’irresponsabilité de certains compatriotes.
Le MPRB a lancé l’Académie des parents. Qu’est-ce qui a motivé cette initiative?
L’Académie des parents est une continuation de l’école des parents, initiée par le MPRB en 2000, avec le soutien de la Mauritius Commercial Bank (MCB). Durant la mise en œuvre de notre programme d’accompagnement des enfants de Roche-Bois et des régions avoisinantes, nous avions constaté l’intérêt de nombreux parents pour le suivi scolaire de leurs enfants. Cependant, beaucoup d’entre eux, admettant des faiblesses de lecture et d’écriture, regrettaient de ne pouvoir accompagner leurs enfants. Soutenu par l’Institute for Child’s Rights, le MPRB a présenté un projet d’école de parents à la MCB.
Faisant appel à divers intervenants externes sur des sujets relatifs à l’épanouissement, le bien-être et le respect des droits des enfants, nous avons organisé plus d’une dizaine d’ateliers résidentiels à l’intention de centaines de parents. Avec l’introduction du Nine-Year Schooling, nous avons réajusté notre tir en créant l’Académie des parents.
Comment fonctionne l’Académie des parents?
Elle travaille davantage à la sensibilisation et la formation des parents sur les objectifs de la réforme éducative. Ils doivent soutenir leurs enfants. Et ces derniers doivent bénéficier au maximum de cette réforme. C’est ainsi que le taux d’échec et celui du décrochage scolaire pourront être réduits. Nous estimons pouvoir, à travers les divers programmes de formation des parents, contribuer à un niveau régional et communautaire à la réalisation des objectifs de développement durable pour éradiquer la pauvreté. C’est ainsi que nous sommes partie prenante dans la mise en place de l’Observatoire de la Parentalité de l’Océan Indien à l’initiative de la Caisse d’Allocation Familiale de la Réunion.
Quel est votre bilan du travail effectué par le MPRB et l’Académie des parents?
L’école des parents avait suscité une grande motivation et une prise de conscience des habitants par rapport à l’importance de l’éducation. Cela a donné des résultats. En 1996, la moyenne de réussite au Certificate of Primary Education à l’école Emmanuel Anquetil, à Roche-Bois, était de 6 %. Et, depuis 2014, elle est passée à 50 %. C’est bien loin des 100 %, mais il y a eu un progrès découlant de la prise de conscience des parents et du soutien d’organisations non gouvernementales.
Comment expliquez-vous la recrudescence de la violence et d’inconduite chez les jeunes?
Les explications sont multiples. Les jeunes sont le reflet des adultes. Avant, les enfants disaient : «Je vais à l’école pour apprendre à lire, à écrire, à compter et acquérir de bonnes manières !» Aujourd’hui, on a remplacé les quatre derniers mots par «avoir un bon certificat pour décrocher un bon travail et gagner beaucoup d’argent».
Aujourd’hui, le verbe «avoir» domine notre société. Les parents se défilent devant leurs responsabilités. Ils les transfèrent aux écoles et traitent leurs enfants comme des pâtes mises au four du système scolaire, dans l’attente de beaux gâteaux à la fin de la cuisson. Beaucoup d’enfants qui entrent en Standard I, surtout dans les écoles dites cinq étoiles, dé- butent par une grosse tricherie sur leurs adresses. Quel démarrage ! Ceux qui nous dirigent encouragent les passe-droits et le népotisme. Des enseignants complètent le syllabus aux leçons particulières et des syndicalistes manifestent contre l’abolition de cette pratique. Par ailleurs, les dessins animés et les jeux vidéo sont de plus en plus violents.
Quels sont les changements dans nos habitudes sociales qui ont conduit à la situation actuelle?
Une culture d’indiscipline généralisée gangrène notre quotidien. Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce je fais! Cela s’applique aussi bien aux parents par rapport aux enfants qu’à nos dirigeants politiques par rapport aux citoyens! Chacun dénonce une situation d’injustice uniquement quand cela n’est pas en sa faveur. Sinon, on en profite tranquillement aussi longtemps qu’on le peut.
Que doit-on entreprendre pour renverser la tendance?
Un bon coup de balai au sens propre comme au sens figuré. La société mauricienne passe par une crise du respect des valeurs et des principes. Les citoyens ne croient plus en nos institutions qui fonctionnent à deux vitesses. Il faut que les lois soient respectées par tous, indistinctement et en toutes circonstances, pour que la confiance soit rétablie.
On évoque presque quotidiennement des cas de violences conjugales. Vos commentaires?
Quand un mari frappe sa femme, il faut l’enfermer, du premier coup, comme cela se fait dans les pays civilisés. Pas besoin de passer par quatre chemins. Il n’y a pas meilleur moyen de dissuasion. Bien sûr, un suivi psychologique est nécessaire, mais après le séjour en prison. Je n’ai aucun respect pour un homme qui agresse sa femme. Les parents ne doivent pas favoriser leur fils, au détriment de leur fille. Souvent, cela se passe sans que les parents ne s’en aperçoivent. Si en grandissant le fils se sent supérieur à sa sœur, il ne montrera pas de respect pour elle et développera la même attitude à l’égard d’autres filles. Ce qu’il risque de répéter vis-à-vis de sa future épouse.
Bio Express
<p>Dès 16 ans, Lindsay Morvan dispense des cours d’alphabétisation à des jeunes au sein du club Red Birds. Plus tard, il rejoint le Roche-Bois Boy Scout Club. En 1993, avec d’autres amis du quartier, il lance le MPRB. L’année suivante, il fait partie du trio fondateur de l’Atelier Mo-Zar. De 2000 à 2005, l’enfant de Roche-Bois est président de la National Agency for the Treatment and Rehabilitation of Substance Abusers. Le travailleur social milite dans plusieurs pays africains pour la promotion des droits humains.</p>
Publicité
Publicité
Les plus récents




