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Développement foncier dans l’Ouest: les Salines de Rivière-Noire avant les coups de pioche

30 juillet 2017, 00:30

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Développement foncier dans l’Ouest: les Salines de Rivière-Noire avant les coups de pioche

Où se trouvent donc les Salines Koenig ? Pour s’y rendre, il faut prendre le chemin de sable, à droite, après le grand pont de Rivière-Noire, nous explique un habitant du coin. De la route principale, ce chemin broussailleux paraît suspect. Nous l’empruntons tout de même, car le lieu nous intrigue. Bientôt, il sera en chantier afin que s’y installent des hôtels et autres développements fonciers.

Une centaine de mètres après, caché derrière les buissons et séparé du chemin sableux par une étendue d’eau, l’on peut percevoir des villas de luxe, identiques l’une à l’autre. Dans l’eau, un, deux, trois yachts sont amarrés, un peu plus loin, un speedboat. Nous continuons notre bout de chemin, un trajet cahoteux sur environs un kilomètre, quand soudain, devant nous, commence une belle pelouse manucurée. Ci et là des cocotiers, une petite colline sur laquelle repose une imposante villa. Quelques mètres après, le sable laisse place au bitume, enfin une route en parfait état, après les nids de poule du kilomètre de sable.

Un canon datant de l’époque coloniale veille sur la plage que bordera bientôt un énième complexe hôtelier.

Terrain privé, entrée privée, chemin privé, les panneaux semblent se multiplier à vue d’oeil. Avons-nous perdu notre chemin ? Non, nous affirme le chauffeur, c’est la seule route qui peut nous mener à notre destination. Nous poursuivons, le chemin se divise, pas besoin de demander laquelle va vers les salines, l’autre, elle est barricadée. Après le premier tournant, ce ne sont que des barricades des deux côtés, chaque chemin de ce morcellement privé est interdit d’accès. Un gardien dans son uniforme blanc nous regarde d’un oeil suspect, point de sourire sur les lèvres.

Après un kilomètre de route de plus, nous arrivons à la fin du chemin de bitume et nous reprenons le chemin de sable. Notre chauffeur s’inquiète, les broussailles des deux côtés sont denses, la tôle de sa belle voiture flambant neuve risque de faire les frais de notre excursion. Des deux côtés de la route, une plante qui se fait rare, le cotonnier. Ces arbustes auraient pu passer inaperçus s’il n’y avait pas les boules de coton blanc comme neige qui attirent le regard.

Pierres pillées

Après encore un kilomètre de sable, on arrive devant un grand portail qui commence à prendre la rouille. Il est ouvert. Juste derrière s’étendent les salines centenaires de Rivière-Noire. À côté, plusieurs conteneurs sont entassés, juste devant, un homme, le casque jaune vissé sur la tête, prend des mesures. Lui est employé dans une compagnie de consultants. La compagnie qui l’emploi, nous apprend-il, a été mandatée par Luxconsult pour faire une étude des lieux, afin de pouvoir déterminer où les nouvelles routes devront être construites.

Effectivement, l’employé nous indique des piquets blancs sur le sol, à environs 30 mètres d’intervalle chacun. Deux routes sont prévues, confie l’employé, ainsi qu’un rond-point. Ces routes, dit-il, seront pour avoir accès aux hôtels qui seront construits. Les employés devront revoir le tracé pour l’une d’elle, car il y a un terrain privé en plein milieu. L’autre traversera les salines, pour aller jusqu’à la plage. Nous décidons d’y aller justement, pour voir cette plage qui sera bientôt le front de mer d’hôtel.

Nous parcourons encore un kilomètre avant d’arriver à la Batterie de l’Harmonie, une vieille relique que le gouvernement projette de transformer en village des artistes. En attendant, le bâtiment est en piteux état, des pierres taillées ont été pillées, des vitres sont cassées, certaines pièces de ce que les habitants du coin appellent le château ont été brûlées. Mais ce tableau n’est pas tout à fait noir. Il suffit pour cela de se tourner vers l’océan.

Un ciel bleu, une eau turquoise et le soleil qui s’y reflète, c’est le beau spectacle qui s’offre à nos yeux. Cette plage qui s’étend à perte de vue n’a visiblement pas beaucoup souffert de l’érosion. Le sable blanc et fin, de jolis coquillages, des crabes et au loin dans l’eau, des pêcheurs dans leur barque. On s’attend à voir des dauphins bondir hors de l’eau, car, nous dit-on, ils viennent souvent dans le coin. Une plage qui fait effet de carte postale, loin de la civilisation. Car, avec les cinq kilomètres de route à parcourir et les repoussants panneaux indiquant chemin privé, rares sont ceux qui s’aventurent jusque-là.

Les panneaux sont nombreux à signifier que le lieu est privé.


Des habitants résignés

<p>Ces six projets hôteliers, qu&rsquo;en pensent les habitants de Rivière-Noire ? <em>&laquo;Nous sommes très contents de ce développement&raquo;</em>, affirme Jean Gaëtan Begue, secrétaire des forces vives du village. Pour ce sexagénaire, c&rsquo;est une bonne chose pour les habitants du quartier. <em>&laquo;Pendant dix ans nous avons attendu ce développement et maintenant cela se concrétise&raquo;</em>, dit-il. Pourtant, ce n&rsquo;est nullement l&rsquo;avis de tous les habitants du quartier. À l&rsquo;instar d&rsquo;une jeune femme, qui vient tout juste de descendre d&rsquo;un autobus. À 26 ans, cette mère ne veut nous donner son nom mais elle fait valoir son mécontentement face à ce projet.</p>

<p><em>&laquo;Nous avons besoin de développement mais pas de ce genre. Il y a déjà des ERS, IRS ici, cela a-t-il aidé les habitants ? Pas du tout. Ena dé kalité dimounn ki ress Rivier Nwar. Ou gayn ban ris dan zot kanpma pié dan lo ek lerla ou gayn nou, fami peser ki tras zot lavi.&raquo; </em>Elle explique que ce projet ne changera en rien son lot quotidien car <em>&laquo;nou pa alé mem sa laplaz la. Li tro andan, nou péna loto pou kapav al la ba.&raquo;</em></p>

<p>Un peu plus loin, sous la devanture de sa boutique, Jean-Claude Wong regarde les passants. Avec ces projets, dit-il, les gens du quartier auront du boulot. Quant à l&rsquo;accès à la plage, le sexagénaire explique qu&rsquo;il n&rsquo;en a plus rien à faire, il ne s&rsquo;y rend que très rarement. <em>&laquo;De toute façon, nous faisons confiance aux forces vives, elles vont lutter pour nous.&raquo;</em></p>