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Shift System: les blouses blanches vertes de rage

2 août 2017, 08:31

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Shift System: les blouses blanches vertes de rage

Le système de rotation pour les généralistes du public est entré en vigueur hier. Trop prématurément, selon les syndicats.

Manque à gagner, horaires difficiles, planning (roster) «injuste»… Autant de maux dont souffrent les médecins généralistes de la fonction publique. Et ce, après l’introduction du système de rotation (Shift System) dans la majorité des départements hier. Le recrutement des 350 médecins le mois dernier visait justement à alimenter ce système. Dans les milieux concernés, on avance qu’une grève de la faim serait même envisagée. Par ailleurs, les généralistes ont manifesté hier devant les locaux du ministère de la Santé, à Port-Louis. Retour sur ce mal-être des professionnels de la santé qui risque d’atteindre les patients…

Outre l’unsorted department, la psychiatrie, la neurochirurgie, les dispensaires et médicliniques et l’hôpital Brown-Séquard, le Shift System a été instauré à tous les niveaux dans les hôpitaux publics. Ce nouveau système, appliqué jusqu’ici depuis avril 2016 uniquement aux urgences, vient avec son lot de changements. Des modifications qui plombent le moral des médecins et qui menacent d’influencer le service offert aux patients.

Sous l’ancien système, les généralistes étaient appelés à travailler 6 heures par jour, du lundi au vendredi. Soit de 9 heures à midi et de 13 heures à 16 heures. Ce qui fait un total de 6 heures par jour. S’ajoutent à cela des horaires de 9 heures à midi, les samedis, soit 3 heures. Au total, ils cumulaient 33 heures par semaine. Ce, pour un salaire de base de Rs 40 800.

Sous la nouvelle formule, la première équipe, celle qui assure le service le matin, devra travailler de 8 heures à midi. Et de 13 heures à 16 heures. Donc, un total de 7 heures par jour. L’autre équipe, qui assure le service de nuit, prendra ses fonctions à 16 heures pour terminer à 8 heures le lendemain matin. On enlève à cela une heure pour la pause dîner et deux heures de repos (lying in), ce qui fait un total de 13 heures par nuit et une moyenne de 40 heures par semaine. Le planning établi est comme suit pour chaque médecin : deux services le jour, un service la nuit et un jour de congé.

Premier hic : le jour de congé n’en est pas vraiment un. Selon le Dr Rajnish Nabab, vice-secrétaire de la Medical and Health Officers' Association, le service prend fin à 8 heures, ce qui fait que le généraliste n’a pas droit à un jour de repos en entier. «Avec ce roster, les médecins se retrouveront à travailler en moyenne 10 nuits par mois, alors qu’auparavant, nous le faisions au choix et cela tournait autour de 4 à 6 nuits par mois», souligne-t-il. Et d’ajouter que ce planning s’annonce démotivant et décourageant pour les généralistes.

Autre anomalie que soulèvent les médecins : le nombre d’heures a augmenté alors que le salaire de base n’a pas évolué. «Nous avons fait six années d’études, deux années d’internat et avons patienté au moins trois ans avant de trouver un boulot. Au final, c’est au moins dix années sacrifiées pour un salaire de base de Rs 40 800. De par un jugement de la Cour suprême, c’est un droit acquis pour nos 33 heures par semaine. Mais avec le nouveau système, le nombre d’heures passe à 40 heures en moyenne pour le même salaire de base. Ce n’est pas normal», poursuit le Dr Rajnish Nabab.

Il  indique que sous l’ancienne formule, les médecins qui assuraient le service de nuit touchaient une allocation d’environ Rs 3 000 à chaque fois. Ce qui représentait une somme additionnelle de Rs 10 000 à Rs 12 000 greffée au salaire mensuel. Cette allocation est maintenant supprimée avec l’arrivée du système de rotation.

Un médecin généraliste posté à l’hôpital de Rose Belle avance, quant à lui, que ces allocations figuraient sur la fiche de paie des généralistes et plusieurs ont contracté des prêts sur cette base. «À présent, c’est un manque à gagner. On travaille plus d’heures et on n’est pas payé. C’est injuste», s’exclame-t-il.

Les généralistes sont également d’avis que le ministère de la Santé ne joue pas la carte de la transparence. «Nous avions obtenu l’assurance du ministre de la Santé, de même que du Senior Chief Executive que le système ne serait pas instauré tant que les négociations n’auraient pas abouti. Cependant, il a été appliqué aujourd’hui (NdlR : le mardi 1er août). Ce n’est pas correct. Les médecins sont un pilier de la société», martèle le Dr Rajnish Nabab.

Husnoo : «le shift system, les médecins l’ont voulu!»

<p>&laquo;<em>Ce sont les médecins eux-mêmes qui ont voulu ce système de rotation. Avant, ils travaillaient 30 heures d&rsquo;affilée lorsqu&rsquo;ils cumulaient des heures supplémentaires. Ils disaient que leur vie familiale en souffrait. À présent, le service de nuit est passé à 13 heures et ils disent qu&rsquo;ils n&rsquo;ont pas de vie sociale ? Ça n&rsquo;a aucune logique</em>&raquo;, a déclaré le ministre de la Santé Anwar Husnoo. C&rsquo;était hier soir, lors des célébrations officielles du 250e anniversaire de la force policière. Le ministre a souligné qu&rsquo;il est faux de dire que les médecins seront pénalisés avec les heures de travail passant de 33 heures à 40 heures par semaine. Car selon lui, les médecins recevront deux allocations pour cela. &laquo;<em>Je ne trouve pas ça injuste du tout</em>&raquo;, a-t-il précisé. Anwar Husnoo affirme que les généralistes en poste étaient au courant au sujet des 350 médecins qui avaient été recrutés pour l&rsquo;extension du &laquo;shift system&raquo;. &laquo;<em>Aster zot pé dir pa met shift system. Ki mo fer ek sa bann dokterla ?&raquo;</em> Toutefois, le ministre de la Santé se dit ouvert aux discussions, tout en laissant entendre qu&rsquo;il serait difficile de revoir l&rsquo;application de la nouvelle formule à cause des médecins recrutés.</p>

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<h2>Un système voué à l&rsquo;échec ?</h2>

<p>Le système de rotation dans la majorité des départements ne fonctionnera pas. C&rsquo;est l&rsquo;avis de plusieurs généralistes. Hormis la fatigue et le moral à zéro, ils soutiennent que le suivi des dossiers pourrait être compromis. Car à présent, les médecins généralistes connaissent plus ou moins les patients qu&rsquo;ils traitent régulièrement. Idem pour ces généralistes qui assistent des médecins spécialistes. Avec le système de rotation, ce suivi personnalisé pourrait ne pas se faire. Par ailleurs, les médecins demandent à savoir si l&rsquo;application du &laquo;<em>shift system</em>&raquo; aux urgences a été bénéfique aux patients. &laquo;<em>Ce premier volet a-t-il fait ses preuves ? Y a-t-il un rapport ? Il faudrait en partager les retombées</em>&raquo;, avance le Dr Rajnish Nabab.</p>

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<h2>Signature &laquo;under protest&raquo;</h2>

<p>&nbsp;C&rsquo;est &laquo;<em>sous réserve</em>&raquo; que la majorité des médecins ont signé, hier, dans les hôpitaux, le document dans le cadre du &laquo;<em>shift system&raquo;. </em>&laquo;<em>Nous sommes très mécontents mais nous restons professionnels. Nous avons choisi de signer &lsquo;under protest&rsquo; pour le bien-être des patients&raquo;</em>, souligne le Dr Rajnish Nabab. Il avance que cela ne veut toutefois pas dire que les généralistes ont baissé les bras. &laquo;<em>Nous sommes loin de nos familles la plupart du temps. C&rsquo;est comme si nous travaillions dans une usine ! Et si nous sommes fatigués, qu&rsquo;adviendra-t-il des patients ?&raquo;</em> Outre la demande de révision judiciaire en cour, la MHOA organise, le samedi 5 août, une réunion à l&rsquo;Unity House, à Beau Bassin. Le ministre de la Santé, de même que son Senior Chief Executive y sont conviés pour des discussions.</p>

<h2>462 généralistes partent en guerre contre le ministère de la Santé</h2>

<p><em>&laquo;Perverse, injuste, arbitraire et déraisonnable.&raquo;</em> C&rsquo;est ainsi que la Medical and Health Officers&rsquo; Association (MHOA) qualifie la décision du ministère de la Santé de mettre en place le shift system. Effectif depuis hier, celui-ci rallonge les heures de travail des médecins de 33 heures à 40 heures en semaine. Ce que la MHOA, qui regroupe 462 médecins de l&rsquo;État, considère comme une injustice. Elle a, d&rsquo;ailleurs, saisi la Cour suprême pour une révision judiciaire de la décision unilatérale du ministère de la Santé. La motion sera appelée devant le chef juge Keshoe Parsad Matadeen, le lundi 7 août.</p>

<p>Dans son affidavit, rédigé par Me Ayesha Jeewa, avouée, le Dr Vinesh Kumar Sewsurn soutient que la décision de la Santé est en train de modifier le nombre d&rsquo;heures de travail des médecins et de rendre ces derniers stressés, fatigués et déprimés. Selon le président de la MHOA, le développement professionnel continu des jeunes médecins sera sérieusement compromis à travers ce Shift System. Car ils ne pourront pas accompagner les spécialistes dans les salles ou suivre les patients sous la supervision de ces mentors.</p>

<p>Lors de l&rsquo;assemblée générale spéciale de la MHOA, tenue le 8 avril, tous les membres avaient voté à l&rsquo;unanimité contre. D&rsquo;ailleurs, l&rsquo;association avait déjà porté l&rsquo;affaire devant la Commission for Conciliation and Mediation, en juin, quand le ministère avait annoncé la mise en place du système sur une base pilote et une révision des conditions de travail des médecins.</p>

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